vendredi 8 septembre 2023

Summer Nights

(avant-propos : dans les titres des articles de ce blog, je fais souvent des clins d'œil à des chansons ou des films. La référence de celui-ci n'est pas à chercher du côté de Shakespeare et son "Songe d'une nuit d'été", mais plutôt du côté de John Travolta, à vous de trouver. Désolé, on a la culture qu'on peut.😅)
Je ne vais pas vous refaire tout le topo, mais en été, dans les matsuri, on danse le bon-odori. J'en ai souvent parlé, autrefois, et vous pouvez vous rafraichir la mémoire avec ces deux articles ici et , et à partir de là, vous pourrez encore accéder à d'autres articles. Alors si vous ne savez pas du tout de quoi je parle quand je parle de matsuri et de bon-odori, je vous invite à relire ces anciens billets, ça vous évitera d'être trop perdu.
Mais quand même, sans trop vouloir me répéter et pour vous aider : les matsuri sont des fêtes traditionnelles, et le bon-odori est la danse qu'on y pratique en été.
La plupart des matsuri ont été suspendus pendant 3 ans pour cause de coronavirus, et bon sang, ce que j'étais triste, chaque année, de ne pas pouvoir y assister. Mais ça y est, la pandémie est terminée (en vérité, pas du tout, mais en déclarant officiellement que c'est terminé, le gouvernement peut stopper le remboursement des vaccins et faire des tas d'économies à droite à gauche, alors c'est pratique à défaut d'être vrai), et les matsuri ont repris.
Et moi, je suis retourné danser, plus que jamais, youpi ! Voici donc le résumé des matsuri de cet été.

A la mi-aout (encore une référence impromptue à une chanson populaire !), il y a la fête d'O-bon (prononcé à peu près comme "eau bonne"), qui est en gros l'équivalent de notre Toussaint. Les morts reviennent parmi les vivants, et on les honore en dansant. Mais célébrer les ancêtres pendant une semaine seulement serait un peu frustrant, alors tant qu'on y est, on pratique les danses consacrées - le bon-odori (odori signifiant danse) - pendant tout l'été, et surtout en juillet et en aout. J'ai appris les rudiments de ces danses à l'époque pré-covid, pour les oublier après. Avant de me relancer dans la ronde, j'ai donc ressenti le besoin de me dégourdir les pattes et de me remettre à flots, alors à l'approche de l'été, j'ai participé à quelques cours de danse bon-odori. En particulier, je me suis rapproché d'un cercle de danseurs très, très calés, la Kôchôkai, et j'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à suivre. Dans le bon-odori, il y a les danses de base, qu'on voit partout, mais aussi des chorégraphies considérablement plus élaborées, et c'est ce type de danses qui est enseigné dans ce cercle. En vérité, on pratique ces danses particulières dans assez peu de matsuri, alors le fait de ne pas avoir réussi à suivre ne m'a pas du tout handicapé pour la suite. Je pense que je continuerai à m'entrainer avec la Kôchôkai tout au long de l'année avec pour visée la participation, l'été prochain, à des matsuri plus importants. Si j'arrive à assimiler une ou deux chorégraphies en un an, ce sera déjà pas mal !
Et puis enfin, dès début juillet, les matsuri ont été annoncés un peu partout, et j'ai pu faire mon choix - souvent au hasard - des endroits où me rendre les samedis et dimanches soirs. On trouve parfois des matsuri en semaine, mais je travaille souvent jusqu'à 20h ou 21h, voire plus tard, alors je suis coincé (les matsuri commencent vers 18h et finissent vers 21h). A vrai dire, normalement, je travaille aussi régulièrement le samedi soir, mais cet été, j'avais réservé mes weekends pour sortir car j'en avais vraiment besoin. Je suis essentiellement resté dans le nord de Tôkyô parce que c'est plus pratique pour moi, sans m'interdire occasionnellement des visites plus éloignées de mon domicile.
