dimanche 18 juin 2017

La vallée de Todoroki
Il est vrai que Tôkyô est une ville sur-urbanisée, qui semble un terrain d'expérimentation pour les architectes. Les Japonais n'en restent cependant pas moins très attachés à la nature et réservent de nombreux parcs et jardins disséminés entre les gratte-ciels. Parmi ces espaces verts, il en est un tout à fait surprenant, la vallée de Todoroki.
Rien que le nom vous fait déjà partir en voyage. La vallée de Todoroki est pourtant située en plein Tôkyô, au sud-ouest de la ville, dans l'arrondissement de Setagaya. Et c'est bien ce qui étonne le plus : dès qu'on pénètre les lieux, on se croirait en train de faire une randonnée dans la grande banlieue rurale de la capitale. La "vallée" est aménagée sur environ un kilomètre en suivant le cours d'un petit ruisseau. Ce qui fait sa spécificité, c'est que le site forme un sillon creusé dans la ville, aussi profond qu'étroit, et que les parois de cette petite gorge sont couvertes de végétation plus ou moins sauvage. Dès qu'on descend l'escalier pour y accéder, on est aussitôt entouré de verdure, et complètement coupé des bruits et des turbulences de la ville. L'air y est moite et chargé de ce parfum d'humus qu'on ne sent habituellement que dans les serres.
L'écosystème y est tellement bien entretenu que la nature s'y épanouit de façon inouïe pour un site en pleine ville. Imaginez : j'ai même vu un serpent se balader, pépère. Et sans exagérer, il faisait au moins 1,50 m., voire 2 m. J'avais déjà vu un serpent aux abords d'un parc en plein Tôkyô, mais celui-ci ne devait pas dépasser les 50 cm. Là, dans la vallée de Todoroki, il était impressionnant, surtout si près des promeneurs, à la vue de tous. Et dans la rubrique "la vie des bêtes", j'ai également observé un petit crabe. Je ne savais même pas que ça existait, un crabe d'eau douce ! 
Au bout de la vallée, on trouve plusieurs petits temples charmants, qui concluent la promenade en beauté. On a vraiment l'impression de visiter un temple de montagne, cerné par la forêt.
Quand on se retrouve à Shibuya quelques minutes plus tard, on a un peu le sentiment d'avoir fait une grande excursion !

