samedi 30 septembre 2017

La cuisine
Les logements japonais sont petits, c'est bien connu. Mon appartement fait davantage penser à une chambre d'étudiant qu'au domicile d'un professeur. Dire que la cuisine est étroite est un euphémisme. Me préparer à manger n'est jamais très pratique, c'est d'ailleurs en partie pour cette raison que je ne cuisine pas souvent, j'achète des choses toutes faites. Quand j'ai un invité, c'est toujours un peu difficile, et à partir de deux invités, ça devient franchement compliqué. Une fois, deux copains sont venus chez moi, et comme je n'ai que deux chaises, c'était un plan moquette, comme des jeunes ! Et avec nos grandes jambes, s'il y avait eu un quatrième larron, je ne sais pas très bien où on aurait pu le caser.
Alors comment peut-on se faire une bonne bouffe entre copains sans nécessairement aller au resto ?
On loue une cuisine ! C'est ce qu'a fait Makiko pour sa sôbetsukai (sa fête d'au revoir, elle part pour sept mois à Paris). Une vraie grande cuisine toute équipée, dans laquelle on prépare le repas tous ensemble, et où on peut manger sans avoir vue sur les pieds de chaises. On vient avec ses propres victuailles, et hop, aux fourneaux. C'est un peu cher, mais si on partage les frais (location et  ingrédients) ça reste correct, et c'est sacrément convivial. Là où on était, il y avait même une terrasse d'un côté et un balcon de l'autre, on pouvait donc prendre l'air et discuter tranquillement. En fait, on avait un peu l'impression d'être dans l'appartement d'un copain. Un appartement où on pouvait tenir à quinze, quand même, c'est pas commun !

Certains de mes amis japonais cuisinent vraiment très bien, et Makiko elle-même est nutritionniste, alors quand elle choisit ses ingrédients, elle sait ce qu'elle fait. Autant vous dire que c'est le genre de fête où on se régale.

Si j'ajoute qu'on a fini, comme il se doit, au karaoké, ai-je besoin de préciser que c'était une excellente soirée ? Merci Makiko, et bon voyage !

samedi 16 septembre 2017

Un été à Tôkyô (2)
Qu'est-ce qu'on peut bien faire l'été à Tôkyô ? Plein de choses ! Voici encore quelques exemples.
Moi, j'ai besoin de nature, et la périphérie de la capitale offre, ça tombe bien, un abondant choix d'excursions. C'est d'ailleurs toujours étrange de quitter les buildings et les néons pour se retrouver en moins d'une heure en pleine verdure à gravir une petite montagne. Je vous ai déjà raconté ma sortie au mont Nokogiri, magique... Cet été, j'ai également fait l'ascension du mont Takao. Cette sortie est un grand classique des balades du weekend, et histoire de changer un peu et de ne pas y aller tout seul ou avec mes copains habituels, je m'étais inscrit pour participer à la randonnée en groupe. Mon fidèle Romain était là, tout de même ! "Ascension", c'est un bien grand mot, il s'agit plutôt d'une promenade. Certes, ça monte, mais le chemin est pavé du début à la fin, on n'a pas franchement l'impression d'être en pleine nature. Il parait que des singes sauvages peuplent la forêt, mais parmi tous les gens que j'ai interrogés et qui avaient déjà fait cette excursion, personne n'a jamais vu de singe ni même entendu le moindre cri... Pareil pour les écureuils volants. En redescendant, on a emprunté une voie moins connue, et là tout de suite, on se sent quand même un peu plus à l'écart des nuées de promeneurs, ça fait du bien. C'est toujours agréable de prendre l'air en marchant, mais tant qu'à faire, si un jour j'y retourne, c'est clair que je ne suivrai pas le sentier principal, j'essaierai d'autres chemins.
Une de mes premières excursions, quand je suis venu au Japon en tant que résident, c'était Kamakura, vous vous en souvenez peut-être (sinon, cliquez ici et ). Cette ville est un véritable havre de paix, j'en avais gardé un souvenir empli d'émotions, alors j'y suis retourné cet été. Mais cette fois-ci, je n'ai pas voulu faire le grand circuit traditionnel des temples et sanctuaires les plus célèbres, j'ai plutôt opté pour les endroits plus discrets, à l'écart des flux de touristes (dont je fais, malgré tout, partie !). C'est ainsi que dans un temple retiré, j'ai découvert une tradition dont je n'avais jamais entendu parler, et dont j'ignore toujours le nom, appelons-ça le cassage de rondelle ! Il s'agit de petites rondelles en argile qu'on doit lancer sur un rocher en faisant un vœux. Si la rondelle se casse, les dieux vous seront favorables. Pour moi, ça a marché (mais je ne vous dirai pas mon vœux !).
J'ai aussi visité des tombes abritées en sous-bois (ne me demandez pas le nom du shogun ou je ne sais quoi enterré ici), pas particulièrement belles ou impressionnantes, mais qui sont intéressantes, justement, pour leur simplicité, car elles révèlent un Japon certes historique mais plus ordinaire, plus proche d'un certain quotidien d'autrefois. 