Je connais maintenant à peu près 6 ou 7 danses, ce qui me permet de m'intégrer à la fête sans être le moins du monde frustré. Les Japonais n'en connaissent pas forcément plus, d'ailleurs. Alors comment font-ils pour danser ? En général, tout le monde apprend sur le tas : on regarde les danseurs les plus doués sur la yagura (l'estrade centrale) et on copie. Beaucoup de mouvements se retrouvent d'une danse à l'autre, avec quelques variantes, et c'est l'enchainement qui diffère, la façon dont les motifs gestuels sont agencés (je parle là des danses de base, pas de celles qu'on pratique à la Kôchôkai, qui intègrent des mouvements peu communs). 
A une chanson correspond une danse qu'on répète en boucle.
 En outre, c'est assez rare mais il arrive qu'une même chorégraphie serve pour plusieurs morceaux différents. Donc, plus on danse et plus il devient facile de danser : il "suffit" bien souvent d'assembler dans le bon ordre les mouvements-clés, et à défaut d'être immédiatement gracieux, ce sera au moins dans le rythme. Plus facile à dire qu'à faire, cependant. J'ai encore beaucoup de réticence à me lancer sur les morceaux que je ne connais pas, et à apprendre sur place comme les locaux. Même s'ils ne le dansent pas tous, les Japonais connaissent le bon-odori depuis qu'ils sont petits, ça fait partie intégrante de leur culture. En ce qui me concerne, la première fois que j'en ai entendu parler, c'était dans un animé, quand je bossais dans le doublage, j'avais presque 40 ans. Autant vous dire que c'est une coutume qui est loin d'appartenir à mon univers naturel ! Je ne me sens donc pas très à l'aise quand il s'agit de m'insérer dans la ronde sans avoir répété des heures et des heures auparavant. Pourtant, il m'est arrivé, de temps en temps, de prendre confiance en moi et de tenter d'imiter les Japonais. Je crois que je ne m'en suis pas trop mal tiré, surtout qu'évidemment, je ne prenais le risque que sur les chorégraphies faciles. Mes mouvements n'étaient pas forcément beaux, mais à peu près corrects, je pense.
Certaines danses ont une signification. Tanko Bushi p
ar exemple, qu'on pourrait traduire par "la mélodie de la mine de charbon", représente les gestes des mineurs : le mouvement quand on creuse avec une pelle, puis on porte un sac sur l'épaule, on recule (ça, ça ne veut rien dire, c'est juste un des motifs récurrents du bon-odori), puis on pousse le chariot, et enfin on tape dans les mains, ce qui marque généralement le début et la fin de la boucle. Et on recommence. De même, sur la chanson des fleurs, on mime avec les mains l'éclosion des fleurs, ce genre de choses. Je me suis toujours demandé à quoi on pouvait comparer la tradition du bon-odori, pour vous aider à vous faire une image, et la réponse est venue de Sophie L., mon amie d'enfance. En vérité, ce qui s'en rapproche le plus en France, c'est le fest-noz breton (ou le fest-deiz, pour sa version diurne). OK, si vous ne connaissez rien à la culture celtique, ça ne va pas beaucoup vous aider, mais ça a l'avantage d'être plus proche de vous géographiquement, ça devrait vous parler un peu plus. C'est populaire dans le sens littéral du terme, on organise des bon-odori au cœur des villes et des villages : sur la place, devant le temple, dans le parc, sur le terrain de sport, etc. C'est gratuit, tout le monde peut venir et tout le monde danse ensemble : hommes et femmes, jeunes et vieux, pas de séparation. On rencontre par ailleurs souvent des personnes handicapées, physique et/ou mental, qui rejoignent la farandole. Beaucoup de personnes portent un yukata, kimono léger, ou un jinbei, ensemble veste et bermuda, mais on peut venir en tenue de ville, pas de souci, personne ne vous regardera de travers. Le matsuri est une fête, et certaines personnes arborent un masque, le démon, le chat ou le renard étant les personnages les plus fréquents. Les masques ne se portent pas sur le visage (il fait trop chaud, et ce n'est pas commode), mais plutôt sur le côté de la tête.
