samedi 4 mars 2017

Akihabara
Je vous ai déjà un peu parlé d'Akihabara, ce quartier de Tôkyô où je vais souvent. Quand je marche dans ses rues, je me dis toujours : "Ça, c'est vraiment le Japon !" Puis j'ajoute avec un plaisir ému : "Et c'est là que j'habite..." Ce blog ayant pour vocation de vous faire partager mon Japon, voici donc un aperçu d'Akihabara.
Si je me rends si souvent dans ce quartier, c'est tout d'abord parce qu'il se trouve au terminus de ma ligne de train. Depuis ma gare, en pleine campagne, c'est une plongée directement dans le cœur de Tôkyô, je ne vais pas m'en priver. Les enseignes lumineuses crépitent, c'est un permanent feu d'artifice de néons, il fait jour en pleine nuit, de la J-pop (musique pop japonaise) s'échappe de chaque boutique, on vous hèle à droite à gauche toujours avec le sourire, on ne sait plus où donner de la tête... j'adore l'animation qui règne ici.

  



Akihabara est surnommé la ville électrique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'électricité était en effet le fond de commerce originel du quartier, du plus petit élément (les geeks y trouvent tout ce qu'il faut pour customiser leur ordinateur) au plus gros (c'est le royaume de l'électroménager). Les magasins pratiquent une concurrence acharnée qui profite réellement au consommateur. Les Chinois ne s'y trompent pas et débarquent par cars complets, et beaucoup de boutiques font d'ailleurs leur promo en mandarin.
En plus de ce commerce, est venu se greffer plus récemment à Akihabara celui de la pop culture. Pas besoin de se promener longtemps avant de comprendre qu'on se trouve dans le temple des animes (prononcé "animé", les dessins animés japonais), des mangas, des jeux vidéos et autres. Les salles de jeux sont immenses, réparties sur plusieurs étages. On peut acheter toutes sortes de figurines, des CD, des DVD, des déguisements, n'importe quoi ayant un rapport avec la pop culture.
La J-pop y est aussi bien représentée, notamment avec le siège du groupe AKB48 (prononcé à l'anglaise, "è-kè-bi-fourty-eight"). AKB pour Akiba, le diminutif d'Akihabara, le 48 étant en relation avec la société de production qui gère les affaires du groupe. Car bien plus qu'un girls-band, AKB48 est une véritable industrie. Le groupe possède son propre théâtre, à deux pas de la gare, où les filles se produisent en concert presque tous les soirs. Elles sont hyper populaires dans tout le Japon, et font l'objet d'un véritable culte auprès de certains otakus (pour faire simple, disons que les otakus sont des fans obsessionnels de pop culture). Il faut avouer qu'elles sont toutes très mignonnes, bien que très formatées, et leur plastique importe en général plus que leurs performances vocales. Pourtant, je reconnais que les mélodies, si sirupeuses soient-elles, font souvent mouche, c'est un peu une machine à tube. Pour beaucoup de Japonaises, jeunes et moins jeunes, ces chanteuses représentent un modèle de perfection à imiter, et pour beaucoup de Japonais, elles font figure de compagne idéale, de fiancée de rêve. Les clips, costumes et chorégraphies sont extrêmement élaborés, pas dans le sens où ils sont complexes (au contraire, ils donnent plutôt un sentiment de simplicité), mais dans le sens où tout est parfaitement réfléchi. La communication du groupe est ultra contrôlée, tout est absolument maitrisé, verrouillé, malgré quelques dérapages occasionnels (comme ce fut le cas avec Rina Nakanishi, ex-membre devenue star du porno !). Je ne vais pas vous faire tout un exposé, mais le phénomène des AKB48 est vraiment intéressant à analyser, aussi bien d'un point de vue commercial que sociologique. Par exemple, on reproche souvent aux producteurs la sexualisation des filles dans des clips les mettant en scène en bikini, mais d'un autre côté, elles n'ont pas le droit d'avoir de relations intimes avec qui que ce soit, et la parution d'un cliché trop osé est un motif de renvoi du groupe. Il y a des raisons à tout ça, qui seraient trop longues à expliquer ici.