Je n'ai pas cherché non plus à éviter à tout prix les monuments qui font la gloire de Kamakura, et je suis retourné voir le Bouddha assis, toujours aussi magistral ! Cette fois-ci, je suis rentré à l'intérieur, c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de visiter l'intérieur d'une statue ! Et en plein cagnard, je peux vous dire qu'il ne fait pas froid, dans une statue en bronze... On ne peut même pas poser sa main sur la paroi exposée vers le Soleil.
Kamakura est toujours aussi charmante, un grand bol d'air, une respiration, le plein d'oxygène. Et puis c'était bien de découvrir la ville à une autre saison que la première fois, le lac était couvert de fleurs de lotus, magnifiques...
Dans le genre "déjà fait mais pas pareil", je suis également retourné à la Tokyo Tower, mais de nuit, cette fois. La capitale vue d'en bas, c'est déjà impressionnant, vue d'en haut, c'est époustouflant, vue d'en haut de nuit, c'est surréaliste. C'est comme regarder une maquette très bien faite, mais avec des gens vivants dedans.
Voilà, en résumé, le genre de choses qu'on peut faire l'été à Tôkyô. Je ne vous ai pas listé la totalité de mes sorties, ce n'était pas mon propos, mais j'espère vous avoir fait partager, tel que je le ressens, le pouls de la ville, son parfum suave, son gout secret de fraise noire quand on l'embrasse sur les lèvres... Mon amour, Tôkyô.

