dimanche 23 juillet 2017

Tatemonoen
Il existe, à l'ouest de Tôkyô, un immense parc dans lequel se situe un passionnant musée, le Tatemonoen. "Tatemono" signifie "bâtiment", et "en" signifie 'jardin, parc". Le parc des bâtiments, donc. Il s'agit d'un musée à ciel ouvert consacré aux maisons japonaises.
On y trouve des maisons d'une valeur particulière, qui ont été littéralement démontées de leur emplacement d'origine pour être remontées dans le parc. Ces maisons ont une valeur particulière, soit parce qu'elles sont traditionnelles ou représentatives de l'architecture locale, soit parce qu'elles ont été conçues par de grands architectes. L'intérêt, c'est qu'on peut entrer dans tous les bâtiments, et se faire ainsi une idée de la vie qu'on pouvait mener dans tel ou tel type de logement.
Parmi les maisons traditionnelles, il y a par exemple plusieurs fermes. Dès qu'on y pénètre, on se croirait dans un film d'Akira Kurozawa ou de Kenji Misumi, et on jurerait qu'un samouraï va venir s'installer sur un tatami pour prendre son déjeuner. Les portes coulissantes couvertes de papier, le foyer au milieu de la pièce avec la bouilloire suspendue au-dessus, les piliers de bois qui soutiennent le toit de chaume, toutes les images archétypales du Japon féodal sont là. Les tatamis sont authentiques, faits à la main, ce qui est devenu très rare. Ça fleure la paille et la fumée de bois, avec des notes d'encens parfois.
Il y a des maisons plus récentes, construites au 20ème siècle, et dans lesquelles l'influence de l'Occident se fait plus ou moins sentir. Il faut rappeler que le Japon est resté fermé à l'Occident jusqu'à la fin du 19ème siècle, ce qui explique - en partie - la vivacité des traditions anciennes. On trouve donc dans ces constructions une base traditionnelle sur laquelle viennent se greffer des éléments venus de l'Europe ou des Etats-Unis, le tout harmonieusement mêlé. Plus que dans la forme ou la fonction des pièces, c'est dans le mobilier que l'Occident s'immisce. 
 



 


Il y a un pavillon qui date de la seconde moitié du 20ème siècle et qui, aux yeux d'un Occidental, n'aurait sans doute rien ou presque rien de japonais. Moi, l'intérieur, ça m'a rappelé la maison de ma grand-mère en Dordogne, c'est dire. Il s'agit pourtant toujours d'une maison bel et bien japonaise, mais depuis les fermes traditionnelles, la société a évolué (au Japon comme ailleurs), et ses envies, ses modes de consommation, les relations entre les individus ont transformé la forme des habitations.
Le restaurant du parc est aménagé dans une maison qui évoque - toujours à nos yeux d'Occidentaux - un manoir anglais, et certaines pièces me donnaient l'impression de traverser les décors d'un film de la Hammer.
On trouve également au Tatemonoen une rue commerçante traditionnelle reconstituée. Là encore, on peut entrer dans les boutiques et observer les objets authentiques qui constituaient le quotidien du Japon d'antan. Une papeterie, une épicerie, un bar, etc., bâtiments et objets sont merveilleusement conservés. Tout au bout de cette rue, on peut visiter un bain public à l'ancienne, et ceux que j'ai vus toujours en activité n'en sont pas trop éloignés. Par exemple, les peintures murales de paysages, et en particulier le mont Fuji, font toujours partie des classiques de ce genre de lieu.
Parce qu'il donne à ressentir à échelle réelle la vie quotidienne d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, le Tatemonoen est donc un endroit très instructif à découvrir, non seulement pour tous les professionnels de l'architecture et de l'urbanisme (Elliott, une visite incontournable pour toi quand tu viendras me voir !😉), mais aussi pour tous ceux qui s'intéressent à la sociologie, et plus largement pour tous ceux qui apprécient de réfléchir à la place de l'Homme dans son environnement.