Si j'ai pris un peu de temps pour vous parler des AKB, c'est que ce girls-band symbolise à mes yeux l'esprit d'Akihabara : l'usine à rêves. Le phénomène AKB est tout à fait incommensurable, il a fait des émules, et on trouve aux alentours des petites salles de concert où de jeunes inconnues font leur show en rêvant de devenir comme leur idoles.
Autre emblème du quartier, les maids-cafés, ou bar à soubrettes. Là encore, c'est tout un univers que je ne peux que résumer. De nombreuses filles déguisées en maids démarchent dans la rue pour vous faire venir dans leur restaurant, mais pas question de les prendre en photo. La photo, c'est dans le restaurant et c'est payant. Pourquoi un tel succès ? L'image de la soubrette à l'occidentale (maid en anglais) est synonyme d'apaisement pour les Japonais. Quoi de plus reposant que de rentrer à la maison et d'être accueilli par un "Bienvenue chez vous, maitre !", lancé par une jeune et souvent jolie fille soumise et souriante. C'est comme ça que ça se passe dans les maids-cafés. On sort du monde réel pour échapper aux vicissitudes de la vie de bureau et on a l'impression d'entrer dans un bonbon rose criard. Il s'agit bel et bien d'établissements de restauration, cafés ou restaurants, il n'y a aucune connotation sexuelle, à part peut-être la mini-jupe du costume, et celui qui tenterait une main mal placée se retrouverait à la porte immédiatement. On est ici dans le fantasme pur, dans un monde imaginaire idéal, et le propos est bien, avant tout, de créer une ambiance sécurisante et conviviale, voire familiale. D'ailleurs, même si la clientèle est essentiellement masculine, les femmes aussi peuvent apprécier de fréquenter les maids-cafés.
Pour finir, on ne peut pas évoquer Akihabara sans parler du cosplay. Le cosplay, c'est le fait de se déguiser en personnage de manga, anime, jeu vidéo, etc. (vous pouvez relire l'article daté du 27 mai sur Harajuku). Les pratiquants fabriquent souvent eux-mêmes leurs costumes pour parader dans les rassemblements de cosplayers. Et quel meilleur endroit que le temple de la pop culture pour venir montrer et admirer les plus beaux costumes ! Le dimanche, on peut donc croiser des tas de personnages hauts en couleurs, qui se prêtent volontiers au jeu des photographes. L'ambiance est, comme toujours, bon enfant, tout le monde est là pour s'amuser.
Il y aurait encore des tas de choses à raconter sur Akihabara, comme la présence de ces filles, souvent déguisées en lycéenne, mais aussi en ninja ou en militaire, etc., qui vous invitent à venir dans leur restaurant ou qui proposent différents services. La plupart du temps, ces services consistent en des discussions amicales lors desquelles la fille caresse l'égo - et seulement l'égo - du garçon, ou bien de massages soft, là aussi les prestations érotiques étant exclues. Payer une fille pour discuter avec elle, les Occidentaux sont en général incapables de comprendre ce phénomène. On pourra penser qu'il s'agit là d'un symptôme de la frustration engendrée par une société trop rigide créant un sentiment de solitude, on pourra au contraire penser que les Japonais ont un besoin de communiquer plus accru que les Occidentaux qui se satisfont docilement de ce que la vie leur apporte en relations sociales, mais dans un cas comme dans l'autre, il s'agira d'une interprétation ethnocentrée. 
A Akihabara, on est en pleine culture 100% japonaise, et il faut  - c'est très difficile - sacrément se détacher de sa propre culture pour réussir à adopter un point de vue pertinent et enrichissant. Comme je le disais : ça, c'est vraiment le Japon.

2 commentaires:

  1. Et toi? En quoi tu te déguiserais?!...(Attention, Bowie n'est pas un personnage de Manga!;)

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    1. En fait, il y a des mangas ou des animes que j'aime beaucoup, mais je ne suis pas assez fan pour me sentir légitime en me déguisant en ce personnage. Et je me vois assez mal me déguiser en Lain ! (de la série Serial Experiment Lain) Donc, je vois pas trop... Batman, peut-être ?!

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