jeudi 7 septembre 2017

Un été à Tôkyô (1)
Les vacances sont finies, et afin d'économiser mes sous, je ne me suis pas éloigné de la région. Que peut-on bien faire de son temps, l'été à Tôkyô, quand la chaleur vous terrasse et que la saison des pluies s'avère particulièrement féconde ? Des tas de choses ! Tellement de choses que je vais vous raconter ça en deux fois. Première partie, donc.
D'abord, avec un rythme de travail comme celui qu'on a quand on bosse dans une entreprise japonaise, la priorité des vacances est de se reposer ! J'ai réappris à dormir au-delà de 6 heures du matin (j'ai tellement l'habitude de me lever tôt que 6h, pour moi, c'est déjà un peu la grasse mat'). Et j'ai fait des siestes... parfois, jusqu'à trois dans une même journée ! Mon corps avait besoin de refaire le plein d'énergie, et j'ai essayé de prendre soin de moi en faisant du sport, jogging, piscine, et toujours kendô.
J'ai aussi essayé de prendre soin de moi intellectuellement en visitant des musées, et je peux vous dire que ça fait du bien de pouvoir déambuler en prenant son temps. Parmi mes visites marquantes, il y a eu le Yûshûkan, le musée de la guerre. Pour moi qui aime bien réfléchir aux questions de la subjectivité, de l'influence de la culture sur la notion de vérité, du relativisme de la perception, etc., ce musée est l'endroit rêvé. D'abord, il est situé dans l'enceinte du sanctuaire Yasukuni, qui fait régulièrement polémique car y est honorée la mémoire de certaines personnes considérées comme des héros au Japon, et comme des criminels de guerre dans d'autres pays, notamment en Chine. Ça, c'est juste pour vous situer le contexte, pour vous mettre dans l'ambiance. Le musée en soi est dans cette veine : c'est le point de vue du Japon qui est présenté, et rien d'autre, et on se demande d'abord si on nage en pleine mauvaise foi partisane, avant d'en venir à se questionner soi-même sur sa propre perception de l'Histoire, c'est-à-dire sur ce qui constitue en partie notre identité culturelle. Après tout, en quoi la version des Occidentaux serait-elle moins construite que celle des Japonais ? Evidemment, il faut beaucoup prendre sur soi pour accepter de se défaire de ses préjugés et entendre un discours qui va totalement à l'encontre de nos certitudes. Pour donner un exemple précis : je ne sais pas par quelle chance, dans l'immensité de ce musée, je suis tombé sur un minuscule écriteau évoquant le massacre de Nankin, probablement la seule référence à cet évènement dans tout le Yûshûkan. Il y est inscrit, en gros, que l'armée japonaise a su gérer avec clairvoyance et détermination une situation compliquée par le fait que de nombreux militaires chinois s'était infiltrés parmi la population, déguisés en civils. Ce ne sont donc pas des civils qui ont été massacrés, mais le fourbe ennemi. Chez nous, on appelle ça du révisionnisme. Maintenant, essayez de considérer qu'en chaque civil - en particulier dans un pays occupé - se cache un patriote déterminé à défendre sa liberté, et vous comprendrez mieux, en effet, la menace que peut représenter la population envers la force occupante. En décalant ainsi votre perspective, votre point de vue aura déjà commencé à glisser un peu, il vous faudra cependant fournir encore beaucoup d'efforts pour être totalement à l'écoute du discours de celui que vous êtes habitué à considérer comme le coupable, le monstre, mais de toute façon, vous n'êtes pas obligé d'aller jusque là. Une simple dose de relativisme dans vos certitudes, c'est déjà très enrichissant. C'est un sujet très complexe à appréhender, mais le Yûshûkan offre matière à réflexion.
Dans les autres expos que j'ai visitées, en vrac, il y avait aussi une rétrospective sur l'art contemporain en Asie du Sud, et une expo sur les poissons des grandes profondeurs, et là, la notion de monstre est certainement bien moins subjective ! Elles ont vraiment des sales têtes, ces bestioles ! De telles créatures, on n'en voit en général que dans les films de science-fiction. On peut voir en particulier la reproduction grandeur nature d'un calmar géant, qui fait immanquablement penser à la fameuse attaque du Nautilus chez Jules Verne.
Dans la série "animaux marins", mais plus proches de nous, j'ai aussi visité un aquarium, le Japon en regorge. Il s'agissait de l'aquarium Sunshine, à Ikebukuro, qui a la particularité d'être situé en haut d'un building, et la partie extérieure offre un paysage assez inhabituel, avec des bassins transparents laissant apparaitre les tours de la capitale, contraste saisissant entre la nature animale et les constructions humaines. La partie intérieure est plus classique mais tout aussi charmante, du moment qu'on tolère de voir des animaux enfermés pour que les p'tits nenfants apprennent qu'à l'état sauvage, les poissons ne sont pas carrés et panés. Ou sous forme de sushis, en l'occurrence. N'empêche, une visite à l'aquarium en plein été, ça rafraichit.
Pour se rafraichir, on peut aussi visiter une obakeyashiki, ces maisons hantées typiquement japonaises (je vous en avais déjà parlé l'année dernière, cliquez ici). On a beau être des grands garçons et des grandes filles, et savoir que tout ça, c'est pour rire, certaines de ces attractions sont vraiment terrifiantes, et personne, je dis bien personne, n'en mène large, ni à l'entrée, ni à la sortie. C'est tellement flippant qu'on se demande pourquoi on s'inflige ce genre de stress !
L'été, il y a aussi plein d'évènements particuliers, comme par exemple ce festival sur la culture d'Okinawa, où on s'en met plein la panse en écoutant de la musique okinawienne. Trop cool.

