jeudi 8 février 2024

Hokkaidô 2 : Au nord, c'était les glaçons

 Vous avez maintenant une bonne idée générale du paysage et de l'atmosphère de Hokkaidô, et si ce n'est pas le cas je vous invite à lire l'article précédent. Mais qu'ai-je fait de ces quelques jours de vacances ? C'est ce que je vais vous raconter aujourd'hui.


Après avoir visité un peu Sapporo, un soir, j'ai pris un bus pour presque deux heures de trajet à travers la blanche campagne et la petite montagne, pour arriver au bord d'un lac. Là se tenait une sorte de festival de la glace : sur des structures essentiellement composées de bambou, de la glace avait été "cultivée", formant comme de gros igloos dans lesquels on pouvait pénétrer. Le tout était illuminé d'éclairages multicolores, donnant au site un aspect - 
certes un peu kitsch - mais irréel et parfaitement magique. Dans un igloo (à défaut de mot plus adapté, gardons celui-ci), on pouvait voir des photos des ouvriers lors du montage des structures, dans un autre igloo était accrochée une espèce de lustre qui rayonnait comme un trésor secret, ailleurs c'était un temple qui avait été sculpté dans la glace, et certaines personnes y faisaient leur prière, un autre igloo recouvert de branche de sapin ou de cèdre était éclairé tout en vert, il y avait aussi un igloo accueillant un bar où on servait une soupe chaude et bienvenue. Dans un autre igloo, on pouvait voir des poissons pris dans la glace, mais c'était un peu glauque parce que le sang figé leur sortait du ventre, on imagine plus sympa comme déco. A l'extérieur, il y avait également une mare toute bleue au milieu de laquelle se dressait un petit arbre. On pouvait encore gravir un escalier pour prendre de la hauteur et avoir une vue générale sur le site.
Enveloppé de cet air glacial, c'était absolument envoutant et onirique. Après une heure à déambuler dans ce décor, on était contents de retrouver la chaleur du bus !


Il y a une excursion que je tenais absolument à faire lors de ce séjour, c'est la visite du musée Upopoy, le musée de la culture aïnoue.
Je ne vais pas vous refaire toute l'histoire du Japon, mais les premiers humains à avoir vécu sur l'archipel, il y a fort longtemps, étaient les Aïnous, un peuple aux traditions tribales très anciennes, qui étaient localisés plus particulièrement dans le nord, et donc sur Hokkaidô. On trouve d'ailleurs des Aïnous jusqu'en Russie extrême-orientale. Quand les hommes du continent, appelés Wa, sont arrivés, ils ont chassé les Aïnous et colonisé ce qu'on appelle aujourd'hui le Japon. Les Japonais sont les descendants des Wa, et quant aux Aïnous, il n'en reste que quelques milliers, leur décompte exact est difficile. Cela ne vous rappelle rien ? C'est en effet très proche de l'histoire de la colonisation de l'Amérique par les Européens, et de l'extermination des Indiens. Les cultures des Aïnous et des Indiens possèdent en outre de nombreuses similitudes, par exemple en ce qui concerne leurs religions animistes. La divinité principale des Aïnous est l'ours, qui est très présent dans les rituels. Certains motifs ornementaux rappellent aussi ceux qu'on peut admirer chez les tribus indiennes du Canada (merci mon frère de m'avoir montré tout ça quand j'étais jeune !😉).
C'est probablement plus pour l'attrait touristique (et donc pécunier) et peut-être aussi un peu à cause d'un sentiment de culpabilité que par réel intérêt pour la culture aïnoue, que les Japonais ont décidé de fonder ce musée, Upopoy, qui a ouvert ses portes en 2020. Après avoir tenté de faire disparaitre et le peuple et la culture aïnous, il fallait au moins ça pour se rattraper.
Les éléments présentés sont étonnants, on apprend beaucoup de choses, c'est complet et diversifié. De plus, ce n'est pas un musée figé, c'est aussi un centre culturel où la culture aïnoue tente de survivre. On peut participer à des ateliers d'artisanat, revêtir les tenues traditionnelles, ou encore assister à un petit spectacle de chants et de danses. Si les Aïnous ont été assimilés de force aux Japonais, et que peu d'Aïnous parlent encore leur langue, il en reste cependant de nombreuses traces dans la langue japonaise, en particulier dans la toponomie locale. Ainsi, le nom de Sapporo lui-même vient de la langue aïnoue, mais d'autres mots utilisés couramment dans la langue japonaise sont également issus de l'aïnou, comme "tonakai" (un renne) (je n'ai retenu que celui-là !).
Une visite enrichissante et même émouvante, que je recommande à tous ceux qui se rendent à Hokkaidô. Et si vous n'avez pas l'occasion de venir jusqu'ici, peut-être pourrez-vous voir le récent film Golden Kamuy, dont l'action se déroule à Hokkaidô, et dans lequel on peut avoir un aperçu intéressant de la culture aïnoue.


