jeudi 5 juin 2025

Lettre ouverte à mes amis japonais

 Mes chers amis japonais, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas...

Voilà presque une décennie que vous m'accueillez dans votre pays, et je vous en suis fort reconnaissant. De toute évidence, cette expérience est la plus forte de ma vie, elle m'enrichit d'une façon qu'il serait impossible de quantifier, me transforme comme peu d'expériences l'ont fait durant mes cinquante premières années, en ouvrant mon horizon et en élargissant à l'infini le champ des possibles. Vous m'avez apporté et vous continuez à m'apporter beaucoup, beaucoup plus que ce que j'aurais osé espérer.
Durant ces quelques années à partager votre vie quotidienne, votre culture, à savourez vos paysages et me nourrir de votre cuisine, à découvrir vos habitudes, vos habitudes partagées aussi bien que celles qui vous caractérisent individuellement, j'ai eu le temps de réfléchir et de remettre en cause ma propre culture, mes certitudes, j'ai eu de nombreuses occasions de questionner ma propre identité. Ma culture d'origine est si éloignée de la vôtre que chaque jour est pour moi un voyage, le plus beau des voyages, celui où on rencontre l'autre en même temps que l'on se rencontre soi-même.
Je mesure l'ampleur de ce qu'il me reste à découvrir et à tenter d'éclaircir. C'est une exploration sans fin, qui me procure autant de joie qu'elle m'oblige à l'humilité. Aussi, c'est en toute humilité que j'aimerais vous poser quelques questions. Beaucoup de questions, en fait. Pour avancer dans ma compréhension du monde, j'ai envie, j'ai besoin de vous comprendre davantage.
Car en effet, au fil des ans, les questionnements sans réponse qui ont pu émerger ne concernaient pas que ma propre personne, mais également votre peuple, vous tous, Japonais, en tant que groupe et en tant qu'individus.
Mais reprenons au début.
Pourquoi ai-je choisi votre pays pour m'expatrier ? Les raisons sont, cela va de soi, multiples et complexes, mais un des traits qui m'a fortement attiré dans votre culture est le rapport que vous entretenez traditionnellement avec la nature. De longue date, le Japon est enraciné dans un substrat bouddhiste et taoïste, deux courants de pensée tournés vers la quête d'équilibre, équilibre intérieur, le fait de se sentir en paix, et équilibre extérieur, dans un désir d'harmonie avec les autres, les autres étant ici les autres humains tout autant que les montagnes, les oiseaux, les pierres et le vent. Implantée sur les terres japonaises, cette relation à l'environnement propre à ces deux religions a pu s'enrichir d'une humilité et d'une vénération des éléments liées à la force des phénomènes naturels que sont notamment les séismes et les tsunamis.

Même si les religions ont pris moins de place dans la société actuelle, il résulte de cette histoire un culte de la nature encore nettement vivace et visible de nos jours. La pratique du hanami en est peut-être l'exemple le plus remarquable, mais il en existe tant d'autres. Ainsi, quand vous prenez votre bain quotidien, vous rejouez la purification qu'offrent les onsen, sources thermales jaillies des entrailles de cette mère nourricière. Le mont Fuji lui-même garde dans vos cœurs un caractère sacré. C'est jusque dans les konbini, supérettes pourtant bien indifférentes au sort des éléments naturels, qu'on retrouve le cycle des saisons, avec chaque mois des spécialités qui marquent le passage du temps, gâteaux à la patate douce en automne et glaces au melon en été par exemple.
Mais quelque-chose a changé.
Le monde a changé.
Nos modes de vie ont ravagé les ressources de la planète, et les émissions de gaz à effet de serre inhérentes à ces modes de vie ont déclenché un bouleversement du climat aussi fatal qu'à présent inexorable.
Certains, comme le neuropsychologue Sébastien Bohler, pensent que nos comportements responsables de ces changements sont dans la nature humaine. Notre striatum, une structure de notre cerveau liée au circuit de la récompense, nous pousserait à chercher la satisfaction immédiate au détriment du calcul à long terme. Ce serait donc la physiologie même de notre cerveau qui nous ferait consommer sans nous soucier des conséquences de cette consommation, afin d'obtenir un plaisir immédiat. Bien que cette théorie soit intéressante, elle est toutefois souvent contestée. D'autres, comme le passionnant Vincent Mignerot, pensent que la cause de nos comportements serait liée à notre capacité d'adaptation. Tout au long de l'évolution, les êtres humains ont pu acquérir la capacité biologique, probablement cognitive, d'abstraire les propriétés du réel et de symboliser des effets physiques, nous permettant de produire des outils planifiés. Ce serait grâce à cette compétence que, par exemple, nous aurions pu nous affranchir de la régulation entre les proies et leurs prédateurs, et nous développer en dominant les contraintes matérielles. En résumé, notre espèce s'est montrée tellement efficace à dominer les autres qu'elle en aurait ignoré les limites de sa puissance, ou plutôt qu'elle aurait transcendé ces limites.
Quels sont les résultats du développement de l'espèce humaine ?

Dans un premier temps, nous avons considérablement allongé notre espérance de vie, vaincu des maladies et des famines, étendu nos savoirs, amélioré notre confort. Nous avons créé des arts, des moyens de communication et de transport, des structures sociétales et des systèmes politiques destinés à entretenir cette dynamique.
Au milieu du 19e siècle, notre capacité à maitriser le monde matériel a connu un essor brutal avec la révolution industrielle, liée en grande partie à l'extraction massive du charbon. Grâce à cette source d'énergie, nous sommes alors passés d'une société artisanale à une société commerciale, ce qui nous a permis de pousser encore plus loin nos victoires sur les éléments, et de nous lancer dans la conquête spatiale, de créer le cinéma, l'anesthésie, le four à micro-ondes et le ski nautique.
Le problème, et c'est là où je veux en venir, c'est que tous ces acquis ont nécessité le prélèvement de matières premières, c'est-à-dire de morceaux de nature, comme par exemple des minerais, du bois ou de la graisse animale, et encore et toujours des sources d'énergie, comme le pétrole et l'uranium. D'autre part, la transformation des éléments utilisés a engendré de gigantesques sommes de déchets sous forme de pollution terrestre, atmosphérique et maritime. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là. Après la Seconde guerre mondiale, l'économie de marché a connu ce qu'on appelle désormais la grande accélération. Non seulement nous avons persisté à ignorer les conséquences de notre consommation, mais nous avons multiplié nos prélèvements et nos déchets à un rythme sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Quand je dis « nous », je parle du global nord, parce que les populations du global sud, bien que généreusement fournisseuses en ressources humaines et matérielles, n'ont tiré proportionnellement que peu de bénéfices de l'essor de cette économie. Et ironiquement, ce sont elles qui subissent en premier lieu les effets néfastes de notre insatiable demande.
Les effets néfastes ? Tout le monde les connait, maintenant : sécheresses, inondations, glissements de terrains, etc. Vous pourriez être tentés de croire que ces catastrophes sont naturelles, et que nos modes de vie n'ont rien à voir avec les problèmes environnementaux qui se multiplient. Détrompez-vous. Nombreux sont les auteurs, scientifiques ou économistes, à l'instar de Kôhei Saitô, à avoir démontré de façon précise et sans équivoque que c'est notre époque industrielle qui nous pousse à produire toujours plus, et donc à détruire et polluer toujours plus. « Faire croitre l'économie pour augmenter les profits est l'essence même du capitalisme. » (Kôhei Saitô) C'est bien la croissance qui est la cause de la destruction du vivant, ou plus exactement de l'accaparement du vivant par une toute petite partie de la population, ceux qu'on désigne souvent comme les 1%, c'est-à-dire les 1% les plus riches. Il y a fort longtemps, Lao-tseu nous mettait déjà en garde contre ceux qui contrôlent le marché : « Rejette l'industrie et son profit, les voleurs et les bandits disparaitront. » Notre économie ne vaut que dans le profit croissant et à court terme, et le réel danger est que cette production exponentielle d'objets de consommation se déroule plus vite que, d'une part, le renouvellement des matières premières nécessaires à leur fabrication, et d'autre part, la capacité d’absorption des rejets par les écosystèmes. En bref, les ressources diminuent et la pollution augmente.