Parallèlement au bon-odori, on conçoit mal un matsuri sans yatai. Les yatai sont des stands où on peut acheter à manger ou à boire. Les plats typiques des matsuri sont les yakisoba (nouilles de sarrazin sautées), les yakitori (brochettes de poulet), les takoyaki (sortes de petites brioches grillées fourrées au poulpe), les kakigôri (glace râpée, autrement dit un granité, pour ça je vous renvoie à ma page Instagram, ou à l'article précédent sur le résumé de l'été). Il y a aussi des yatai qui ne vendent pas de nourriture mais qui proposent des jeux pour les enfants : tir à la carabine, pêche miraculeuse, etc. Par cet aspect, les matsuri se rapprochent donc assez de nos fêtes foraines françaises, en bien plus artisanal. Par contre, un point qui s'oppose radicalement aux fêtes françaises, c'est que bien que les Japonais soient de grands buveurs de bière, je n'ai jamais vu le moindre débordement lié à l'alcool, jamais de bagarre ou d'incident, jamais d'agressivité ni même de tension.
Il y a un mystère à propos du bon-odori pour lequel je n'ai actuellement aucune piste de réponse : qui décide des musiques et élabore les chorégraphies ? Beaucoup de chansons sont anciennes, et on peut supposer une transmission traditionnelle dont les origines se perdent dans les méandres de la culture, mais pour les chansons modernes ? Car en effet, on alterne allègrement les styles : on peut passer du grand classique Tokyo Ondo, qu'on entend dans à peu près chaque matsuri, à Dancing Hero, un tube disco japonais délicieusement kitsch devenu, lui aussi, un grand classique. Cette année, le nouveau grand tube à la mode, c'était un vieux morceau de Boney M, Bahama Mama. Je déconne pas. Boney M. Sérieux. Je ne connaissais pas cette chanson, et je ne sais pas d'où les mystérieux décideurs ont déterré cette perle, qui n'avait pas sa place dans les matsuri des années précédentes. En tout cas, je me suis éclaté sur Bahama Mama, j'adore. Je vous mets la chanson plus bas, ce serait dommage de s'en priver.
Bon, en tout cas, ça y est, maintenant vous connaissez le principe : la chanson commence (et pour plus de commodité elle est annoncée au micro), ceux qui veulent danser prennent place dans le cercle et on tourne dans le sens antihoraire autour de la yagura (l'estrade, vous suivez ?). Mais si personne ne danse, c'est vraiment triste, alors comment faire pour inciter le public à participer, alors qu'évidemment, peu de gens connaissent toutes les chorégraphies ? C'est bien simple : en général, la playlist est constituée d'une dizaine de morceaux maximum, qu'on passe et repasse en boucle (on peut donc entendre Bahama Mama cinq ou six fois dans la soirée !). Sur la liste, il y en a bien au moins deux ou trois qui sont connus, et pour le reste, le nombre de répétitions permet aux novices d'assimiler les mouvements. D'ailleurs, afin de prolonger le plaisir, dans certains matsuri, les chansons sont systématiquement diffusées deux fois de suite (surtout si la playlist est courte).
Trop heureux de pouvoir sortir à nouveau, je me suis rattrapé de mes frustrations des années corona, et je me suis rendu dans pas moins de treize matsuri en à peine deux mois. Je préfère en général les petits matsuri, à l'ambiance plus familiale et plus chaleureuse, mais on trouve aussi de grands matsuri très sympas. A force, on finit par croiser des têtes connues. Ainsi, il y a cet homme d'un certain âge que j'avais déjà repéré il y a quelques années et que j'ai revu au moins trois ou quatre fois cet été. Il faut dire qu'on le remarque : certes, il danse très bien, mais avec des mouvements un peu grandiloquents, et pour tout dire m'as-tu-vu. Car c'est une des choses intéressantes dans le bon-odori : nous avons beau tous effectuer la même chorégraphie, la personnalité de chacun n'en est pas pour autant totalement étouffée. Il émane de nos corps ce qu'on peut ou ce qu'on veut y mettre. Nous restons des individus, et nous dansons ensemble. Je trouve ça très beau, en fait.
En multipliant ainsi les matsuri, j'ai multiplié les expériences et enrichi ma vision de la culture japonaise. Je me souviens par exemple de ce matsuri dans le parc de Morishita, où il y avait tant d'ados. Ils étaient surexcités, mais ils n'étaient pas là pour foutre le waï. Au contraire, ils essayaient vraiment de danser, certes en riant à gorge déployée, mais avec application. Ils observaient attentivement les ainés et s'efforçaient de danser correctement, patauds et hilares. Ils suivaient nos mouvements avec de grands sourires, ils braillaient des "Hey !" pendant les chansons, et ils nous tapaient dans les mains à la fin de chaque morceau, l'ambiance était vraiment chaleureuse. J'ai connu ce type d'atmosphère également dans d'autres matsuri, mais c'est à Morishita que ça m'a le plus marqué, sans doute parce que c'était la première fois que je voyais ça. En plus, pour une fois, il y avait une excellente sono, ce n'est pas si souvent !
