jeudi 21 décembre 2017

Illuminations
Si vous suivez ce blog depuis au moins un an, vous devez savoir que pour les illuminations de Noël, les Japonais savent se montrer créatifs. Si vous avez un peu oublié ou si vous avez raté cet épisode, vous pouvez lire ou relire l'article de l'année dernière. C'est d'ailleurs assez étonnant de constater l'importance accordée à cette fête pour un pays si éloigné des cultures chrétiennes. Pourtant, si l'on considère les traditions attachées à cet évènement, on comprend mieux comment Noël s'est implanté au Japon : le plaisir de se faire des cadeaux, une fête gastronomique, une bonne occasion de se réunir pour faire la fête, les signes ritualisant (le sapin, le Père Noël, les chants...), etc. C'est typiquement le genre de repères que les Nippons adorent pour rythmer leur vie. A tout cela il faut ajouter un code de Noël qui pourrait sembler anodin mais qui ne l'est pas : les illuminations.
Cette année, je me suis rendu à Roppongi avec ma bande de copains, sur invitation de notre ami Anthony qui y va tous les ans, admirer les illuminations les plus belles qui m'aient été données de voir à Tôkyô. Face à ce jardin de lumière, on comprend mieux pourquoi les Japonais sont à ce point séduits par le concept des illuminations. C'est très difficile à expliquer, mais plongé dans la fraiche obscurité d'une soirée de décembre, quand on laisse les lumières pétiller de mille feux dans nos yeux, on ressent une sorte de magie enfantine, et cette magie, je crois, correspond bien à ce que les Japonais recherchent pour mettre de côté les tourments du quotidien et rester unis dans une espèce de communion ponctuelle. C'est bien sûr la même chose en France, mais le phénomène est probablement plus fort au Japon, du fait de la culture grégaire des Nippons. Vous allez peut-être trouver que j'extrapole, mais je vois même, dans les illuminations de Noël au Japon, un prolongement de la fascination qu'éprouvent les Japonais pour les lumières scintillantes dont les enseignes géantes sont l'archétype criard. A chaque fois que je débarque à Akihabara, je me retrouve moi aussi, sans doute tout autant qu'un Tôkyôïte, envoûté par l'atmosphère des nuits électriques plus claires que le jour, par ce déferlement d'images hypnotiques, plongé dans une nuée de lucioles pixelisées...
Mais laissons là les discours compliqués. Une image est souvent plus expressive que des mots, alors regardez plutôt.
Joyeux Noël à tous !

samedi 2 décembre 2017

Le Fuji-Q Highland
Quand je suis allé gravir le mont Fuji, l'année dernière, je suis passé devant un parc d'attraction qui a tout de suite retenu mon attention, tant ses manèges avaient l'air impressionnant. Depuis, ce parc  - le Fuji-Q Highland - était inscrit sur ma liste des choses à faire. Je m'y suis rendu récemment avec les copains habituels, une partie de la bande du 80's Café.
Le Fuji-Q Highland se distingue essentiellement par deux caractéristiques particulières. D'une part, il est situé au pied du mont Fuji, ce qui offre un panorama exceptionnel. L'air y est d'ailleurs beaucoup plus frais qu'à Tôkyô. Du haut de certaines attractions, on peut admirer - très brièvement, avant de redescendre en flèche ! - la magnifique plaine qui s'étale devant la montagne. En plus, en pleine saison des kôyô (voir article précédent sur l'automne), le paysage est rehaussé d'une éphémère beauté fragile qui donne encore plus de valeur à cette vue. J'imagine que lors de la construction du parc, comme le fait remarquer mon ami Romain, la grande proximité du mont Fuji a dû être le principal argument des opposants au projet. Comme toujours, tout dépend du point de vue qu'on adopte, celui des visiteurs du parc ou celui des défenseurs de la nature. J'ai plutôt pour habitude d'être dans le camp des seconds, mais j'avoue que là, j'ai - par facilité ou pragmatisme - opté pour le parti des premiers, et c'est sans aucun scrupule que j'ai profité du lieu toute la journée.
La seconde caractéristique du parc, et c'est là l'essentiel, ce sont ses attractions, et plus précisément ses rollers-coasters. Le Fuji-Q Highland possède certains des manèges les plus "quelque chose" du monde : le plus rapide, celui qui a le plus grand nombre de vrilles, etc. Les certificats sont fièrement affichés à l'entrée de chaque attraction concernée. Le paradis des amateurs de sensations fortes.
Parmi ces manèges, il y a donc le Dododonpa, le plus rapide du monde. Il démarre en ligne droite en passant de 0 à 172 km/h en deux secondes, on encaisse une accélération de 4G, c'est plus puissant qu'une Formule 1. Je n'avais jamais connu une telle sensation, c'est incroyable, totalement inédit. De l'extérieur, le démarrage, ça donne ça (attention, c'est très court !) :