Sous quelle forme se manifeste notre pillage de l'environnement ? Pour donner un exemple concret : l'année dernière, la gouverneure de T
ōkyō, Yuriko Koike, a autorisé la destruction d'une partie de la forêt de Jingu Gaien, poumon vert de la capitale, pour y construire des immeubles et des stades de rugby et de base-ball. Comme le rapportait un article de Ouest France du 10 octobre 2024, le compositeur Ryûichi Sakamoto, peu avant sa mort, a même adressé une lettre à Mme Koike pour lui demander de renoncer à sacrifier ce morceau de nature empreint de spiritualité aux yeux des Tokyoïtes. En vain : les travaux ont commencé. Il n'y a pas que dans la capitale que la végétation disparait, le massacre est similaire à Nagareyama, où j'habite, et je n'ai aucune raison de croire qu'il s'agit là de cas isolés. Les scientifiques, comme le professeur Takako Yamaguchi de l'université Hosei, ne cessent pourtant de nous avertir que seuls les espaces boisés sont à même de modérer les vagues de chaleur qui, c'est inéluctable, seront de plus en plus fréquentes et mortelles, ainsi que les pluies diluviennes auxquelles nous devons nous préparer. Il faudrait stopper l'artificialisation des sols et végétaliser le plus possible les espaces urbains. Dès lors, pensez-vous que la décision de Mme Koike soit correcte ?
Mais il serait un peu trop facile d'accuser nos responsables politiques, car leur réponse est toute trouvée : s'ils prennent des décisions mortifères, c'est simplement parce qu'il y a de la demande. Même s'il s'agit là d'une immonde mauvaise foi, puisqu'en vérité les citoyens ne demandent pas qu'on rase leurs forêts, et que ces opérations immobilières servent avant tout les intérêts de grands groupes industriels, cela ne nous empêche pas de nous remettre en question.
Au Japon, la natalité est en baisse depuis plusieurs années. Par ailleurs, et c'est une des conséquences de cette baisse, on trouve plus de huit millions de maisons inoccupées. Malgré cela, vous continuez à faire construire des maisons neuves, qui nécessitent d'arracher à la Terre une quantité phénoménale de bois et de granulats. Je comprends et je ne dénigre aucunement le besoin de reconnaissance sociale qui vous pousse à dépenser votre argent en vous conformant à des schémas culturels qui vous ont été légués. Mais avez-vous conscience du massacre dont vous vous rendez complices en opérant de tels choix ? Je suis sincèrement navré de vous l'annoncer, mais le temps de la maison quatre murs est révolu. Vous pensez certainement qu'une maison neuve apportera davantage de bonheur que de désagréments à votre famille. Mais quand vos enfants réaliseront l'ampleur de la catastrophe à laquelle vous avez participé, quand ils réaliseront le fossé qui sépare le quotidien dont notre génération a bénéficié et celui que leur génération subira, il y a peu de chances qu'ils vous pardonnent. Pourrez-vous alors les regarder droit dans les yeux et leur dire : « J'ai fait ce choix pour ton bonheur » ? Vos enfants vous riront au nez, s'ils ont encore le cœur à rire. Alors, afin de satisfaire vos besoins de reconnaissance sociale de façon responsable, et tant qu'à vous endetter sur quinze, vingt ans ou plus, ne serait-il pas plus judicieux d'investir dans des maisons déjà existantes, quitte à les rénover ? Cela serait largement moins délétère pour le vivant, et ne vous apporterait pas moins de bonheur. Je sais que c'est ce même besoin de reconnaissance sociale qui vous incite à acheter des voitures aussi énormes que des corbillards, qui sont préjudiciables à la vie aussi bien de par leur fabrication que par leur entretien. Mais ces valeurs culturelles, dont vous avez hérité, cela vous semble-t-il à ce point insurmontable de les remettre un tant soit peu en cause ? Ce faisant, pourtant, vous redeviendriez maitres de vos vies.

Car si jusqu'ici, c'était surtout le global sud qui était touché par la catastrophe environnementale, le global nord ne peut plus l'ignorer : les incendies de grande ampleur au Canada, à Los Angeles ou à
Ōfunato, dans le nord-est du Japon, ne sont que des exemples parmi les plus voyants, qui montrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, comme le rappelait un article paru dans le Japan Times du 11 janvier 2025. Les kokusho, vagues de chaleur caniculaire, se multiplient, chaque année battant le record de l'année précédente. Lors de l'été 2024, le plus chaud depuis que les relevés de température existent au Japon, 123 personnes sont mortes rien que pour le mois de juillet et rien que pour la ville de Tōkyō. La chaleur extrême a également un impact sur ce que l'on mange, et chacun d'entre nous a pu amèrement constater l'augmentation du prix du riz, due en partie aux mauvaises récoltes (mais pas seulement, j'y reviendrai plus bas). Par ailleurs, c'est jusqu'au goût et à la qualité du riz qui sont affectés de manière négative. En outre, notre tendance à la surconsommation n'engendre pas que le dérèglement climatique, elle provoque aussi la chute de la biodiversité. Nous détruisons les insectes pollinisateurs en détruisant leur habitat, les fruits et les légumes dont nous nous nourrissons ont de plus en plus de mal à pousser, et pour palier ce problème nous les arrosons d'intrants tous plus néfastes les uns que les autres pour la santé. Même les vitamines disparaissent de nos fruits. Notre nourriture devient du poison, comme l'a fort bien démontré Laure Ducos dans son livre Les frites viennent des patates. L'agro-industrie ne nous nourrit pas, elle nous tue. Quant à l'eau que nous buvons, des ingénieurs comme Charlène Descolonges ne cessent de nous informer de sa mauvaise qualité à cause des résidus chimiques et des micro-plastiques qu’on y trouve. Kôhei Saitô précise qu'il est estimé que chaque semaine, nous ingérons l'équivalent d'une carte de crédit en plastique.
Pour en revenir au réchauffement climatique en soi, des études ont montré qu'il représentait de surcroît des dangers psychiatriques, favorisant dépressions, suicides et homicides. Un futur de plus en plus violent, est-ce ce que nous désirons ? Un article du Japan Times du 10 janvier 2025 relatait que les perspectives de respecter les accords de Paris s'éloignent, et que le réchauffement s'accélère au-delà des prévisions. Même la mer n'échappe pas aux vagues de chaleur, à tel point qu'on parle à présent d'incendies sous-marins. Quand on vit sur une ile, il y a de quoi s'inquiéter.
Mais vous inquiétez-vous vraiment ?