Dans ma ville, Nagareyama, il ne se passe généralement pas grand-chose. Seul le matsuri devant le centre commercial d'Ootakanomori est vraiment notable, mais pour le reste, il faut bien chercher pour trouver un évènement festif. Et dans mon quartier plus précisément, à Edogawadai, là ce n'est pas qu'il ne se passe rien, c'est qu'il y a franchement plus d'animation dans un cimetière (j'exagère un brin, mais un brin seulement). Quand j'ai vu qu'on montait une yagura à côté de la gare, j'ai donc été bien surpris, surtout par la taille respectable de cette installation. Pour une fois qu'il avait l'air de se passer quelque chose dans mon quartier, je ne voulais pas rater ça. Quelle surprise ! Je crois que c'est le matsuri le plus grand que j'ai vu cette année ! Il y avait des milliers de participants et au moins une trentaine de yatai, dont certains proposaient des mets que je n'avais jamais vus. Et tout ça à moins de 10 minutes à pied de chez moi ! Là aussi, super ambiance, super souvenir.
Un autre souvenir sympa : Ô-chan, un de mes apprenants, un garçon de 13 ans que je connais depuis qu'il a 5 ou 6 ans, joue du taiko, le tambour traditionnel qui accompagne systématiquement le bon-odori. Je l'avais déjà entendu jouer il y a trois ans dans un petit matsuri, mais à l'époque il était débutant. Il a eu le temps de s'entrainer, et cette fois-ci, il a joué dans un matsuri qui accueillait plusieurs centaines de personnes, à Arakawa, et j'ai pu constater ses progrès. C'était vraiment un plaisir particulier de danser au son du taiko de mon cher étudiant.
Multiplier les expériences ne signifie pas multiplier les bonnes expériences et à ma grande surprise, j'ai pu assister à un matsuri tout pourri. C'était dans une galerie marchande, à Akabane, et la sono était complètement défectueuse, ce qui fait que dès que les taiko démarraient (c'est-à-dire dès le début de la chanson), on n'entendait plus la musique. En plus, l'espace pour danser était vraiment étroit, et encombré par des gamins qui chahutaient. Un matsuri raté de A à Z, je n'imaginais pas que ça puisse exister, me voilà informé.
Les matsuri étant avant tout des fêtes de quartier, on y croise assez peu d'étrangers, surtout s'il s'agit d'un petit matsuri. Quand il y a des étrangers, rares sont ceux qui portent un yukata, et parmi ceux-ci encore plus rares ceux qui dansent. Alors quand un étranger se ramène en yukata et danse, comme votre humble serviteur, forcément, ça se voit, et je trouve souvent une petite mémé parmi le public pour m'acclamer. Je suis lucide : ce ne sont pas tant mes talents de danseurs qui me valent ces louanges, mais ma qualité d'étranger dansant en yukata. N'empêche, c'est mignon, et on échange parfois quelques paroles, et toujours de grands sourires. Bref, je me fais parfois un peu remarquer, et un soir, à Nerima, un membre du staff organisateur est venu nous voir, ma compagne et moi, pour nous proposer de monter danser sur la yagura. J'ai répondu non merci c'est gentil mais 
sans façon non pas question no way n'insistez pas j'ai dit non c'est non. Puis il m'a attrapé par le bras avec - toujours - un grand sourire et 15 secondes plus tard j'étais sur la yagura. En fait, ils étaient tellement gentils, tous, que ça aurait été malotru de refuser, et je sentais que ça leur faisait plaisir, alors ça m'a fait plaisir aussi. Juste avant de monter les marches, on a dit à ce monsieur que c'était notre première fois, qu'on était un peu nerveux, et il a proposé de prendre le téléphone de ma demoiselle pour faire une vidéo. Vidéo que vous avez peut-être déjà vue sur Instagram, et que voici à nouveau plus bas. Mon heure de gloire à Nerima !