dimanche 16 juillet 2017

Live houses
Quand j'habitais en France, je ne fréquentais pas spécialement les bars à concerts, et c'est un euphémisme que de dire ça. J'imagine pourtant qu'à Paris, il doit y avoir le choix. Mais non, j'avais pas le déclic, pas l'envie. Alors je ne sais pas ce qui m'a pris, au bout d'un an de vie au Japon, de commencer à trainer dans les petites salles de Tôkyô, les live houses comme on les appelle ici. J'ai trouvé un site très bien fait qui permet de sélectionner les concerts en fonction du style, du prix, du lieu, etc. La plupart du temps, je choisis presque au hasard, en privilégiant les musiques électroniques, rock, ou avant-garde.
L'avantage de ces petits lieux, c'est que pour un prix raisonnable (entre 10 et 15€), on peut voir défiler quatre, cinq, six groupes, souvent très différents les uns des autres, pendant trois heures, voire plus. Chaque artiste dispose de suffisamment de temps pour donner un bon aperçu de son style, et en même temps, ce n'est jamais trop long. Donc, si un groupe nous barbe, on attend patiemment le suivant, et vu la diversité, on finit toujours par tomber sur un truc qui nous plait vraiment.
Dans les endroits que je fréquente, ce sont souvent des artistes inconnus, certains montent d'ailleurs sur scène pour la première fois. On trouve vraiment de tout, et c'est aussi ça qui me plait. J'ai déjà pu écouter du hard-core tendance noisy très expérimental, de la gentille chanson pop à la limite de la variété, du disco version électro, du shoegazing en solo, des choses totalement inqualifiables, etc. En général, les artistes sont peu nombreux sur scène, rarement plus de trois, et pour enrichir un peu leur son, ils utilisent fréquemment des séquences pré-enregistrées, qu'ils lancent sur l'ordinateur ou avec des pédales. De même, les pédales à effets sont loin d'être un simple gadget, et on en compte parfois jusqu'à six ou sept branchées sur une basse ou une guitare.
A chercher des lieux underground, je me retrouve parfois dans des salles désertes. Je me souviens d'une live house à Akihabara où, hormis Chi qui m'accompagnait, et moi-même, les autres spectateurs étaient tous... les musiciens qui attendaient leur tour ! C'est bizarre, mais en même temps, ça permet de discuter un peu avec les artistes, c'est un contact privilégié.
J'ai connu quelques expériences intéressantes. Ainsi, un dimanche soir, je me suis rendu tout seul du côté de Shibuya, mais dans un quartier assez excentré, pour écouter de l'ambiant, c'est-à-dire de l'électro planante. Je cherchais une live house, mais j'ai atterri dans un pavillon particulier, dans une zone résidentielle. Morgan Fisher, qui habite ici, est un vieil anglais installé depuis trente ans au Japon. Il a autrefois collaboré avec de grands musiciens comme Yoko Ono ou même David Bowie, son heure de gloire étant sa participation au groupe Mott the Hoople. Tous les mois, Morgan invite le public dans son studio personnel pour un concert de musique de méditation. Il est là, entouré de toutes ses machines, il projette des films expérimentaux (j'ai reconnu des images de Norman McLaren) et improvise en bidouillant sur ses claviers. Je n'ai pas tout adoré, mais c'est très relaxant, et franchement unique. Le jour où j'y étais, nous étions six spectateurs, dont un homme - visiblement un habitué - qui s'est collé au fond du studio en position du lotus et qui a médité pendant tout le concert... Unique, je vous dis !
Dans un style totalement différent, j'ai eu un coup de foudre pour un duo : un chanteur à la voix éraillée s'accompagnait d'une guitare sèche, et jouait avec une violoncelliste. Simple et magnifique.
Il y a eu également ce groupe gothique, SICth, dont la chanteuse se roulait par terre en chantant, et se tailladait les cheveux, et jouait avec des cartes de tarot, et braillait dans un mégaphone... Bien barré, mais ils avaient un bon son. Ils jouaient dans une cave tellement cachée que je suis passé cinq fois devant avant de trouver l'entrée. Très underground !
Evidemment, tout cela n'est pas très bon pour mes acouphènes, et quand je n'ai pas mes bouchons sur moi, je suis obligé de me planter les doigts dans les oreilles pendant toute la soirée, c'est pas cool. Mais le plaisir que je tire de toutes ces découvertes et expériences si particulières en vaut largement la chandelle.
Les vidéos qui suivent ne vous donneront qu'un aperçu destiné à illustrer cet article, mais avec le son de mon portable ou de mon appareil photo, autant parler de trahison pour les artistes. J'en suis désolé, et j'ai bien conscience que tous ces moments, il faut les vivre, mais j'espère malgré tout avoir pu les partager un peu avec vous à travers cet article.

vendredi 7 juillet 2017

Les courses de bateaux
En japonais, ça s'appelle kyôtei, mais afin de populariser la pratique auprès des étrangers, les organisateurs emploient à présent de préférence l'appellation boat race, et ce terme désigne des courses de bateaux à moteur.
Les bateaux dont il s'agit sont de petits - tout petits - hors-bords, un peu comme ceux qu'on voit aux 24 heures motonautiques de Rouen, mais encore plus petits. Ils évoluent dans un bassin ovale (l'eau vient de la baie de Tôkyô, juste à côté, il s'agit en fait d'un bras de mer artificiel), et doivent boucler trois tours le plus vite possible, ça ne dure jamais plus de deux minutes. Il y a six pilotes à chaque départ, et les courses s'enchainent, avec parfois quelques pauses le temps de nettoyer le bassin.



C'est d'abord très impressionnant à regarder, parce qu'avec la petite taille des embarcations, la sensation de vitesse est accentuée, mais au bout de quatre ou cinq courses, la répétition devient lassante, et on se demande comment les Rouennais font pour s'y intéresser pendant 24 heures de suite !

En fait, si ces courses sont aussi populaires, c'est qu'elles font l'objet de paris, exactement comme le tiercé en France. Plus que pour l'intérêt du spectacle, les gens viennent ici pour le frisson du jeu, dans l'espoir de repartir un peu moins pauvres qu'ils sont arrivés. On m'avait prévenu : ce sont surtout des hommes seuls, d'un certain âge, qui assistent aux courses. C'est vrai, même si j'ai vu quelques familles faire leur promenade du dimanche sur les gradins.
En résumé : ça vaut le coup d'être vu parce que c'est assez typique, mais n'étant pas un parieur, je ne crois pas que j'y retournerai. Et quand bien même je serais un parieur, quand on voit le tableau des résultats, on comprend qu'il faut être un peu initié pour s'y retrouver !