J'ai souvent eu l'occasion d'aborder ces thèmes avec vous, et j'ai parfois eu comme réaction de votre part que tout cela ne vous intéressait pas beaucoup. Vous me dites qu'il y a des sujets plus importants, comme par exemple l'économie. Mais l'économie est intrinsèquement reliée à ces thèmes, puisque comme le précisait un article du Japan Times daté du 12 janvier 2025, les couts liés au changement climatique au Japon sont parmi les plus élevés au monde. Cet article rappelait en outre que si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivaient sur la trajectoire actuelle, le Produit Intérieur Brut connaitrait une chute vertigineuse, d'autant plus terrible qu'elle ne serait pas anticipée. Le Japon va sombrer dans la pauvreté. Par ailleurs, les couts des assurances ont déjà augmenté, et aucune inversion de la tendance ne se dessine. Plusieurs régions risquent même fort d'être déclarées inassurables.
Cela ne vous inquiète pas ?
Certains d'entre vous me disent que les tensions internationales sont plus importantes que les questions écologiques. Mais vous n'êtes pas sans savoir que les enjeux des tensions internationales sont toujours liés à des problèmes de ressources. Or, les ressources dont nous avons besoin pour faire fonctionner la société actuelle fondent comme neige au soleil, comme le répètent depuis des années des spécialistes du domaine comme Philippe Bihouix. Que ce soit au sujet des terres rares, nécessaires aux nouvelles technologies, et dont la Chine détient le quasi-monopole, ou des gisements de pétrole ou de gaz naturel (présents dans les iles Senkaku, sur lesquelles lorgne la Chine), que ce soit les ressources de l'Ukraine, déjà à feu et à sang, les tensions sont là et c'est bientôt la planète entière qui va s'embraser. Alors vraiment, on s'en fout ?
Certains d'entre vous reconnaissent qu'ils sont inquiets mais me disent qu'on ne peut rien y faire. Si, on peut faire des choses, et soyez bien assurés que pendant qu'on ne fait pas, les politiciens font.
Un article du Japan Times du 13 janvier 2025 expliquait que le gouvernement japonais n'avait nullement l'intention de se passer des énergies fossiles. Un article du Monde daté du 18 février 2025 précisait que cependant, le Japon s'engageait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 60%, annonce qui constituait une source de grande autosatisfaction de la part du gouvernement. Gouvernement qui oubliait au passage que pour respecter les accords de Paris, il faudrait réduire ces émissions de 81%. L'article détaille également que si la consommation d'électricité est en hausse, c'est en partie à cause de l'énergie requise pour faire tourner l'Intelligence Artificielle, et de la production de semi-conducteurs... qui une fois sur le marché consommeront encore plus d'énergie.
Pour faire baisser les émissions, vos élus misent sur le nucléaire, mais est-ce bien raisonnable dans le pays des tsunamis et des tremblements de terre ? Vous reprendrez bien un peu de Fukushima ? Même dans le camp conservateur, des voix commencent à s'élever pour rejeter le nucléaire.
Alors certes, des efforts sont faits, comme dans la ville de Chiba, ainsi que le relatait un article du Japan Times du 2 mars 2025. Mais l'auteur de cet article expliquait que ces efforts relevaient surtout de la communication et du bruit politiques, et étaient quoi qu'il en soit insuffisants. Nous n'y arriverons pas comme ça.

Pendant ce temps, les stocks de riz diminuent, à tel point que le gouvernement n'a plus d'autre choix que de puiser dans les réserves nationales, destinées normalement à faire face aux situations de crise. Comme je le disais plus haut, les prix augmentent, mais paradoxalement, les revenus des agriculteurs baissent.
Encore une question : où va l'argent ? Un article paru dans Médiapart le 1er avril rapportait une manifestation d'agriculteurs ayant eu lieu le 30 mars dernier à Tōkyō, en avez-vous entendu parler ? Quand j'en ai discuté avec vous, vous ne le saviez pas. Ces mouvements sociaux révèlent l'incompétence du gouvernement à comprendre et à faire face à la situation. Nobuhiro Suzuki, professeur à l'université de Tōkyō et auteur de Le Japon sera le 1er pays à mourir de faim, alerte depuis des années sur le taux d'autosuffisance très bas du pays. En cas de guerre (très probable avec la Chine, au sujet de Taïwan ou des iles Senkaku comme je le disais plus haut), le Japon n'aura peut-être pas le moyen d'être ravitaillé.
Mais qu'on se rassure : le gouvernement est en train de mettre en place une agence pour faire face aux phénomènes extrêmes. Ce sera sans doute très utile, mais plutôt que de réparer les dégâts et d'intervenir en cas de désastre, ne serait-il pas plus prudent d'anticiper et d'empêcher les catastrophes de se produire ?
Est-ce que vous avez vraiment confiance en vos dirigeants, pensez-vous qu'ils vous permettront de finir vos vies dans des conditions qui ne soient pas déplorables, et qu'ils permettront à vos enfants de manger à leur faim et vivre en sécurité ?
Qu'est-ce que nous pouvons faire ? Faire payer les sacs en plastique dans les konbini ne suffira pas à inverser la dynamique funeste, pas plus que d'installer des mangeoires à oiseau sur votre balcon (d'autant plus qu'on m'a informé récemment que c'était interdit). Ce n'est pas avec de petits aménagements à l'intérieur du système actuel que nous pourrons sauver l'humanité d'elle-même, c'est tout le système qu'il faut changer.
J'avoue que quand j'ai commencé à me pencher sur ces questions, il y a quelques années, j'ai été tenté d'être partisan d'une dictature verte. Considérant d'une part, l'urgence de la situation, et d'autre part, l'inertie de la population, j'avais le sentiment que seules des mesures fortes et coercitives étaient à même de nous procurer un semblant d'espoir. Mais plus j'étudie ces thèmes, et plus je comprends que la justice environnementale ne peut exister sans une justice sociale, dans laquelle doivent être impliqués les citoyens. C'est à nous de décider ce que nous voulons faire de nos vies.

