Pour cet article, je ne pourrai pratiquement pas vous montrer d'images (vous comprendrez pourquoi plus loin), c'est à la fois dommage et tant mieux. A vous d'imaginer...
Prenez une carte du Japon, et pointez du doigt ce que vous jugez être le plein milieu, vous ne serez pas loin de Komagane, où j'ai passé un court weekend. On ne s'y rend pas par hasard : quatre heures de bus depuis la capitale, et c'est encore moins pratique (et plus cher !) en train. Les brochures touristiques ont beau déployer tous leurs efforts pour faire la promotion de la région, il n'y a rien de bien attirant dans cette petite ville plate, perdue entre deux chaines de moyenne montagne. En plus, alors qu'il faisait très beau la veille (et à nouveau dès le dimanche soir), le samedi et le dimanche ont été arrosés d'une incessante pluie battante, comme pour ajouter de la grisaille à la morosité urbaine. En ce début d'été, on respirait plutôt la fraicheur d'une fin d'automne. On pourrait se demander : mais que diable était-il allé faire dans cette galère ?! Réaliser un vieux rêve : voir les lucioles.
A peine arrivé à l'hôtel, j'ai embarqué dans un minibus affrété spécialement pour l'occasion, direction Tatsuno, à environ 40 minutes de Komagane. Dans le parc Dôyokôen se tient chaque année le Hotaru Matsuri, le festival des lucioles. Des lucioles (ou vers luisants si vous préférez), j'en avais déjà vu souvent, dans mon enfance en Dordogne ou plus tard en Bretagne. Mais cet évènement est réputé pour être, au Japon, le plus grand regroupement d'individus ; il parait que certaines années s'y épanouissent jusqu'à un million d'insectes ! Mais pour ça, il faut des conditions météorologiques bien précises : de l'humidité mais pas trop de pluie, de la chaleur... Autant vous dire que toutes ces conditions n'étaient pas parfaitement remplies et que le moment n'était pas optimal pour profiter pleinement du spectacle. Mais on n'a pas vraiment le choix de la date : malgré une certaine confidentialité (beaucoup de Japonais n'en ont jamais entendu parler), les visiteurs se pressent chaque année dans ce parc, et il faut réserver sa place au moins un mois à l'avance, sans savoir du tout comment se présentera la météo. De plus, la fenêtre est assez restreinte puisque ces insectes ayant une durée de vie très limitée, le festival n'est assuré que pendant une semaine.
Concernant la météo, je dois bien avouer qu'un petit miracle s'est produit : la pluie s'est arrêtée net au moment où je descendais du minibus. Elle ne s'est presque pas manifestée pendant toute l'heure où j'ai fait le tour du parc, puis a repris de plus belle au moment précis où je remontais dans le minibus. Le dieu des lucioles était peut-être avec moi.
Un parc de nuit, c'est toujours une ambiance assez particulière. Les lucioles sont très sensibles à la pollution lumineuse, aussi le parc est-il plongé dans l'obscurité absolue. Les quelques panneaux qui indiquent le chemin du parking ou de la gare sont phosphorescent, le strict minimum pour être lisibles. Immergés dans cette atmosphère fantasmagorique, les promeneurs ont tendance à chuchoter, d'autant plus que les lucioles n'aiment pas être dérangées. On parcourt donc lentement les allées en scrutant l'ombre avec obstination. Parfois, on distingue une petite pointe de lumière dans l'herbe, sorte d'étoile filante d'ici-bas, et sa vue procure autant de plaisir qu'une étoile filante traversant la voute céleste, la lenteur en plus. Puis on s'arrête devant un parterre, un petit champ, une friche, difficile à dire, on ne discerne pas grand-chose. Et là, elles apparaissent. On en voit une, deux, trois, dix... Des dizaines. Des centaines. Des petits points blancs qui scintillent légèrement, comme un planétarium inversé, le ciel tout noir et la terre étincelante. Certains s'envolent comme portés par la brise. Parfois, une luciole s'échappe de la végétation et s'approche, passe devant vous en dessinant de jolis zigzags insouciants. De plus près, la lumière émise n'est pas si blanche, mais légèrement verte. Vous dire que c'est beau serait d'une fadeur sans lien avec ce que c'est vraiment. Même l'alignement d'adjectifs n'y ferait rien : magnifique, magique, envoutant, merveilleux... En fait, c'est un peu comme si on admirait des fées : on n'en croirait pas vraiment ses yeux, on n'en croirait pas vraiment ses mots. Et que dire de ce moment unique où une petite fille tend sa main à la luciole curieuse qui voletait par ici, ce moment où la luciole vient se poser dans la paume et la saupoudrer d'une lueur bienveillante ?... Avant de repartir éclairer d'autres destinées.
Certes, la météo capricieuse a probablement empêché des milliers d'insectes de sortir de leur torpeur, et la vue n'était sans doute pas aussi splendide que ce qu'elle aurait pu être. Mais je ne vais sûrement pas bouder mon plaisir et faire, moi aussi, mon capricieux. J'ai donc réalisé un de mes vieux rêves, et j'en suis très heureux.