A une heure de train à l'ouest de Sapporo, sur le littoral de la mer du Japon, se trouve la ville portuaire d'Otaru. Je savais que cet endroit était très touristique, mais comme j'avais pris soin de poser mes congés en dehors des périodes de vacances, je croyais pouvoir me balader au calme. Je n'avais pas calculé que c'était la période de vacances des Chinois. Et les Chinois voyagent rarement en solitaire. Ils se déplacent plutôt en famille, en groupe voire en grand groupe, surtout en ce moment où le yen est très faible. Je ne voudrais pas tomber dans le racisme de base, mais c'est une autre culture, la Chine. Les notions de discrétion et de respect, si chères au cœur des Japonais, ne font visiblement pas parti de la culture chinoise. Bref, c'était compliqué, la visite d'Otaru.
La grande rue commerçante est toutefois charmante. Ce qui m'a le plus surpris, c'est que l'architecture m'a semblée très occidentale. La façade d'un grand magasin m'a fait penser à l'École du Village, que je fréquentais, enfant, à Canteleu ! On trouve aussi une brasserie qui brasse elle-même sa bière. Mais le principal intérêt, pour moi, à Otaru, ce sont les produits de la mer, d'une fraicheur et d'une qualité inégalables ! Je me suis fait un gros plaisir en commandant des oursins "rouges", une variété plus rare et plus raffinée que le classique oursin "blanc". Ça vous fond dans la bouche comme un bonbon, c'en est bouleversant ! Repas de luxe, mais bon, je ne vais pas à Hokkaidô tous les jours.

J'avais besoin d'un grand bol d'air frais, je l'ai eu. Je suis rentré sur Tôkyô avec le sentiment que les périodes de travail ne sont que des parenthèses entre deux moments de vraie vie. C'est vous dire si j'ai hâte de repartir.
Voilà donc, en résumé, le récit de mes quelques jours à Hokkaidô. J'ai pris plusieurs centaines de photos (comment ça, je suis devenu un peu japonais ?!😅), en voici une petite sélection, vous en trouverez d'autres sur ma page professionnelle Instagram. N'hésitez pas à me dire si ces deux articles vous ont intéressés et à me donner vos impressions.





















mardi 6 février 2024

Hokkaidô 1 : Les neiges de Sapporo

 Parmi les quatre iles principales qui forment l'archipel du Japon, Hokkaidô est la plus au nord. On m'avait dit que c'était très vert, que ça faisait penser à la Normandie. Et moi, je me disais que je n'étais pas venu vivre au Japon pour me retrouver dans ma Normandie natale, et que la visite de cette partie du pays ne m'intéressait pas. Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
J'avais besoin de vacances, besoin de changer d'air, je suis donc allé passer quelques jours à Sapporo, la Capitale (ou chef-lieu) de la préfecture de Hokkaidô, et tout ce que j'y ai vu vaut bien que je vous raconte ça en deux épisodes. Voici donc le premier.


J'avais prévu de décoller de Tôkyô le jeudi 25 janvier, mais le matin même, alors que je bouclais mon sac, la nouvelle est tombée : tous les vols pour cette destination étaient annulés pour cause de tempête de neige. J'étais totalement dépité. Heureusement, ma compagne a réussi à nous trouver un autre vol qui partait deux jours plus tard. Vacances légèrement amputées, mais vacances quand même. Du coup, j'ai décalé le retour d'une journée, pour en profiter le plus possible. En même temps, je me disais : "tempête de neige ?! Qu'est-ce qui m'attend sur place ?" La maman d'une de mes élèves m'a envoyé un message : à Hokkaidô, il fait -19° ! OK, on va sortir les gros pulls, alors.

Je passerai très vite sur l'avion Pokémon, même s'il n'y a qu'au Japon qu'on voit ça. Oui, oui : un avion décoré avec des Pokémon, et ça ne fait pas plaisir qu'aux enfants. Après à peine deux heures de voyage, je débarque et je comprends aussitôt. Certes, il ne fait pas -19° (ça, ce doit être au nord de la préfecture), plutôt -1°, mais la neige est bien là, partout, beaucoup de neige.