Et afin que ces choix se fassent de façon pertinente et éclairée, la priorité est de s'informer.
Même si j'ai cité ci-dessus de nombreux articles, je reconnais que les journaux japonais restent timides sur le sujet. S'ils en parlent si peu et si mal, c'est parce qu'aucun journal japonais n'ose aborder le fond du problème, à savoir que c'est le consumérisme qui est responsable du drame que nous vivons. Et si aucun journaliste n'aborde le sujet sous cet angle, c'est que les journaux japonais sont tous financés par de grands groupes industriels. Pour eux, affirmer que le libéralisme est la cause de la catastrophe reviendrait à se tirer une balle dans le pied. D'ailleurs, le Japon a beau être une démocratie, il est classé 66 concernant la liberté de la presse (la France est 25, ce n'est pas glorieux non plus). D'après ce que je sais, il existe très peu de médias indépendants au Japon, la presse ne peut donc que se contenter d'entretenir le système actuel, en maintenant dans l'opinion générale l'idée que seule la croissance pourra nous permettre de trouver « des solutions ». Par ailleurs, ceux qui, sur YouTube par exemple, font entendre une voix alternative, ont rapidement tendance à tomber dans les méandres des théories du complot et l'ignorance des réalités scientifiques. Moi-même, conscient de mes biais, je me force à chercher des informations dans des médias qui vont à l'encontre de mes convictions, afin de m'obliger à prendre du recul. Qu'est-ce que j'y trouve ? Que le réchauffement climatique serait dû à l'éruption d'un volcan en Indonésie, et que, Dieu ne nous permettant pas de connaitre l'avenir, nous devons rester prudents quant aux projections scientifiques. Dans le même ordre d'idées, je ne sais pas sur quel site une de vos compatriotes est allée chercher l'information qui dit que si les Japonais arrêtaient la chasse à la baleine, lesdits cétacés videraient la mer de ses poissons en les mangeant tous ! En France, une telle contrevérité scientifique ferait rire, mais cette Japonaise semblait croire dur comme fer à ce qu'elle avait lu. Consulter des informations alternatives est donc important, mais il est tout aussi fondamental de multiplier les sources afin de faire le tri.
Régulièrement, la JMA, Agence Météorologique Japonaise, tire le signal d'alarme sur la situation mondiale, mais est-ce vraiment relayé ? Entendez-vous des réactions des politiques ? Des journalistes ? Des scientifiques ? Des citoyens ?

Alors une fois de plus, que faire ? Plusieurs moyens d'action sont à notre disposition. Le premier est d'aller voter, car même si aucun personnage politique n'est à la hauteur des enjeux (pas plus au Japon qu'en France, d'ailleurs), un vote peut marquer une tendance, manifester des préoccupations. Mieux que voter : se présenter aux élections. Interpellez vos élus, par écrit ou quand ils viennent parader dans les évènements publics. Vous pouvez aussi vous rapprocher d'une association, militer. Allez voir du côté de Greenpeace ou de Friend Of The Earth par exemple, à vous de faire votre choix en fonction de votre sensibilité. Vous pouvez participer à des jardins collectifs, organiser des discussions, intervenir dans des écoles, longue est la liste des moyens de résister.
Mais surtout, nous devons « changer de boussole », pour reprendre le titre d'un livre de Olivier De Schutter. La boussole actuelle, c'est le PIB, érigé en religion à tel point qu'il semble impossible de remettre en cause cette économie. Elle nous a apporté tellement de bonheur, comment y renoncer ? Ce ne sont pas les vieux croulants qui nous dirigent qui vont comprendre en premier que le monde dans lequel ils ont grandi et se sont épanouis est terminé.
En France, quand les citoyens achètent des choses, on dit qu'ils « ont le moral. » Voilà qui m'a toujours laissé dubitatif. N'y a-t-il pas d'autre moyen de s'épanouir qu'en dépensant son argent ? Passer du temps avec ses proches, marcher en forêt, jouer de la guitare, faire du bénévolat... Nous devons repenser notre rapport à la société de consommation en nous demandant, à chaque achat : en ai-je vraiment besoin ? Bien sûr, c'est difficile de résister, tout étant fait pour contrôler nos comportements, de la publicité à l'obsolescence programmée en passant par les algorithmes des réseaux sociaux. Et si nous n'avons pas vraiment besoin de consommer, le système se charge alors de créer des besoins. Difficile de résister, mais pas impossible. A-t-on besoin d'un robinet qui se déclenche tout seul quand on approche les mains (réellement vu dans une maison japonaise), ou est-ce du superflu ? Préfère-t-on être servi par un humain ou par un robot ? (précision pour mes compatriotes français : oui, les robots qui font le service se multiplient dans certains restaurants japonais).
Pour terminer, je voudrais vous poser une dernière question : avez-vous conscience que les carottes que vous achetez au supermarché sont gratuites ? Ce que vous payez, c'est le salaire de l'agriculteur (un tout petit peu), le transport et la logistique, le salaire du caissier (un tout petit peu) et la marge du supermarché (énorme). Mais la carotte en elle-même est gratuite. Que cette carotte nous aide à méditer.


Il y aurait encore beaucoup de thèmes à aborder mais je vais m'arrêter ici. Je n'ai pas parlé, par exemple, du sujet de la géo-ingénierie, que certains considèrent comme un espoir, alors qu'elle ne constitue qu'une menace supplémentaire à l'équilibre planétaire. Je n'ai pas non plus traité du techno-solutionnisme, car j'avais déjà évoqué ce sujet lors d'un précédent billet sur ce blog, de même que la monétisation des communs (comme l'eau) qui n'aboutirait qu'à une sordide fuite en avant. Je n'ai pas parlé de la montée du niveau de la mer qui, au Japon, est – ou tout au moins devrait être – un fort sujet de préoccupation, T
ōkyō risquant littéralement de disparaitre sous les eaux, un peu comme dans le célèbre roman La submersion du Japon. Je ne suis pas ingénieur ou économiste, je ne suis spécialiste d'aucun des domaines dont j'ai voulu vous parler dans cette lettre. Je ne suis qu'un citoyen inquiet, qui brule d'envie de vous connaitre et vous comprendre davantage. Un petit Français qui vit au Japon.
On pourrait très bien me reprocher mon ton moralisateur, alors que moi-même je n'agis pas. C'est vrai, mon statut d'étranger limite fortement mes moyens d'action. Je ne peux ni voter ni me présenter aux élections. Ma voix porte très peu, j'en ai bien conscience. Par ailleurs, je ne prétends aucunement être parfait. Par exemple, pour faire traduire ce texte, je n'ai eu d'autre choix que d'utiliser Chat GPT, ce qui va plutôt à l'encontre de mes idéaux. A ma minuscule échelle pourtant, j'essaye simplement d'être responsable, mais ce n'est pas mon propos aujourd'hui d'établir une liste de ce que je fais pour tenter d'être en accord avec mes idées. Mon seul pouvoir, ma seule force, c'est d'ouvrir le débat avec vous en vous adressant ces mots, aussi humblement que possible. Évidemment, ce que j'ai écrit dans cette lettre est tout aussi valable pour mes amis français, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas.
Chers amis japonais, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas, je vous ai posé beaucoup de questions, se trouvera-t-il parmi vous quelques personnes qui accepteraient d'y répondre ? C'est à vous de prendre la parole.
Très chaleureusement,
Ludovic