La vitesse de pointe est de 180km/h, il n'y a pas beaucoup de virages, juste une grande courbe :
Et puis histoire d'être secoué un peu dans les trois dimensions, on passe quand même par un looping avant d'arriver. Le tout est très court, mais ça vaut vraiment le coup.
Une autre attraction qui m'a bien marqué, c'est le Eejanaika (qu'on pourrait traduire par "C'est-y pas bien ?!"), avec un circuit qui mesure plus d'un kilomètre, qui débute par une chute à la verticale et enchaine avec un nombre record de vrilles, un truc probablement conçu par un ingénieur fou, un pervers qui devait torturer ses nounours quand il était petit.
Avec les copains, on s'est gardé cette attraction pour la fin et on n'a pas regretté parce qu'après ça, la plus éprouvante des montagnes russes doit passer pour le manège enchanté. En photo, ça donne ça, et en vidéo, ça donne ça, mais évidemment, il faut le vivre pour comprendre.
Il me semble que je suis plutôt blindé de ce côté-là, que j'ai le cœur bien accroché et tout, mais là, j'avoue sans honte que j'ai poussé de grands cris d'effroi. Et aucun de nous n'a fait le fier en disant "Même pas peur !", on en a pour son grade !
Et puis il y en a d'autres, je ne vais pas vous faire la liste complète, mais juste pour vous donner un aperçu, voici une dernière petite vidéo :
A part ces manèges à sensations fortes, le Fuji-Q Highland réserve d'autres surprises, comme la traversée d'un village français, à l'entrée du parc. C'est joli, bien fait, et pour une fois sans franponais. La France est étonnamment bien représentée dans ce parc, puisqu'on trouve aussi une attraction pour les enfants ayant pour thème Gaspard et Lisa, ces personnages mignons tout plein dont les aventures se déroulent à Paris. Les copines ont insisté pour faire un tour, et entre le Dododonpa et le Eejanaika, on (les garçons) n'a pas osé leur refuser ce moment de répit. Dans le genre mignon, il y a également un circuit en bateau-bouée dans un décor typiquement japonais.
Le Fuji-Q Highland abrite aussi deux obakeyashiki, les fameuses maisons hantées, mais on n'a malheureusement pas eu le temps de les visiter. Dommage, elles ont la réputation d'être vraiment TRÈS terrifiantes... Si c'est à la hauteur du reste, je veux bien le croire. Il faudra donc programmer une nouvelle sortie là-bas !

jeudi 23 novembre 2017

Notes d'automne
Habitant depuis plus d'un an et demi au Japon maintenant, je me retrouve confronté, avec ce blog, au problème des marronniers. En termes journalistiques, le marronnier désigne un sujet qui revient chaque année, et qu'il est pratiquement impossible de ne pas traiter. Je ne suis certes pas journaliste, mais en essayant de partager avec vous, chers amis et famille, un peu de ma vie quotidienne au Japon, je risque fort bien de devoir vous raconter un peu la même chose tous les ans : il fait chaud en été, il fait froid en hiver, etc. Dès que ça devient barbant, il faudra que je songe à laisser tomber ce blog.
En attendant, je vais vous parler de l'automne, même si je l'ai déjà fait l'année dernière.
L'été s'est donc terminé, comme il se doit, par la saison des typhons, qui a marqué la transition vers l'automne. Je ne déteste pas les typhons, ils ont encore pour moi la saveur de l'exotisme. En plus, en cas de fort typhon, l'école est fermée pour raison de sécurité, et ça fait une journée de vacances. Si vous ne savez pas à quoi ressemble un typhon, regardez cette vidéo filmée en face de chez moi (je sais que pour certains d'entre vous, les vidéos ne marchent pas, je suis désolé !), et n'hésitez pas à monter le volume, c'est éloquent :
Il s'agit du typhon Lan, un costaud qui a tout de même fait sept morts.
N'empêche, une tempête comme celle-ci, ça nettoie bien le ciel, et le jour-même, les bourrasques qui s'éloignaient ont laissé apparaitre un magnifique ciel ensoleillé et pur de toute humidité, et j'ai ainsi pu revoir le mont Fuji qui avait disparu de mon horizon depuis le mois de mars.
Je ne l'avais pas remarqué l'année dernière, mais il semblerait que l'automne soit aussi la saison des araignées. De belle taille et de belles couleurs, elles tissent leurs immenses toiles un peu partout. Si vous êtes phobique, c'est le cauchemar, si vous êtes entomologiste, c'est le paradis. J'ai vu aussi quelques beaux spécimens de mantes religieuses, certaines sont assez grosses.

