Vous avez maintenant une bonne idée générale du paysage et de l'atmosphère de Hokkaidô, et si ce n'est pas le cas je vous invite à lire l'article précédent. Mais qu'ai-je fait de ces quelques jours de vacances ? C'est ce que je vais vous raconter aujourd'hui.
Après avoir visité un peu Sapporo, un soir, j'ai pris un bus pour presque deux heures de trajet à travers la blanche campagne et la petite montagne, pour arriver au bord d'un lac. Là se tenait une sorte de festival de la glace : sur des structures essentiellement composées de bambou, de la glace avait été "cultivée", formant comme de gros igloos dans lesquels on pouvait pénétrer. Le tout était illuminé d'éclairages multicolores, donnant au site un aspect - certes un peu kitsch - mais irréel et parfaitement magique. Dans un igloo (à défaut de mot plus adapté, gardons celui-ci), on pouvait voir des photos des ouvriers lors du montage des structures, dans un autre igloo était accrochée une espèce de lustre qui rayonnait comme un trésor secret, ailleurs c'était un temple qui avait été sculpté dans la glace, et certaines personnes y faisaient leur prière, un autre igloo recouvert de branche de sapin ou de cèdre était éclairé tout en vert, il y avait aussi un igloo accueillant un bar où on servait une soupe chaude et bienvenue. Dans un autre igloo, on pouvait voir des poissons pris dans la glace, mais c'était un peu glauque parce que le sang figé leur sortait du ventre, on imagine plus sympa comme déco. A l'extérieur, il y avait également une mare toute bleue au milieu de laquelle se dressait un petit arbre. On pouvait encore gravir un escalier pour prendre de la hauteur et avoir une vue générale sur le site.
Enveloppé de cet air glacial, c'était absolument envoutant et onirique. Après une heure à déambuler dans ce décor, on était contents de retrouver la chaleur du bus !
Il y a une excursion que je tenais absolument à faire lors de ce séjour, c'est la visite du musée Upopoy, le musée de la culture aïnoue.
Je ne vais pas vous refaire toute l'histoire du Japon, mais les premiers humains à avoir vécu sur l'archipel, il y a fort longtemps, étaient les Aïnous, un peuple aux traditions tribales très anciennes, qui étaient localisés plus particulièrement dans le nord, et donc sur Hokkaidô. On trouve d'ailleurs des Aïnous jusqu'en Russie extrême-orientale. Quand les hommes du continent, appelés Wa, sont arrivés, ils ont chassé les Aïnous et colonisé ce qu'on appelle aujourd'hui le Japon. Les Japonais sont les descendants des Wa, et quant aux Aïnous, il n'en reste que quelques milliers, leur décompte exact est difficile. Cela ne vous rappelle rien ? C'est en effet très proche de l'histoire de la colonisation de l'Amérique par les Européens, et de l'extermination des Indiens. Les cultures des Aïnous et des Indiens possèdent en outre de nombreuses similitudes, par exemple en ce qui concerne leurs religions animistes. La divinité principale des Aïnous est l'ours, qui est très présent dans les rituels. Certains motifs ornementaux rappellent aussi ceux qu'on peut admirer chez les tribus indiennes du Canada (merci mon frère de m'avoir montré tout ça quand j'étais jeune !😉).
C'est probablement plus pour l'attrait touristique (et donc pécunier) et peut-être aussi un peu à cause d'un sentiment de culpabilité que par réel intérêt pour la culture aïnoue, que les Japonais ont décidé de fonder ce musée, Upopoy, qui a ouvert ses portes en 2020. Après avoir tenté de faire disparaitre et le peuple et la culture aïnous, il fallait au moins ça pour se rattraper.
Les éléments présentés sont étonnants, on apprend beaucoup de choses, c'est complet et diversifié. De plus, ce n'est pas un musée figé, c'est aussi un centre culturel où la culture aïnoue tente de survivre. On peut participer à des ateliers d'artisanat, revêtir les tenues traditionnelles, ou encore assister à un petit spectacle de chants et de danses. Si les Aïnous ont été assimilés de force aux Japonais, et que peu d'Aïnous parlent encore leur langue, il en reste cependant de nombreuses traces dans la langue japonaise, en particulier dans la toponomie locale. Ainsi, le nom de Sapporo lui-même vient de la langue aïnoue, mais d'autres mots utilisés couramment dans la langue japonaise sont également issus de l'aïnou, comme "tonakai" (un renne) (je n'ai retenu que celui-là !).
Une visite enrichissante et même émouvante, que je recommande à tous ceux qui se rendent à Hokkaidô. Et si vous n'avez pas l'occasion de venir jusqu'ici, peut-être pourrez-vous voir le récent film Golden Kamuy, dont l'action se déroule à Hokkaidô, et dans lequel on peut avoir un aperçu intéressant de la culture aïnoue.
A une heure de train à l'ouest de Sapporo, sur le littoral de la mer du Japon, se trouve la ville portuaire d'Otaru. Je savais que cet endroit était très touristique, mais comme j'avais pris soin de poser mes congés en dehors des périodes de vacances, je croyais pouvoir me balader au calme. Je n'avais pas calculé que c'était la période de vacances des Chinois. Et les Chinois voyagent rarement en solitaire. Ils se déplacent plutôt en famille, en groupe voire en grand groupe, surtout en ce moment où le yen est très faible. Je ne voudrais pas tomber dans le racisme de base, mais c'est une autre culture, la Chine. Les notions de discrétion et de respect, si chères au cœur des Japonais, ne font visiblement pas parti de la culture chinoise. Bref, c'était compliqué, la visite d'Otaru.
La grande rue commerçante est toutefois charmante. Ce qui m'a le plus surpris, c'est que l'architecture m'a semblée très occidentale. La façade d'un grand magasin m'a fait penser à l'École du Village, que je fréquentais, enfant, à Canteleu ! On trouve aussi une brasserie qui brasse elle-même sa bière. Mais le principal intérêt, pour moi, à Otaru, ce sont les produits de la mer, d'une fraicheur et d'une qualité inégalables ! Je me suis fait un gros plaisir en commandant des oursins "rouges", une variété plus rare et plus raffinée que le classique oursin "blanc". Ça vous fond dans la bouche comme un bonbon, c'en est bouleversant ! Repas de luxe, mais bon, je ne vais pas à Hokkaidô tous les jours.
J'avais besoin d'un grand bol d'air frais, je l'ai eu. Je suis rentré sur Tôkyô avec le sentiment que les périodes de travail ne sont que des parenthèses entre deux moments de vraie vie. C'est vous dire si j'ai hâte de repartir.
Voilà donc, en résumé, le récit de mes quelques jours à Hokkaidô. J'ai pris plusieurs centaines de photos (comment ça, je suis devenu un peu japonais ?!😅), en voici une petite sélection, vous en trouverez d'autres sur ma page professionnelle Instagram. N'hésitez pas à me dire si ces deux articles vous ont intéressés et à me donner vos impressions.