日本の皆さんへ

親愛なる日本の友人たちへ――知っている方も、知らない方も。

私がこの国に迎え入れていただいてから、もうすぐ10年が経ちます。このことに、私は心から感謝しています。
間違いなく、これは私の人生で最も強烈な経験であり、計り知れないほど私を豊かにし、50年間の人生でほとんどなかったほど私を変えてくれました。視野を広げ、可能性の領域を無限に広げてくれたのです。
皆さんは、私が期待していた以上に、はるかに多くのものを与えてくださっていますし、今もなお与え続けてくださっています。
ここ数年、皆さんの日常生活や文化を共にし、風景を味わい、料理に舌鼓を打ち、共有された習慣や皆さん個々の特徴的な習慣を知る中で、私は自分自身の文化や確信を見直す時間を持つことができました。
私の出身文化は皆さんのものとは非常に異なっており、私にとって毎日が旅であり、それは「他者と出会うと同時に自分自身とも出会う」という最も美しい旅なのです。
まだまだ発見すべきこと、解明しようと試みるべきことがどれほど多いか、私は痛感しています。
それは終わりのない探究であり、私に大きな喜びを与えると同時に、謙虚であることを求めてきます。
だからこそ、私は心から、皆さんにいくつかの質問をしたいのです。いや、実際には、たくさんの質問があります。
世界を理解していくためには、皆さんのことをもっと理解したい、もっと理解する必要があるのです。
実際、年月を重ねるうちに私の中に芽生えてきた答えのない問いは、自分自身に関するものだけでなく、皆さん日本人、つまり集団として、そして個人としての皆さんにも関係するものでした。
さて、最初に戻りましょう。
なぜ私は、外国に移住する先として皆さんの国を選んだのでしょうか?
理由は言うまでもなく多様で複雑ですが、皆さんの文化に強く惹かれた要素の一つは、自然との伝統的な関係です。
古くから、日本は仏教や道教といった、内なる平和を求める内的なバランスと、他者――それは人間だけでなく、山々や鳥、石や風を含む他者――との調和を目指す外的なバランスを重視する二つの思想の土台の上に根付いてきました。
こうした宗教に基づく自然との関係は、日本という土地に根ざすことで、地震や津波といった自然現象の力に対する謙虚さや敬意によって、さらに豊かになりました。
現代社会では宗教の存在感は以前ほどではないにしても、この歴史の名残として、自然への信仰は今なおはっきりと残っており、目に見える形で存在しています。
花見の風習はその最も顕著な例かもしれませんが、他にも多くの例があります。
たとえば、皆さんが毎日入るお風呂は、大地の母の胎内から湧き出る温泉による浄化の儀式を再演しているとも言えます。
富士山もまた、皆さんの心の中で神聖な存在として残っています。
さらには、自然とは無縁と思われがちなコンビニエンスストアの中にさえ、季節の移ろいを感じることができます。
たとえば、秋にはさつまいものお菓子、夏にはメロンのアイスクリームなど、月ごとに登場する季節限定の商品が、時間の流れを感じさせてくれます。
しかし、何かが変わってしまいました。

世界が変わったのです。
私たちの生活様式は地球の資源を荒廃させ、それに伴う温室効果ガスの排出は、今や避けられない気候の大変動を引き起こしました。
神経心理学者セバスチャン・ボレール (Sébastien Bohler) のように、このような変化をもたらした私たちの行動は人間の本質に根ざしていると考える人もいます。
私たちの脳にある報酬系に関わる構造「線条体」は、長期的な視点を犠牲にしてでも即時的な満足を求めるよう私たちを駆り立てているとされます。
つまり、消費の結果について配慮せずとも即座の快楽を得ようとするこの傾向は、脳の生理的構造そのものによるものだというのです。
この理論は興味深いものですが、しばしば異論もあります。
魅力的な思想家であるヴァンサン・ミニェロ (Vincent Mignerot) のように、人間の行動の原因はむしろ「適応能力」にあると考える人もいます。
進化の過程において、人類は現実の特性を抽象化し、物理的な効果を象徴として捉える生物学的(おそらく認知的)能力を獲得してきました。
それによって、道具を計画的に作り出すことができるようになったのです。

この能力のおかげで、例えば私たちは捕食者と被食者のバランスから脱却し、物質的制約を克服して発展してきたのです。
要するに、人類は他の存在を支配するのにあまりにも成功したために、自らの力の限界を見失い、むしろそれを超越してしまったのです。
では、人類の発展の結果はどうだったのでしょうか?
まず第一に、私たちは寿命を大きく延ばし、病気や飢餓を克服し、知識を広げ、生活の快適さを高めてきました。
芸術やコミュニケーション手段、交通手段、社会構造、政治制度なども創造し、それらを発展のために活用してきました。
19世紀半ば、石炭の大量採掘に支えられて、私たちは物質世界を制御する能力を飛躍的に高めました。
このエネルギー源のおかげで、職人の社会から商業社会へと移行し、さらに自然を制する力を強化し、宇宙開発、映画、麻酔、電子レンジ、水上スキーなどを創り出しました。
問題なのは、私がここで言いたいことでもあるのですが、こうした成果はすべて、鉱石や木材、動物の脂肪など自然の一部を採取すること――すなわち「資源の収奪」――を前提としているという点です。
さらに、それらの資源を加工する過程では、大量の廃棄物が生み出され、地上・大気・海洋を汚染してきました。
しかし、私たちはそこで止まりませんでした。
第二次世界大戦後、市場経済は「大加速」と呼ばれる時代に入りました。
消費の結果に目を向けることなく、資源の採取と廃棄のペースをかつてないほどに加速させたのです。
ここで「私たち」と言うのは「グローバル・ノース(北半球の富裕国)」のことを指しています。
なぜなら、資源や労働力を提供してきた「グローバル・サウス(南半球の国々)」の人々は、その経済発展からほとんど恩恵を受けていないからです。
しかも皮肉なことに、最初にその悪影響を被るのは、彼らなのです。
その悪影響とは? もはや誰もが知っています――干ばつ、洪水、地滑りなどです。
こうした災害は自然現象であり、私たちの生活様式とは無関係だと思いたくなるかもしれません。
でも、それは間違いです。