Pour immortaliser ce spectacle, un simple appareil photo ne suffit pas, il faut vraiment du matériel de pro, trépied, pose longue, et sans doute pas mal d'expérience. Je n'avais rien de tout ça, c'est la raison pour laquelle vous ne verrez rien d'autre que ces quelques taches blanches sur fond noir. A vous d'imaginer.
Un mot sur l'hôtel, pour terminer. Il ne s'agissait pas d'un ryôkan à proprement parlé, mais les chambres étaient à la japonaise. Comme je suis arrivé tard le samedi soir (à cause de mon travail), je n'ai pas pu prendre mon repas, qui était inclus dans le forfait. Pour compenser, la direction a décidé de me surclasser, et j'ai pu bénéficier d'une spacieuse chambre de prince. Quant au petit déjeuner, seuls les grands brigands peuvent habituellement s'offrir un tel luxe.
On peine un peu à s'arracher de cette douceur onirique pour retourner dans la chaleur tokyoïte, mais il faut bien réintégrer sa vie. Le temps était suspendu, il a repris son cours.
Concernant la météo, je dois bien avouer qu'un petit miracle s'est produit : la pluie s'est arrêtée net au moment où je descendais du minibus. Elle ne s'est presque pas manifestée pendant toute l'heure où j'ai fait le tour du parc, puis a repris de plus belle au moment précis où je remontais dans le minibus. Le dieu des lucioles était peut-être avec moi.
Un parc de nuit, c'est toujours une ambiance assez particulière. Les lucioles sont très sensibles à la pollution lumineuse, aussi le parc est-il plongé dans l'obscurité absolue. Les quelques panneaux qui indiquent le chemin du parking ou de la gare sont phosphorescent, le strict minimum pour être lisibles. Immergés dans cette atmosphère fantasmagorique, les promeneurs ont tendance à chuchoter, d'autant plus que les lucioles n'aiment pas être dérangées. On parcourt donc lentement les allées en scrutant l'ombre avec obstination. Parfois, on distingue une petite pointe de lumière dans l'herbe, sorte d'étoile filante d'ici-bas, et sa vue procure autant de plaisir qu'une étoile filante traversant la voute céleste, la lenteur en plus. Puis on s'arrête devant un parterre, un petit champ, une friche, difficile à dire, on ne discerne pas grand-chose. Et là, elles apparaissent. On en voit une, deux, trois, dix... Des dizaines. Des centaines. Des petits points blancs qui scintillent légèrement, comme un planétarium inversé, le ciel tout noir et la terre étincelante. Certains s'envolent comme portés par la brise. Parfois, une luciole s'échappe de la végétation et s'approche, passe devant vous en dessinant de jolis zigzags insouciants. De plus près, la lumière émise n'est pas si blanche, mais légèrement verte. Vous dire que c'est beau serait d'une fadeur sans lien avec ce que c'est vraiment. Même l'alignement d'adjectifs n'y ferait rien : magnifique, magique, envoutant, merveilleux... En fait, c'est un peu comme si on admirait des fées : on n'en croirait pas vraiment ses yeux, on n'en croirait pas vraiment ses mots. Et que dire de ce moment unique où une petite fille tend sa main à la luciole curieuse qui voletait par ici, ce moment où la luciole vient se poser dans la paume et la saupoudrer d'une lueur bienveillante ?... Avant de repartir éclairer d'autres destinées.
Certes, la météo capricieuse a probablement empêché des milliers d'insectes de sortir de leur torpeur, et la vue n'était sans doute pas aussi splendide que ce qu'elle aurait pu être. Mais je ne vais sûrement pas bouder mon plaisir et faire, moi aussi, mon capricieux. J'ai donc réalisé un de mes vieux rêves, et j'en suis très heureux.
Pour immortaliser ce spectacle, un simple appareil photo ne suffit pas, il faut vraiment du matériel de pro, trépied, pose longue, et sans doute pas mal d'expérience. Je n'avais rien de tout ça, c'est la raison pour laquelle vous ne verrez rien d'autre que ces quelques taches blanches sur fond noir. A vous d'imaginer.
Un mot sur l'hôtel, pour terminer. Il ne s'agissait pas d'un ryôkan à proprement parlé, mais les chambres étaient à la japonaise. Comme je suis arrivé tard le samedi soir (à cause de mon travail), je n'ai pas pu prendre mon repas, qui était inclus dans le forfait. Pour compenser, la direction a décidé de me surclasser, et j'ai pu bénéficier d'une spacieuse chambre de prince. Quant au petit déjeuner, seuls les grands brigands peuvent habituellement s'offrir un tel luxe.
On peine un peu à s'arracher de cette douceur onirique pour retourner dans la chaleur tokyoïte, mais il faut bien réintégrer sa vie. Le temps était suspendu, il a repris son cours.