En octobre, c'est à présent une institution, le Japon fête Halloween. A l'école, j'étais responsable de l'organisation de l'évènement, ça m'a valu plusieurs longues journées de travail, plus quelques nuits à ressasser... Vous ne verrez évidemment aucune photo, mais j'avais - entre autres activités - transformé la classe de français en obakeyashiki, ces espèces de maisons hantées typiquement japonaises. J'étais très fier du résultat mais malgré tout un peu honteux d'avoir passé mon après-midi à terroriser les petits nenfants. En même temps, personne n'était obligé de pénétrer dans l'antre de la peur, alors bravo à ceux qui ont eu le courage. 
On a aussi fêté Halloween au 80's Café, et j'avais choisi pour l'occasion un costume d'homme sans tête, façon Sleepy Hollow. Le plus drôle, pour tout dire, c'est que je me suis changé à l'école après ma journée de travail (rassurez-vous, les élèves étaient partis et ne m'ont pas vu décapité), et que je suis allé jusqu'à Tôkyô dans cette tenue. J'ai donc pris le train tout seul (je n'ai pas résisté à l'envie de faire quelques selfies) puis j'ai traversé Akihabara avec mon beau costume horrible, et ça a été une sacrée rigolade de regarder la tête des passants, qui ne voyaient pas la mienne (et pour cause, ah ! ah ! ah !).
Après, au 80's, j'avoue que c'était moins drôle parce qu'en fait, j'y avais pas pensé avant (où avais-je la tête !) mais c'est pas super pratique de boire un coup ou de manger avec ce genre de déguisement, ça prend la tête. En plus, les copains ne me voyaient pas sourire et ils ont tous cru que je faisais la tête. Bon j'arrête.


En novembre, les averses se sont faites moins abondantes, et même si l'air s'est notablement rafraichi, le temps est devenu idéal pour faire des balades. Je vous ai déjà raconté ma revigorante excursion au mont Mitake. La semaine suivante, les copains et moi avons repris le train dans la même direction et avons poussé jusqu'à la gare suivante, Okutama. Il y a là-bas l'Okutama no Mukashi michi, c'est-à-dire l'Ancienne route d'Okutama. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une montagne à gravir, puisqu'on suit le cours d'un torrent, et que la pente est la plupart du temps assez douce, à part quelques passages bien ardus. On remonte jusqu'à un barrage qui retient un lac artificiel, principale attraction touristique de la région. Mais pour moi et mes copains, le gros plaisir, c'était les paysages sur le chemin, puisque nous sommes en pleine saison des kôyô. "Kôyô" est l'autre prononciation du mot "momiji", qui désigne la feuille d'érable et qui signifie littéralement "feuille rouge." Ce qu'on appelle kôyô représente donc plus généralement les couleurs de l'automne.
Un autre plaisir de la promenade, c'est que tout au long de la route, les fermiers vendent les kakis et les yuzus qui poussent dans leurs jardins. Le kaki, je pense que vous connaissez, on en trouve également en France. Le yuzu, c'est un citron japonais, très parfumé mais moins acide que le citron classique, et on peut le manger comme une mandarine. Quand je dis qu'ils vendent, "ils mettent à disposition" serait plus juste. On trouve sur le bord du chemin des barquettes avec des sachets tout prêts, une boite pour mettre l'argent, et on se sert soi-même, les fermiers sont rarement présents en personne. Et d'après ce que j'ai vu, aucun passant n'est tenté de partir sans payer, c'est une question de confiance et de respect. Cette pratique n'est pas réservée aux zones rurales, il y a la même chose à Nagareyama. Je ne voudrais pas être mauvaise langue, mais si en France, on laissait à disposition des fruits ou des légumes avec une boite pour déposer son argent, j'ai tendance à croire que et la barquette et la boite disparaitraient en un rien de temps. Mais c'est juste un préjugé, je n'ai jamais fait l'expérience.
Enfin bref, ça fait toujours du bien d'être en pleine nature, et sur le chemin du retour, on s'est tous profondément endormis dans le train.
Pour prolonger le plaisir des kôyô, je suis retourné au parc Rikugi-en, où les arbres aux feuilles rouges et jaunes m'avaient tant charmé l'année dernière, mais cette fois-ci, j'y suis allé de nuit. En effet, à cette saison, le parc ouvre ses portes jusqu'à 21h, et propose des illuminations pour permettre d'admirer la nature sous une autre lumière. Avec cet éclairage, il faut du matériel de pro pour réussir ses photos, aussi les miennes ne vous donneront qu'un vague aperçu de la beauté mystérieuse qu'on peut voir flotter dans la fraiche obscurité d'un soir d'automne...
Est-ce une araignée
qui pleure
le vent d'automne
Bashô