斎藤幸平のような研究者や経済学者たちは、私たちを取り巻く産業社会が「常により多くを生産する」方向に私たちを駆り立て、その結果として「常により多くを破壊し、汚染している」ことを、明確かつ疑いようもない形で示してきました。
「利益を増やすために経済を成長させること、それこそが資本主義の本質である。」(斎藤幸平)
つまり、「成長」こそが生命を破壊する原因なのです。あるいはより正確に言えば、生命を支配し、独占するごく少数の人々(しばしば「1%」と呼ばれる超富裕層)によって成り立っているのです。
老子は遥か昔に、こうした市場の支配者たちに警鐘を鳴らしていました――「産業と利益を退けよ。そうすれば、盗賊も悪党も消えるだろう。」
現在の経済は、短期的かつ際限のない利益の追求によってしか機能していません。
そして本当の危機は、消費財の爆発的な生産速度が、資源の再生スピードと、生態系が廃棄物を吸収できる限界を超えてしまっていることです。
要するに――資源は減少し、汚染は増加しているのです。
私たちの環境略奪は、どのような形で現れているのでしょうか?
具体的な例を挙げましょう。昨年、東京都知事の小池百合子氏は、首都の緑の肺とも言われる神宮外苑の一部を破壊し、ビルやラグビー・野球のスタジアムを建設することを許可しました。
20241010日の『Ouest France』の記事によれば、作曲家の坂本龍一氏は亡くなる少し前に、東京都民にとって精神的価値のあるこの自然を犠牲にしないようにと、小池氏に宛てて手紙を書いたそうです。しかし、その願いもむなしく、工事は始まりました。
植生の破壊は首都だけの問題ではありません。私が住んでいる流山市でも同様の破壊が進んでおり、それが例外的なケースだとは到底思えません。
法政大学の山口高子教授などの科学者たちは、繰り返し警告しています。森林のある空間だけが、今後ますます頻繁かつ致命的になるであろう熱波や、備えなければならない豪雨を和らげる力を持っていると。
したがって、土地の人工化を止め、都市空間にできる限り緑を増やすべきなのです。
それを踏まえて、小池知事の決定は正しかったと思いますか?

もっとも、政治家だけを責めるのは少し簡単すぎるかもしれません。なぜなら、彼らには常套句があるからです。「需要があるから仕方がない」と。
これはひどい詭弁です。実際には、市民が自らの森林を伐採してほしいと望んでいるわけではなく、これらの不動産開発は主に大企業の利益のために行われているのです。
それでも私たちは、自らの行動について反省しないわけにはいきません。
日本では、ここ数年、出生率の低下が続いています。
そして、その結果の一つとして、800万戸以上の空き家が存在しています
にもかかわらず、新築の住宅建設は続けられており、それは地球から莫大な量の木材や砂利などを引き抜くことを意味します。
社会的承認を得るために、お金を使い、受け継がれてきた文化的な枠組みに従うこと――その必要性を私は理解していますし、決して否定するつもりはありません。
しかし、そうした選択をすることで、皆さんがどれほど大きな破壊に加担しているか、自覚されていますか?
申し上げにくいことですが、「四角い新築の家」の時代はもう終わったのです。
新築の家は、家族にとって不幸よりも幸福をもたらすと、皆さんは思っているかもしれません。
しかし、やがて皆さんの子どもたちが、自分たちの親がどれほど大きな環境破壊に関わっていたかを知ったとき、そして自分たちの世代がどれほど過酷な現実に直面しなければならないかを思い知ったとき、彼らが皆さんを許してくれる可能性は限りなく低いでしょう。
そのとき、皆さんは子どもたちの目をまっすぐ見て、「これはあなたの幸せのために選んだんだ」と言えるでしょうか?

子どもたちは、笑える余裕がまだ残っていれば、鼻で笑うかもしれません。
ですから、もしも社会的承認の欲求を責任ある形で満たしたいのであれば、そして15年、20年、あるいはそれ以上のローンを組むのであれば、すでに存在する家に投資し、リノベーションするという選択肢のほうが賢明ではないでしょうか?
それは生態系にとって遥かに負担が少なく、それでいて幸福の度合いが劣るということもありません。
同じような社会的承認の欲求が、霊柩車のように巨大な車を購入させていることも私は知っています。そうした車は製造時も維持の面でも生命にとって有害です。
けれども、皆さんが受け継いできたこうした文化的価値観を、少しだけでも見直すことは、本当に不可能なのでしょうか?
そうすることで、皆さんは再び、自分自身の人生の主人になれるはずなのです。
これまで、環境災害の影響を最も受けていたのは主にグローバル・サウスでしたが、グローバル・ノースももはや無視できなくなっています。
カナダ、ロサンゼルス、あるいは日本北東部の大船渡で発生した大規模な山火事などは、時代の変化を示す最も明白な例に過ぎません。2025111日の『ジャパン・タイムズ』の記事がこれを報じていました。
酷暑の熱波「酷暑(こくしょ)」は年々増え続け、毎年、前年の記録を更新しています。
特に2024年の夏は、日本の気温観測史上もっとも暑く、7月だけで東京都内で123人が亡くなりました
極端な暑さは、私たちの食生活にも影響を与えています。私たち全員が、米の収穫不良の影響で価格が上がったことを実感したはずです(それだけが理由ではなく、後ほど触れます)。
さらに、米の味や品質までもが悪化しています
加えて、私たちの過剰消費の傾向は、気候変動だけでなく生物多様性の崩壊も引き起こしています。
私たちは、花粉媒介昆虫たちの生息地を破壊し、その結果として果物や野菜の生育がますます困難になっています。
その問題を補うために、農産物にさまざまな有害な化学物質を投入しているのです。
果物からは、ビタミンさえ失われつつあります。
私たちの食べ物は、今や毒になりつつあるのですロール・デュコス氏 (Laure Ducos) が『フライドポテトはジャガイモから来る』という著書で明確に示しています。アグロインダストリー(農業産業)は私たちを養っているのではなく、私たちを殺しているのです。

飲み水についても、シャルレーヌ・デスコロンジュ (Charlène Descollonges) のような技術者たちは、化学物質やマイクロプラスチックによる水質の悪化を繰り返し警告しています。
藤幸平によれば、人は毎週、クレジットカード1枚分に相当するプラスチックを体内に取り込んでいると推定されているそうです。
気候変動そのものについて言えば、うつ病、自殺、殺人といった精神的な影響を引き起こすことも研究によって明らかになっています
暴力がさらに広がる未来――それが本当に私たちの望むものなのでしょうか?
2025年1月10日の『ジャパン・タイムズ』の記事では、パリ協定の達成見込みが遠のき、温暖化が予想を超えるペースで進行していることが報じられていました。
もはや海でさえ熱波から逃れられず、「海中火災」という言葉まで使われるようになっています
島国に住んでいるからこそ、これは重大な懸念事項です。