Voilà, en résumé, mon été de bon-odori ! Je pourrais vous en raconter encore, vous raconter les pompiers qui viennent saluer de façon très protocolaire le staff à la fin, vous parler des danses propres à chaque quartier, vous parler des danses qu'on pratique avec un éventail, ou des danses spéciales pour les enfants, ou encore vous parler des démonstrations de taiko auxquelles j'ai pu assister, dont le son résonne jusque dans la poitrine, mais cet article est déjà très long, et j'espère qu'il vous a intéressés. N'hésitez pas à me laisser vos réactions par mail ou dans les commentaires.
Pour terminer, voici une petite vidéo avec des images de tous les matsuri auxquels j'ai participé cette année. Ce n'est qu'un simple bout-à-bout sans prétention, l'objectif est de vous montrer plus concrètement à quoi ressemblent ces matsuri. En plus, je vous propose un petit montage avec des extraits des démonstrations de taiko.
A l'année prochaine !



















vendredi 1 septembre 2023

Un été de porcelaine

 La période traditionnelle des vacances d'été touche à sa fin, aussi bien en France qu'au Japon. Les jeunes retournent à l'école, les adultes retournent au travail, on dirait que quelque chose meurt. J'ai la chance d'habiter dans un pays où la belle saison se prolonge en septembre, mais je ne peux pas m'empêcher, moi aussi, de regarder avec nostalgie les deux mois qui viennent de s'écouler. Des instants fragiles, beaux et précieux comme de la porcelaine.

Même si au Japon, on continue de travailler en juillet et en aout comme si de rien n'était, ce sont la température et surtout l'humidité dans l'air qui vous font sentir qu'il s'agit d'une saison spéciale. Dans la journée, le thermomètre oscille entre 30° et 35°, et le taux d'humidité affiche rarement moins de 60%, monte souvent à plus de 80%, je l'ai même déjà vu atteindre le pic de 97%. Inutile de vous dire à quel point le corps a du mal à évacuer la chaleur. Quant aux températures, on parle là, bien sûr, des relevés à l'ombre. J'ai un thermomètre sur mon balcon, et un jour, comme ça, je l'ai posé directement en plein soleil, pour voir. En quelques secondes, le mercure est monté au maximum de la graduation : 50°. Ce qui signifie donc que quand vous marchez dans la rue et que le soleil touche votre peau, vous êtes cuits à plus de 50°. On comprend mieux pourquoi l'usage de l'ombrelle, totalement passé de mode en France, reste absolument banal au Soleil Levant.
La piscine près de chez moi est une piscine extérieure, et n'est ouverte que pendant les deux mois d'été. Comme je travaille beaucoup, je n'ai pas pu y aller autant que les années précédentes, mais dès que j'avais un créneau, entre deux cours, je me précipitais là-bas. Sauf que des fois, c'était fermé. Pourquoi ? Parce que la température de l'air additionnée à celle de l'eau dépassait les 70°. Dans ce cas, l'eau ne suffit plus à vous rafraichir, et vous risquez un coup de chaleur, accident typique de la saison qui n'est pas à prendre à la légère. Ce ne sont pas seulement les personnes fragiles qui y succombent, j'ai entendu le cas d'une jeune fille de 13 ans qui est morte alors qu'elle jouait au tennis.
Comme certains de mes apprenants sont partis en vacances, ça m'a quand même laissé quelques moments de repos, et j'ai essayé d'en profiter à fond. Je me suis offert une belle balade à vélo, comme je n'avais pas eu l'occasion d'en faire depuis longtemps. Je voulais voir si mon genou tiendrait, il a tenu ! Une trentaine de kilomètres autour du lac, c'était super agréable, et ça m'a permis d'admirer les nuages si caractéristiques de l'été. Et puis pour moi, été est également synonyme de plage. C'est sans doute une réminiscence de mon enfance : quand j'étais petit, on allait
 tous les ans en Corse, et même maintenant, adulte, j'éprouve toujours le besoin de me baigner au moins une fois dans la mer en juillet ou en aout. Alors dès que j'ai pu, hop, j'ai sauté dans le train et j'ai fait de l'autostop direction la plage la plus proche de chez moi. Une simple petite plage de sable, avec des restaurants provisoires et des maitres-nageurs aux aguets, parfait. La mer était chaude, les vagues étaient fortes, de quoi s'amuser dans l'eau (et repartir avec des algues plein le maillot), le sable bouillant au point que ça brulait les pieds, impossible de marcher sans chaussures, et le bruit des vagues pendant que je bouquinais, et le soleil qui me tapait dessus et moi qui adorais ça, un doux parfum de vacances même si je bossais le lendemain, du bonheur en barre.