vendredi 10 novembre 2017

Le mont Mitake
Une des choses qui me plait tant dans la vie tokyoïte, c'est la facilité qu'on a de pouvoir s'en échapper ! Imaginez : vous êtes en plein Shinjuku, ses néons, sa foule, ses bars... Vous prenez le train, et une heure après, vous êtes au milieu de la montagne. A Paris, même en allant au bout des lignes de RER, on n'est jamais aussi dépaysé. On arrive simplement là où il n'y a rien, c'est glauque. Laissez-moi vous raconter une de mes excursions dans la grande banlieue de la capitale.
Par un samedi matin tout endormi, on s'est retrouvés avec les copains et on a pris le train direction l'ouest. C'est assez surprenant de voir les voyageurs de tous âges s'entasser dans les wagons, majoritairement des Japonais, certains équipés de pied en cap comme pour gravir le Fuji, d'autres simplement munis d'une paire de baskets et d'un appareil photo. Il faut un peu plus d'une heure pour rejoindre la station Mitake, mais au bout de 45 minutes, le paysage qui défile à la fenêtre n'a déjà plus rien à voir avec celui qu'on vient de quitter. Les maisons s'éparpillent pour que le relief laisse pousser les bosses comme autant de pyramides recouvertes de pins.
Arrivé à Mitake, il faut encore prendre une navette - bondée - pour atteindre le point de départ de la balade, ou bien, gaillard et vaillant, on peut effectuer ces trois kilomètres à pied, ce qu'on a fait mais ça use les souliers. On franchit quelques toriis, ces portails marquant l'entrée sur le territoire des dieux, et c'est parti. Il existe bien un funiculaire conduisant au sommet, mais c'est pas pour ça qu'on était venus ; pour nous la rando, c'est la marche à pied. Et la seule copine qui se serait bien laissée tenter, malgré tout, par l'option mécanique s'est ravisée d'office, de peur qu'on lui jette du goudron et des plumes, ou peut-être, plus simplement, parce que le funiculaire, tout compte fait, c'est moins sympa (on n'est pas méchants, on lui aurait rien fait).
C'est vrai que ça monte raide, mais tout le chemin est couvert de bitume comme une vraie route, c'est pas compliqué. Ça manque d'ailleurs un peu, à mon gout, de vie sauvage, de parfum d'aventure. Certes, on est en pleine nature et ça fait du bien, mais on risque pas de voir un ours. Au niveau de la météo, on a eu le temps idéal : ni trop chaud ni trop froid, beau soleil en sous-bois, en tout cas au début... 
L'avantage de faire des sorties entre copains, plutôt que de s'inscrire pour s'intégrer à un groupe (comme j'avais fait pour le mont Takao), c'est qu'on connait d'avance les gens avec qui on s'embarque pour plusieurs heures, et il n'y a pas de mauvaise surprise comme par exemple un Russe qui parle tout le temps mais vraiment tout le temps et qui fait des blagues à deux balles à faire rougir Vincent Lagaffe. Non, avec les copains, c'est vraiment une bonne ambiance, chacun sa personnalité, pas besoin de se la ramener, tout le monde a sa place.
Le mont Mitake culmine à environ 930 mètres. En marchant tranquillement, on arrive au sommet en moins de deux heures. Comme souvent, la montagne est couronnée d'un sanctuaire, on n'oublie jamais que la nature est sacrée. L'automne est maintenant bien installé, et le paysage se colore d'or et d'ocre, quelques érables flamboient d'un vermillon qui répond aux teintes éclatantes du sanctuaire.
La nature environnante ne déçoit pas non plus, et même si la densité de la foule nous oblige parfois à faire la queue pour traverser certains passages étroits du sentier, on savoure à pleins poumons la fraicheur de la forêt, c'est le plus important.
Pour le retour, on a opté pour un petit sentier, et là, surprise, plus un seul promeneur, à part nous ! On a juste croisé quelques crabes d'eau douce, la vie sauvage était donc finalement bien au rendez-vous.