でも、皆さんは本当に危機感を持っているでしょうか?
私はこれらのテーマについて、これまで皆さんと何度も話す機会がありましたが、時に「それほど関心はない」といった反応を受けることもありました。
「もっと重要な話題がある。たとえば経済だ」と皆さんは言います。
ですが、経済はこれらのテーマと本質的に結びついています。2025年1月12日の『ジャパン・タイムズ』の記事によれば、日本が気候変動によって負うコストは世界でも最も高い部類に入るそうです。

同記事では、もしも現在のペースで温室効果ガスの排出が続けば、日本のGDPは急激に下落し、その影響は予測されていなかった分だけ深刻になるとも指摘されていました。
日本は貧困へと向かっているのです。
すでに保険料は上昇しており、今後それが逆転する見通しはありません。
一部の地域では、保険対象外とされる可能性すら高まっています。
本当に心配ではないのですか?
「国際情勢の緊張の方が、環境問題よりも重要だ」とおっしゃる方もいます。
しかし、国際的な緊張の背景には常に「資源争奪」があります。
私たちの社会を維持するために必要な資源は、雪のように溶けて消えつつある――これはフィリップ・ビウイックス (Philippe Bihouix) のような専門家が何年も前から繰り返し警鐘を鳴らしてきたことです。
新技術に不可欠なレアアースをめぐっては、ほとんどを中国が独占しており、尖閣諸島の天然ガス・石油資源もまた、中国が目をつけている対象です。
あるいは、すでに戦火にあるウクライナの資源も含め、緊張は至るところにあり、いずれ世界全体が燃え上がるのも時間の問題です。
それでも、本当に「どうでもいい」と言えるのでしょうか?
「心配はしている。でも、どうにもできない」とおっしゃる方もいます。
しかし、できることはあります。私たちが行動を起こさなければ、その間に政治家たちは確実に動いているのです。
2025113日の『ジャパン・タイムズ』の記事によれば、日本政府は化石燃料をやめる意向がまったくないと報じられていました。
一方で、2025218日の『ル・モンド』(Le Monde) の記事では、日本が温室効果ガスの排出量を60%削減するという目標を掲げたことが伝えられており、これは政府にとって大きな自己満足の源であったようです。
しかし、その政府は、「パリ協定を遵守するには81%の削減が必要である」という点を、都合よく忘れているようです。
記事はまた、電力消費が増加している理由のひとつに、人工知能の運用に必要な電力や、半導体の生産が挙げられており――しかもその半導体が市場に出回れば、さらに多くの電力を消費することになると述べています。
排出量を減らすために、皆さんの政治家は原子力に頼っていますが――果たして、それは本当に賢明な判断でしょうか?津波と地震の国で。
もう一度、福島をおかわりしますか?

保守派の中ですら、原子力に反対する声が上がり始めています
もちろん、千葉市のように、いくつかの努力がなされているのは事実です。2025年3月2日の『ジャパン・タイムズ』の記事でもそれが紹介されていました。
しかし、その記事の筆者は、それらの取り組みの多くが、実際には単なる「広報目的」や「政治的パフォーマンス」であり、いずれにせよ不十分であると述べています。
このままでは、私たちは何も達成できないでしょう。
その間にも、米の備蓄量は減少し続けており、政府はもはや非常時用として確保していた国家備蓄に手をつけざるを得なくなっています。
先ほど述べたように、米の価格は上昇していますが、皮肉なことに農家の収入は減少しています。
もうひとつの疑問――お金は一体どこへ行っているのでしょうか?
202541日に『メディアパート』(Mediapart) に掲載された記事によれば、330日に東京で農家によるデモが行われたとのことですが、皆さんはそのことをご存知でしたか?
私がその件について皆さんと話したとき、ほとんどの方が知らなかったのです。
このような社会運動は、政府が現状を理解し、対処する能力に著しく欠けていることを浮き彫りにしています。
『日本は飢餓で最初に死ぬ国になる』という本の著者であり、東京大学の鈴木宣弘教授は、日本の自給率が極端に低いことに対して、何年も前から警鐘を鳴らしてきました。
仮に戦争が起こった場合(前述のように、中国との間で台湾や尖閣諸島をめぐって戦争が起こる可能性は非常に高い)、日本は補給を受ける手段を失うかもしれません。
もちろん、それはおそらく非常に役立つでしょう。ですが、被害が出てから修復し、災害が起こってから対応するよりも、あらかじめそれを防ぐことのほうが賢明ではないでしょうか?
皆さんは本当に、自分たちの指導者たちを信頼していますか?
彼らは本当に、皆さんが人生の最期をみじめな状態ではなく迎えることができるようにし、そして子どもたちが飢えることなく安全に生きていけるようにしてくれると思いますか?

私たちにできることは何でしょうか?
コンビニでのレジ袋を有料にしたところで、この破滅的な流れを食い止めることはできません。
ベランダに鳥の餌台を設置することも(最近、それが禁止されていると聞きましたが)同様に効果はありません。