Il y a aussi ce festival de cinéma en plein air où j'ai emmené mes amis voir un film français, French Cancan de Jean Renoir, avec Jean Gabin dans le rôle principal, et Philippe Clay, génial, 100% pure culture française ! Moi qui ne suis pas un fan de Jean Renoir, j'ai bien apprécié de me plonger dans un spectacle où pour une fois, je maitrisais les codes. Et quelle émotion que de savourer dans son contexte la version originale de La complainte de la butte... Mes copains japonais, francophiles pour la plupart, eux aussi ont aimé, pour eux c'était... exotique !
L'été, c'est également la saison des matsuris et des feux d'artifice. Alors qu'à Nagareyama, il ne se passe jamais rien, cette année, j'ai vu un matsuri défiler juste en bas de chez moi, mais vraiment juste en bas, on ne peut pas imaginer plus pile poil juste en bas de chez moi, même que c'est là qu'ils ont choisi de faire une pause.
Du coup, je suis descendu faire quelques photos, et j'ai croisé le directeur de mon bureau de poste qui participait au transport du mikoshi, l'autel portatif ! Il y avait aussi un mikoshi pour les enfants, et là pim poum, je suis tombé sur un de mes élèves ! Moi qui ne connais personne à Nagareyama... Bon, sa mère m'a demandé comment ça se faisait que j'avais mis C à son fils en français (sur A-B-C), c'était délicat, mais je m'en suis bien sorti : "Naaan, mais c'est pas important les notes, ce qui compte c'est qu'il participe et qu'il s'amuse bien !" (il participe pas du tout et il s'amuse pas du tout).

Je suis allé voir les lanternes flottant sur la Sumida, un agréable petit moment de poésie et de douceur.
J'ai assisté au feu d'artifice de Kita-Senju (un quartier au nord de Tôkyô), et c'est seulement en arrivant à la gare que j'ai compris à quel point ce rendez-vous était populaire. Une foule hallucinante s'étendait depuis la sortie de la gare jusqu'aux abords de la rivière ! Certes, le feu d'artifice était très beau, avec notamment des fusées qui explosaient en faisant des dessins dans le ciel, mais le plaisir que procure ce genre de spectacle vient aussi du fait de participer à ce moment de liesse populaire, où les femmes portent des yukata (kimono d'été) dont la beauté ne finit pas de me ravir, et où les hommes, même ivres morts, ne sont pas agressifs (je sais, vu de la France, ça doit paraitre à peine croyable).
Par contre, le grand feu d'artifice de la Sumida, on l'a raté. On était une dizaine de potes, tous en tenue traditionnelle (yukata pour les hommes ou les femmes, et jinbei pour les hommes), et on s'est pointés assez tôt sur le site, mais comme il pleuvait des cordes, les quelques endroits à peu près abrités pour assister au spectacle étaient bondés, impossible de trouver une place pour se poser tranquillement. Alors Wada-san a proposé d'ouvrir le 80's Café rien que pour nous, c'est l'avantage d'avoir un copain gérant de bar ! On s'est donc fait une soirée privée au 80's, et le grand feu d'artifice de la Sumida, on y a assisté en direct à la télé en dégustant des pizzas, bien au sec ! Et puis après, Wada-san a sorti un petit ampli, on s'est branché sur YouTube, et on s'est improvisé un karaoké rien qu'à nous. Le pied.
Voilà pour aujourd'hui. Je vous raconterai bientôt la suite de tout ce qu'on peut faire l'été à Tôkyô.