Mais revenus à la vallée, on a compris pourquoi on était les seuls à avoir choisi ce chemin pour redescendre. On a trouvé sans problème l'arrêt de bus d'où on était censés pouvoir rejoindre la gare, mais qui dit arrêt de bus ne dit pas forcément bus... Alors qu'on en avait plein des guibolles et qu'on avait tous hâte de rentrer se reposer, le prochain bus était prévu pour passer... plus d'une heure plus tard !
Moi, j'avais vraiment pas envie de poireauter au milieu de nulle part pendant tout ce temps, d'autant plus que j'avais programmé des choses sur Tôkyô le soir-même, et que je devais me presser de rentrer. J'ai donc dit au revoir aux copains, et je suis parti seul sur la route qui serpentait entre les montagnes. J'ai traversé quelques villages déserts, et j'ai super kiffé ce moment de solitude. Même s'il commençait doucement à faire sombre et que la pluie tombait de temps en temps. J'ai tendu mon pouce aux rares voitures qui passaient, ça m'a rappelé ma jeunesse. J'ai fini par être pris en stop par un jeune couple. On m'avait dit que l'auto-stop ne marchait pas au Japon, que c'était pas dans la culture, etc. Depuis que j'habite ici, c'est la troisième fois que je m'y essaye avec succès, et ces rencontres éphémères et aléatoires me remplissent toujours de la même joie.
La gare de Mitake était trop loin, il aurait fallu contourner toute une partie de la montagne par la route, alors mes hôtes automobilesques m'ont déposé à la première gare et c'était parfait. J'ai bien dormi dans le train, et j'ai pu rallier Tôkyô à l'heure. Comblé d'air pur et de bonheur en barre.