vendredi 9 juin 2017

Le karaoke
J'ai déjà eu, à plusieurs reprises, l'occasion de vous parler un peu du karaoke, mais il s'agit-là d'un loisir tellement important dans la culture japonaise qu'il mérite bien un article détaillé.
Quelques précisions pour savoir de quoi on parle. Le karaoke (du japonais kara, "vide", et oke, version abrégée de "orchestra" : l'orchestre vide, la musique sans chanteur quoi...) consiste à chanter dans un micro sur un accompagnement musical en s'aidant des paroles qui s'affichent de façon synchrone sur un écran. Dire qu'à Tôkyô on trouve des karaokes à chaque coin de rue est un euphémisme : il y en a des centaines, la chaine la plus connue étant sans doute Karaokekan, qu'on pourrait traduire par "la karaoke-thèque", comme on va à la bibliothèque. Parfois, à un même carrefour, on peut compter jusqu'à quatre ou cinq karaokes, dont plusieurs appartiennent à la même chaine (quand vous envoyez un SMS aux copains : "On est au Karaokekan de Roppongi", vous avez intérêt à donner des précisions pour que vos potes vous retrouvent !).
En France aussi, bien sûr, on trouve des karaokes, mais l'ambiance y est totalement différente de ce qu'on peut vivre au Japon. La plupart du temps, il s'agit de scènes ouvertes dans des bars ou des restaurants de campings (bon, je caricature un tantinet...). On chante devant un parterre d'inconnus, un peu comme pour un concert. Il faut être sacrément sûr de soi pour aller se donner en spectacle dans de telles conditions. Inutile de tenter le coup si vous n'assurez pas un minimum.
Au Japon, rien à voir. Le karaoke se déroule dans une pièce fermée où on se retrouve entre amis, et rien qu'entre amis. On loue le karaoke à l'heure. On peut y boire et y grignoter, comme dans un bar, certaines formules proposent du "à volonté", mais c'est cher. Si l'on est peu nombreux, une petite salle suffit, mais quand on est une dizaine, voire plus, on a droit à un salon de plus ample dimension.
Dans la salle, il y a toujours au moins un écran, deux micros (pour faire des duos !), et bien entendu des canapés pour s'assoir. On peut parfois aussi trouver des maracas ou des tambourins, si les ambiances mariachi ou hippie vous tentent, ou un micro supplémentaire fixé sur un pied. Certains karaokes vous prêtent des déguisements sur simple demande : les Japonais adorent se déguiser. Le centre névralgique du karaoke, c'est la tablette. On affiche les chansons par interprète ou par titre, voire en faisant une recherche avec le début des paroles. Il y a des milliers de morceaux en stock. Quand on a trouvé son bonheur, on valide, et la chanson choisie va rejoindre la playlist. On attend ensuite que sa sélection arrive (en général dans l'ordre des validations, mais on peut tout modifier, ou annuler un morceau, etc.), et hop, on attrape le micro, à son tour de jouer ! La tablette tourne, il faut s'arranger pour que tous ceux qui ont envie de chanter puissent le faire. Et puis rien ne vous empêche d'accompagner un ami, même si ce n'est pas vous qui avez choisi sa chanson. Tout le monde est là pour chanter, on est tous ensemble, c'est un loisir, pas un spectacle. C'est un peu comme aller danser en boite, sauf que là c'est aller chanter. D'ailleurs, dès qu'un morceau commence, les spots se mettent en marche, ambiance discothèque, c'est la fête !
Concernant le style, il y a vraiment de tout : des tubes de pop japonaise, du rock, mais aussi des tas de chansons anciennes, l'équivalent de nos Frehel ou Edith Piaf. En chansons internationales, on trouve aussi un large choix : de David Bowie à Led Zeppelin en passant par les Pogues, les Beatles ou Radiohead. Le choix de chansons françaises est plus restreint et très dépendant de ce que la machine a en stock. Les morceaux qu'on trouve le plus facilement sont Comme d'habitude, Le temps des cerises, Aux Champs-Elysées ou Les parapluies de Cherbourg. Il y a bien entendu des morceaux comme Happy Birthday To You, qu'on entonne tous en chœur, pas besoin de micro (oui, vous avez compris : c'est dans un karaoke que j'ai fêté mon anniversaire). Il y a même une sélection d'hymnes nationaux, et c'est ainsi que le soir des élections présidentielles (le résultat n'était pas encore publié chez nous), après un barbecue bien arrosé, on s'est tous levés pour entonner La marseillaise...
Je ne sais pas comment ça se passe dans d'autres cercles, mais avec mon groupe d'amis, quand quelqu'un lance un : "Ça vous dit un karaoke ?", il arrive parfois que quelqu'un que personne ne connait, mais qui se trouvait au 80's Café - le fief de ma bande - à ce moment-là se joigne à nous. On ne refuse personne, et on embarque tout le monde !
Pas besoin de chanter juste, même pas besoin d'être très doué pour suivre les paroles, il suffit juste de s'amuser. Il faut choisir : se prendre au sérieux ou aller au karaoke ! Personne ne juge personne, tout le monde s'applaudit, l'atmosphère est toujours bon enfant. Quand quelqu'un s'époumone en braillant dans le micro, on ne rit pas de lui, on rit avec lui. Certains d'entre nous ont une très belle voix et soulèvent immanquablement de "Oooohh !" d'admiration.
Chacun a souvent ses morceaux de prédilection. Par exemple, pour Anthony, c'est la version japonaise de la chanson de La reine des neiges ou les chansons d'AKB48, pour Wada-san, c'est Konayuki, pour Romain, c'est Let It Be, etc. Pour moi, ce serait Tsubasa wo kudasai ou Comme d'habitude. Même si le principe est facile (il suffit de suivre les paroles qui défilent sur l'écran), il vaut quand même mieux bien connaitre le morceau auquel on s'attaque, surtout si, comme c'est mon cas, on a encore du mal à lire le japonais !...
Avec mes amis, on va au karaoke au moins une fois par mois, c'est toujours un moment de grand bonheur. Alors voilà, après vous avoir présenté les grands principes, il ne me reste plus qu'à vous montrer ce que ça donne en vidéo. Oreilles sensibles s'abstenir.
Sur cette dernière "performance", vous pouvez entendre la voix de Makiko qui filme en disant un truc qu'on pourrait traduire par : "Et dire qu'il est professeur !..." Il faut avouer que cette chanson pleine de poésie - mise en valeur par une interprétation d'une infinie délicatesse - s'intitule Onara taisô, c'est-à-dire dans la langue de Molière "Exercices pour péter". C'est un morceau tiré d'un célèbre feuilleton, Nodame Cantabile, et vous pourrez voir la version originale ici.
Je vous avais prévenu : se prendre au sérieux ou aller au karaoke !