C'est la chose qui me marque le plus, le soir de mon arrivée, lors de ma première sortie. Les grands axes sont bien dégagés, mais les trottoirs sont couverts d'une épaisse couche de neige bien tassée et bien glacée. En passant, les chasse-neiges ont édifié des murs d'un à deux mètres sur le bord des routes, et les personnes qui ont garé leur vélo sur le bas-côté devront sans doute attendre le printemps pour reprendre leur véhicule. Quand on va dehors, au début, on garde les mains au chaud dans les poches de sa doudoune, et puis très vite, on perd cette habitude. Il faut avancer avec les bras écartés pour conserver l'équilibre, ce qui nous donne à tous la démarche d'un bébé faisant ses premiers pas. J'ai vu plus d'une personne faire de jolies glissades involontaires, voire se retrouver cul par-dessus tête, et je reste étonné de ne m'être pas cassé la binette une seule fois de tout mon séjour. Dans les rues plus petites, on ne fait pas la différence entre la route et les trottoirs, la neige rend la chaussée très irrégulière, il y a des trous d'au moins 30 ou 40 cm, et les voitures ne circulent pas si elles ne sont pas spécialement équipées.
Tout ça vous situe le décor : on n'est pas à Tokyô, et le dépaysement est au rendez-vous.
Ceci dit, il ne faudrait pas croire que les locaux sont emmitouflés des pieds à la tête. Au contraire, les Sapporaises portent les mêmes minijupes et minishorts que dans la Capitale, et parfois sans collants. J'en conclus qu'elles n'ont pas le même métabolisme que les êtres humains normaux.

Je n'imaginais pas les montagnes si proches, mais en fait on les voit clairement depuis les rues de la ville, ça m'a un peu fait penser à Chamonix, on distingue même les pistes de ski. On croise d'ailleurs dans le métro quelques personnes portant leurs skis dans des sacoches, il est apparemment facile d'accéder aux stations par les transports en commun.
Sapporo est une grande ville et je n'en ai bien sûr eu qu'un aperçu. L'hôtel où j'étais descendu était tout proche du quartier de Susukino, un endroit très animé. Outre les bars, cafés et restaurants, Susukino regorge de love-hotel et de lieux de divertissements pour adultes comme les girls-bar, les host-club ou les soapland. Si vous ne savez pas du tout de quoi je parle, je vous renvoie ici à la page Instagram de mon ami Lou Sélène, ainsi qu'à sa page YouTube. Et si vous ignorez tout de Lou Sélène et de son projet, envoyez-moi un message privé et je vous expliquerai.

Parmi les incontournables touristiques, on compte la Tour de la Télévision, sorte de mini-tour Eiffel qui offre un joli panorama sur la ville, et l'horloge de l'ancienne université.


En février se tient le célèbre festival de la neige, qui attire des millions de touristes de tout le pays et au-delà. Il s'agit de sculptures en neige, et étant donné la taille monumentale de ces créations, plusieurs équipes étaient déjà à pied d'œuvre pour que tout soit prêt à temps. De ce que j'en ai vu, c'est drôlement impressionnant. Sapporo reste une ville typiquement japonaise, et entre deux immeubles modernes, on trouve de jolis temples. Et comme il se doit, le franponais est toujours très présent, comme en témoignent cette enseigne "La peau de lòurs" (qu'il ne faut pas vendre) et ce love-hotel "La mer". Je précise qu'il n'y a pas la mer à Sapporo, mais Hokkaidô abrite en effet plusieurs centaines d'ours (qu'il ne faut pas tuer).




Hokkaidô est réputé pour sa gastronomie. Même à Tôkyô, beaucoup de produits alimentaires sont estampillés "made in Hokkaidô", en particulier les produits laitiers. Quand on comparait cette région à la Normandie, c'est aussi dû au fait qu'on y voit beaucoup de vaches en été. Je n'ai pas eu l'occasion de gouter le fromage de Hokkaidô, mais je me suis fait plaisir en crèmes glacées. Par exemple, je me suis rendu dans une sorte de "bar à glace" où on nous sert cette délicieuse crème glacée un peu tendre, qu'on appellerait "glace à l'italienne" en France, avec différentes liqueurs et alcools : whisky, téquila, calvados, liqueur de figue, etc. On verse quelques gouttes sur la glace et on déguste le tout. Un régal !

En ce qui concerne la viande, la grande spécialité de Hokkaidô, c'est le Gengis Khan. Il s'agit d'une variété de viande d'agneau, qu'on fait cuire sur une plaque chauffante. On m'en avait dit tellement de bien que je m'attendais à mieux. C'est bon, mais finalement un peu gras, j'ai apprécié sans adorer. Selon moi, le nec plus ultra en matière de gastronomie à Hokkaidô, ce sont les fruits de mer. Une visite sur le marché vous met l'eau à la bouche à vous en faire baver les yeux. On trouve partout des restaurants de crabe aux enseignes géantes, mais c'est surtout en soupe que j'en ai mangé. Les crevettes, les œufs de poisson, les sashimis, les coquilles Saint-Jacques grillées au beurre (beurre de Hokkaidô, ça va de soi !), quel festin ! Et les oursins ! Je m'en suis fait une cure. Résultat : j'ai deux kilos à perdre si je veux à nouveau rentrer dans tous mes pantalons.


Voilà, vous avez maintenant une bonne vue générale des paysages et de l'atmosphère. Mais que fait-on à Hokkaidô ? C'est ce que je vous raconterai la prochaine fois. Pour patienter, voici quelques photos supplémentaires.