mardi 24 octobre 2017

Matsuri à Ichigaya
Je me suis rendu à un matsuri à Ichigaya, près de Shinjuku. A cause du travail, je suis arrivé assez tard, et je regrette vraiment car le programme avait l'air alléchant.
Il ne s'agissait pas d'un matsuri comme j'en ai l'habitude, avec un défilé dans la rue. L'ambiance était beaucoup plus calme, voire feutrée. Le public était assis, on aurait davantage dit un spectacle. Seul le fait qu'on se trouvait dans un sanctuaire rappelait la dimension religieuse de l'évènement. Il n'y avait pas beaucoup de monde, ce qui conférait à l'atmosphère un caractère intime, confidentiel, voire secret.
J'ai d'abord assisté à une démonstration d'art martial, je n'ai pas bien saisi le nom, mais il s'agissait de katas (c'est-à-dire des enchainements chorégraphiés) avec un sabre en bois, comme on en pratique au kendô. Je crois c'est une ancienne forme de kendô, peut-être le ken-jutsu. Pour moi, forcément, c'était passionnant de pouvoir observer les différences et les similitudes avec ma propre pratique.
Il y a eu ensuite une démonstration de iaidô, qui se pratique avec un katana (un sabre réel). Ça, j'en avais souvent vu en France (mon ancien prof de kendô pratiquait le iaidô à un haut niveau). Pour les non initiés, ça doit être assez étrange d'assister à ce type de chorégraphie sans avoir la moindre idée de la signification de tous ces gestes.
Ensuite, il y a eu un concert de musique sacrée, c'était en fait la principale raison qui m'amenait à ce matsuri, et même si la représentation était assez courte, je suis très heureux d'avoir pu entendre cette musique de mes propres oreilles. Je connaissais déjà ce type de sonorités, mais avoir l'orchestre en face de soi, tout près, qui plus est dans l'enceinte d'un sanctuaire, c'est une véritable expérience mystique. Tout d'abord, les sons paraissent terriblement dissonants, on aurait presque envie de se boucher les oreilles tellement les couinements des instruments tranchent avec les harmoniques auxquelles la culture occidentale nous a habitués ; on aurait presque envie de rire tant on a du mal à qualifier ces bruits de musique. Et puis au bout de quelques minutes, une certaine profondeur s'installe, on cesse de sourire, les barrières tombent et on se laisse porter. Plus que ça, même, on se retrouve totalement envoûté. La musique nous pénètre, ce n'est plus de la musique, c'est une vibration, une respiration qui prend possession de nous. Le tempo lent nous fait sentir à quel point chaque instant est unique, on se retrouve plongé au cœur du présent. Il suffirait de fermer les yeux pour entrer en transe.
Mais fermer les yeux, ce serait se priver du spectacle, car bientôt des danseurs arrivent, parés de somptueux costumes. Les gestes semblent effectués au ralenti, et une fois de plus, sont en rupture totale avec les repères occidentaux. Autrefois, ces chorégraphies avaient une signification religieuse, il ne s'agissait pas d'une simple danse mais d'une prière. Aujourd'hui, seule l'esthétique reste, laissant au spectateur toute la latitude pour investir de ses propres élans transcendantaux les mouvements qui ondoient en communion avec l'air. Tout prend forme dans l'obscurité du cœur secret.
Qu'il est bon de prendre le temps de se connecter à soi-même.







samedi 30 septembre 2017

La cuisine
Les logements japonais sont petits, c'est bien connu. Mon appartement fait davantage penser à une chambre d'étudiant qu'au domicile d'un professeur. Dire que la cuisine est étroite est un euphémisme. Me préparer à manger n'est jamais très pratique, c'est d'ailleurs en partie pour cette raison que je ne cuisine pas souvent, j'achète des choses toutes faites. Quand j'ai un invité, c'est toujours un peu difficile, et à partir de deux invités, ça devient franchement compliqué. Une fois, deux copains sont venus chez moi, et comme je n'ai que deux chaises, c'était un plan moquette, comme des jeunes ! Et avec nos grandes jambes, s'il y avait eu un quatrième larron, je ne sais pas très bien où on aurait pu le caser.
Alors comment peut-on se faire une bonne bouffe entre copains sans nécessairement aller au resto ?
On loue une cuisine ! C'est ce qu'a fait Makiko pour sa sôbetsukai (sa fête d'au revoir, elle part pour sept mois à Paris). Une vraie grande cuisine toute équipée, dans laquelle on prépare le repas tous ensemble, et où on peut manger sans avoir vue sur les pieds de chaises. On vient avec ses propres victuailles, et hop, aux fourneaux. C'est un peu cher, mais si on partage les frais (location et  ingrédients) ça reste correct, et c'est sacrément convivial. Là où on était, il y avait même une terrasse d'un côté et un balcon de l'autre, on pouvait donc prendre l'air et discuter tranquillement. En fait, on avait un peu l'impression d'être dans l'appartement d'un copain. Un appartement où on pouvait tenir à quinze, quand même, c'est pas commun !

Certains de mes amis japonais cuisinent vraiment très bien, et Makiko elle-même est nutritionniste, alors quand elle choisit ses ingrédients, elle sait ce qu'elle fait. Autant vous dire que c'est le genre de fête où on se régale.