En été, il fait trop chaud pour faire du kendô, alors les horaires sont décalés, on appelle ça asa-geiko, entrainement du matin. Ça peut paraitre dingue de se lever à 5h le dimanche pour aller se faire taper sur la tête, mais en fait c'est super. L'entrainement a lieu de 6h à 7h, il ne fait pas encore trop chaud (en fait si, il fait déjà super chaud, mais moins que quelques heures plus tard), et après la douche, on se sent en pleine forme et on a la journée devant soi. Mais avant que les horaires changent, pour marquer le début de l'été, le club a organisé un mini-évènement pour les enfants. On dispose une pastèque dehors sur une grande bâche, et on bande les yeux des volontaires. L'enfant aux yeux bandés tient un solide bâton, et les autres enfants le guident avec la voix. Le but du jeu est de casser la pastèque d'un coup. Bien sûr, les enfants sont surexcités, certains donnent volontairement des indications trompeuses, mais tout le monde s'amuse. Une fois les pastèques bien éclatées, on repart chacun avec plusieurs parts dans un sachet (pas des belles tranches bien nettes, du coup, mais ça ne change rien au gout !). Je connaissais cette tradition à travers les mangas, mais je ne l'avais jamais vue, et j'étais très content d'y assister. L'été est aussi la saison des figues, un de mes fruits préférés, et je ne me suis pas privé, je n'en avais jamais mangé autant de ma vie.
En général, je me fais souvent du thé (surtout depuis que je me suis fait offrir de quoi me faire des latte, avec une belle mousse au lait), mais impossible de boire une boisson chaude en été sans se taper de grosses suées, alors j'ai changé d'option, et je me suis acheté une machine à faire des kakigôri, c'est-à-dire des granités, c'est-à-dire de la glace râpée avec du sirop. On peut agrémenter la glace avec des fruits ou de la confiture, ce genre de choses, et je me suis lancé à expérimenter mes propres recettes. C'est une machine de base, on fait tourner la manivelle à la main, mais c'est ça qui me plait, ce côté artisanal. Les kakigôri m'ont bien aidé à me rafraichir, j'en mangeais en général deux par jour, et pour rigoler, je me suis même acheté un gros kakigôri gonflable pour décorer mon appartement ! Vous pouvez voir d'autres photos de kakigôri sur mon compte Instagram.
Pour répondre à mon besoin de prendre l'air, j'avais prévu une randonnée sur deux jours en montagne, avec une nuit dans un refuge, et j'avais vraiment hâte, mais j'étais un peu inquiet à cause d'un typhon qui approchait. Je me suis levé très tôt, j'ai pris ma douche et mon petit déjeuner, j'étais prêt à partir, mais juste avant d'enfiler mes chaussures de marche, j'ai regardé une dernière fois les prévisions météo, et là : alerte aux orages. Ce n'était pas directement le typhon, qui passait plus au sud, mais c'était des perturbations drainées par la spirale du typhon, et ça s'annonçait intense. S'il ne fait pas beau, s'il y a des nuages, ça ne me dérange pas trop, mais des orages en montagne, ça peut être dangereux, et la mort dans l'âme, j'ai dû annuler ma sortie à la dernière minute. Je me suis promis que ce n'était que partie remise.
Je me suis rattrapé quelques jours plus tard en m'évadant à Nebukawa, dans un petit chalet avec onsen, mais ça, j'ai déjà eu l'occasion de vous le raconter ici.

Et puis cet été, j'ai bloqué mes samedis et mes dimanches pour lever un peu le pied au niveau du rythme du travail, et pour me libérer du temps pour aller danser le bon-odori dans les matsuri, mais ça, je vous le raconterai bientôt...