現在のシステムの枠内でのちょっとした改善だけでは、人類を自らの破滅から救うことはできません。
必要なのは――システムそのものの根本的な変革なのです。
正直に言うと、私がこれらの問題について考え始めた数年前には、「グリーン独裁」を支持すべきではないかという誘惑に駆られたこともありました。
一方では事態の緊急性、そして他方では人々の無関心という現状を考えると、強力で強制的な手段だけが、かすかな希望をもたらす唯一の方法だと思えたのです。
しかし、これらのテーマを深く学べば学ぶほど、私はこう理解するようになりました――環境正義は、社会正義なしには成立し得ない。そして、その社会正義には市民の関与が不可欠であると。
私たち自身が、自分の人生をどう生きたいのかを決めるのです。
こうした選択を的確かつ賢明に行うためには、まず何よりも「情報を得ること」が優先されるべきです。
私はこれまでに多くの記事を引用してきましたが、日本の新聞はこの問題に関して非常に消極的であることを認めざるを得ません。
なぜあまり語られず、語られても表面的なのか。それは、いま私たちが直面している悲劇の根本的な原因が「消費主義」にあるという核心に、どのメディアも触れようとしないからです。
そして、なぜそれが語られないかといえば、日本の新聞社はすべて大企業の資金提供を受けているからです。
もしも「自由主義経済こそがこの破局の原因だ」と認めてしまえば、それは彼らにとって自殺行為となってしまうのです。
実際、日本は民主主義国家ではあるものの、「報道の自由」ランキングでは66位にとどまっています(フランスは25位ですが、これも決して誇れる順位ではありません)
私の知る限り、日本にはほとんど独立系メディアが存在せず、そのため新聞は現行システムを支える役割しか果たせていません。そして世論には「経済成長こそが唯一の解決策だ」という幻想が広められているのです。
一方で、YouTube などで異なる声を上げようとする人々は、陰謀論の迷路に迷い込んだり、科学的現実に対する無知を晒したりする傾向が強いです。
私自身も、自らの偏見に自覚的であるため、自分の信念と相反するメディアからも情報を得るよう努め、視野を広げようとしています。
そして、そこで目にするのは――たとえば「地球温暖化はインドネシアの火山噴火が原因だ」だとか、「未来は神の領域なので科学的予測など慎重に扱うべきだ」といった主張です。
同様の話として、ある日本人の方が「日本人が捕鯨をやめたら、クジラが魚を全部食べ尽くして海が空っぽになる」といった情報をどこかで見たようで、真剣に信じていました。
フランスであれば、こんな科学的誤謬は笑い話で済むかもしれませんが、その方は本気で信じていたようです。
したがって、代替的な情報を得ることは重要ですが、それと同時に――情報源を増やし、多角的に精査することも、極めて重要なのです。
気象庁(JMA)は、世界の状況に対して定期的に警鐘を鳴らしていますが――それは本当に広く伝えられているのでしょうか?
政治家たちからの反応はありますか?ジャーナリストたちからは?科学者たちは?市民の皆さんは?

では、改めて問います――私たちは何をすればよいのでしょうか?
実行可能な行動手段はいくつも存在します。
第一に、投票に行くことです。たとえ、どの政治家も課題に見合った器ではなかったとしても(日本でもフランスでも、同じことです)、投票によって傾向を示し、関心を表明することはできます。
投票するだけでなく、自ら立候補するという選択肢もあります。
公の場で演説をしている議員に声をかけたり、手紙を書いたりして、問いかけることもできます。
NGOや市民団体と連携し、活動に参加することも一つの方法です。
たとえばグリーンピースやフレンズ・オブ・ジ・アース (FOE Japan) など、自分の関心や価値観に合った団体を探してみてください。
共同菜園に参加すること、ディスカッションの場を企画すること、学校で啓発活動を行うこと――
抵抗の手段は、実に多岐にわたっているのです。
しかし何よりも重要なのは、私たちが「羅針盤を変える」ことです――これはオリヴィエ・ド・シュッターの著書のタイトルから引用しています (Olivier De Schutter, Changer de boussole, La croissance ne vaincra pas la pauvreté)。
現在の私たちの羅針盤、それはGDP(国内総生産)です。この指標はまるで宗教のように絶対視されており、それに基づく経済のあり方を疑うことすら不可能に思えるほどです。
GDPのおかげで私たちは多くの「幸福」を得てきました。では、それを手放すことなどできるのでしょうか?
しかし、今の社会を率いている「老いた支配者たち」は、自分たちが成長し、繁栄してきたその世界がすでに終わってしまったという現実を、真っ先に理解するような人々ではありません。
フランスでは、人々が買い物をすると「景気が良い」「国民の気分が明るい」と言われます。
私はいつもその表現に疑問を感じてきました。
お金を使うこと以外に、人が充実感を得る方法はないのでしょうか?
大切な人と過ごす時間、森の中を散歩すること、ギターを弾くこと、ボランティア活動――
私たちは、消費社会との関係性を見直さなければなりません。
すべての買い物のたびに、自問してみるのです。「これは本当に必要だろうか?」
もちろん、それは簡単なことではありません。
広告、計画的陳腐化(すぐに古くなるよう設計された製品)、SNSのアルゴリズムなど、すべてが私たちの行動を操作するように仕組まれているからです。
そして、私たちに「本当の必要」がなかったとしても、システムは「必要」を創り出してくるのです。
抵抗するのは難しいですが、不可能ではありません。
手を近づけると自動で水が出る蛇口――本当に必要ですか?(これは実際に日本の家で見たものです)それとも、ただの贅沢品でしょうか?
人間にサービスされる方が良いですか?それともロボットに?(フランスの同胞の皆さんへ:はい、日本の一部のレストランでは、料理を運ぶロボットが増えてきています。)
最後に、皆さんにもう一つだけ質問させてください。
皆さんは、スーパーで買うニンジンが「無料」であることを意識したことがありますか?
皆さんが支払っているのは、農家の給料(ごくわずか)、輸送費と物流費、レジ係の給料(ごくわずか)、そしてスーパーの利益(非常に大きい)です。
しかし、ニンジンそのものは無料なのです。
どうか、このニンジンが、私たちに深く考えるきっかけを与えてくれますように。

まだまだ語るべきテーマは山ほどありますが、ここで筆を置くことにします。
たとえば、「地球工学」について――一部の人はこれを希望だと見なしていますが、私はそれを地球のバランスをさらに脅かす新たな脅威としか思えません。
「テクノロジーによる解決主義(テクノソリューショニズム)」についても、以前このブログで触れたため、今回は触れていません。
また、「水」などの公共資源の貨幣化も、悲惨な行き詰まりにしか至らないと考えています。
日本においても、大きな関心事となるべき「
日本沈没」についても触れていません。
たとえば、東京は文字通り水没する危険性すらあります。有名な小説『日本沈没』のように。
私はエンジニアでも経済学者でもなく、この手紙で述べたどの分野の専門家でもありません。
私はただの一市民であり、皆さんをもっと知りたい、もっと理解したいと切実に願っている者にすぎません。
日本に住む、小さなフランス人です。
「偉そうに説教する割に、自分は何もしていないじゃないか」と批判されるかもしれません。
確かに、私の「外国人」という立場では、できることが非常に限られています。投票も立候補もできません。
の声が届く範囲は、ごくわずかだということも、よくわかっています。
それに、私自身も決して完璧ではありません。
たとえば、この文章の翻訳にChat GPTを使わざるを得なかったことも、私の理想とは矛盾しています。
けれども、私のとても小さな存在にできる限りの責任ある行動を心がけています。
ただ、今日ここで言いたいのは、自分の行動リストを並べることではありません。
私にできる唯一のこと、そして私の唯一の力――それは、謙虚な気持ちで、こうして皆さんに言葉を届け、議論を始めることです。
もちろん、この手紙に書いたことは、私のフランス人の友人たちにも、知らない人たちにも、同様に当てはまることです。
親愛なる日本の友人たちへ――知っている方も、知らない方も。
私はたくさんの質問をしましたが、それに答えてくださる方が、果たしてこの中にいらっしゃるでしょうか?
次は、皆さんの番です。どうか、声を上げてください。
Bien amicalement,
Ludovic