Si j'ajoute qu'on a fini, comme il se doit, au karaoké, ai-je besoin de préciser que c'était une excellente soirée ? Merci Makiko, et bon voyage !

samedi 16 septembre 2017

Un été à Tôkyô (2)
Qu'est-ce qu'on peut bien faire l'été à Tôkyô ? Plein de choses ! Voici encore quelques exemples.
Moi, j'ai besoin de nature, et la périphérie de la capitale offre, ça tombe bien, un abondant choix d'excursions. C'est d'ailleurs toujours étrange de quitter les buildings et les néons pour se retrouver en moins d'une heure en pleine verdure à gravir une petite montagne. Je vous ai déjà raconté ma sortie au mont Nokogiri, magique... Cet été, j'ai également fait l'ascension du mont Takao. Cette sortie est un grand classique des balades du weekend, et histoire de changer un peu et de ne pas y aller tout seul ou avec mes copains habituels, je m'étais inscrit pour participer à la randonnée en groupe. Mon fidèle Romain était là, tout de même ! "Ascension", c'est un bien grand mot, il s'agit plutôt d'une promenade. Certes, ça monte, mais le chemin est pavé du début à la fin, on n'a pas franchement l'impression d'être en pleine nature. Il parait que des singes sauvages peuplent la forêt, mais parmi tous les gens que j'ai interrogés et qui avaient déjà fait cette excursion, personne n'a jamais vu de singe ni même entendu le moindre cri... Pareil pour les écureuils volants. En redescendant, on a emprunté une voie moins connue, et là tout de suite, on se sent quand même un peu plus à l'écart des nuées de promeneurs, ça fait du bien. C'est toujours agréable de prendre l'air en marchant, mais tant qu'à faire, si un jour j'y retourne, c'est clair que je ne suivrai pas le sentier principal, j'essaierai d'autres chemins.
Une de mes premières excursions, quand je suis venu au Japon en tant que résident, c'était Kamakura, vous vous en souvenez peut-être (sinon, cliquez ici et ). Cette ville est un véritable havre de paix, j'en avais gardé un souvenir empli d'émotions, alors j'y suis retourné cet été. Mais cette fois-ci, je n'ai pas voulu faire le grand circuit traditionnel des temples et sanctuaires les plus célèbres, j'ai plutôt opté pour les endroits plus discrets, à l'écart des flux de touristes (dont je fais, malgré tout, partie !). C'est ainsi que dans un temple retiré, j'ai découvert une tradition dont je n'avais jamais entendu parler, et dont j'ignore toujours le nom, appelons-ça le cassage de rondelle ! Il s'agit de petites rondelles en argile qu'on doit lancer sur un rocher en faisant un vœux. Si la rondelle se casse, les dieux vous seront favorables. Pour moi, ça a marché (mais je ne vous dirai pas mon vœux !).
J'ai aussi visité des tombes abritées en sous-bois (ne me demandez pas le nom du shogun ou je ne sais quoi enterré ici), pas particulièrement belles ou impressionnantes, mais qui sont intéressantes, justement, pour leur simplicité, car elles révèlent un Japon certes historique mais plus ordinaire, plus proche d'un certain quotidien d'autrefois. 

Je n'ai pas cherché non plus à éviter à tout prix les monuments qui font la gloire de Kamakura, et je suis retourné voir le Bouddha assis, toujours aussi magistral ! Cette fois-ci, je suis rentré à l'intérieur, c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de visiter l'intérieur d'une statue ! Et en plein cagnard, je peux vous dire qu'il ne fait pas froid, dans une statue en bronze... On ne peut même pas poser sa main sur la paroi exposée vers le Soleil.
Kamakura est toujours aussi charmante, un grand bol d'air, une respiration, le plein d'oxygène. Et puis c'était bien de découvrir la ville à une autre saison que la première fois, le lac était couvert de fleurs de lotus, magnifiques...
Dans le genre "déjà fait mais pas pareil", je suis également retourné à la Tokyo Tower, mais de nuit, cette fois. La capitale vue d'en bas, c'est déjà impressionnant, vue d'en haut, c'est époustouflant, vue d'en haut de nuit, c'est surréaliste. C'est comme regarder une maquette très bien faite, mais avec des gens vivants dedans.
Voilà, en résumé, le genre de choses qu'on peut faire l'été à Tôkyô. Je ne vous ai pas listé la totalité de mes sorties, ce n'était pas mon propos, mais j'espère vous avoir fait partager, tel que je le ressens, le pouls de la ville, son parfum suave, son gout secret de fraise noire quand on l'embrasse sur les lèvres... Mon amour, Tôkyô.