dimanche 24 mai 2020

La campagne en ville

Comme vous le savez peut-être, j'habite à Nagareyama, dans la banlieue de Tôkyô. Si vous ne le savez pas, je vous invite à lire ces deux anciens articles, pour situer l'univers où se déroule l'essentiel de ma vie japonaise, ça vous aidera à mieux appréhender les photos qui suivent.
Ce que par contre vous pouvez difficilement ignorer, c'est qu'en ce moment, les sorties sont très limitées. Et encore, l'état d'urgence est plutôt léger chez nous, comparé au confinement français. On a le droit de sortir sans attestation, les gens sont juste "invités" à rester chez eux. J'ai vu sur YouTube une vidéo tournée à Shinjuku un samedi soir, et c'est incroyable : d'habitude, c'est un quartier extrêmement animé, noir de monde, et sur cette vidéo, c'est aussi calme qu'un dimanche matin de bonne heure. Globalement, la population semble donc assez respectueuse des consignes.
Moi aussi, j'essaye autant que possible de ne pas sortir, mais de toute façon, la tentation est très restreinte puisque la plupart des commerces et des services sont fermés, ou tout au moins en mode minimum. Je ne prends plus du tout le train et ne suis pas allé à Tôkyô depuis un mois et demi (je m'y rends en moyenne deux à trois fois par semaine en temps normal). Mais dans un appartement de 3 m², je deviendrais rapidement fou si je ne pouvais pas du tout mettre le nez dehors. J'ai donc entrepris de marcher dans ma ville quand j'en ai l'occasion, surtout le weekend. Je ne prends pas le train, ne touche aucune poignée de porte si ce n'est la mienne, et n'ai de contact avec quasiment personne, les risques sanitaires sont donc notablement réduits.
Mais à Nagareyama, il n'y a rien de spécial à voir, c'est une vraie cité-dortoir. Pas de temple sympa, pas de joli quartier, rien, c'est mort de chez mort. Et justement, c'est ce rien qui m'attirait depuis longtemps. A côté de l'établissement où je travaille, il y a un grand parc, mais je distinguais, depuis l'étage de l'école, que la cime des arbres se prolongeait au-delà de ce parc, et telle la chèvre de monsieur Seguin, je me disais que j'irais bien faire un tour là-bas, pour voir si c'était aussi vert que ça en avait l'air. Moi, je suis un homme des bois. J'ai grandi à côté d'une forêt et passé mes vacances d'enfance dans le trou du cul de la Dordogne avec un arc et des flèches (je dis ça sur un ton ironique mais ce sont de merveilleux souvenirs, merci papa merci maman). Conséquence dans ma vie d'adulte : si on ne me laisse pas toucher des végétaux de temps en temps, je mord des gens.
A mon arrivée à Nagareyama, j'avais déjà pu constater à quel point le passé rural de la commune était encore visible, bien que rétrécissant à vue d’œil. Il était temps de partir en excursion.

Après avoir vaguement repéré un itinéraire sur le plan, je me suis lancé, un peu au hasard, à la découverte de ce "quartier" nommé Nonoshita. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'en terme de verdure, je n'ai pas été déçu. Après dix minutes de marche, on se retrouve à longer des champ cernés de petits bois et traversés d'étroites routes presque désertes. Dans ces champs, on peut même parfois voir des tracteurs (normal à la campagne, me direz-vous, mais n'oubliez pas que la ville est à deux pas). Les agriculteurs vendent directement leurs légumes aux particuliers qui passent par ici, ce qui m'a donné l'opportunité de gouter les produits locaux. Il arrive même que ces légumes soient laissés à disposition, sans personne pour les surveiller, avec une simple boite pour déposer l'argent. Essayez donc ça en France, pour voir...
Le mois d'avril, c'est la saison où on plante le riz, certains carrés gorgés d'eau s'ornent donc de ces touffes vertes typiques, régulièrement espacées. Oui, on parle bien de rizières.
A chaque promenade que j'ai pu faire là-bas, et j'en ai fait beaucoup depuis que j'ai découvert ces lieux, j'ai pu entendre le cri des faisans, et souvent même en observer, parfois de près. Ils sont légions à Nonoshita. Il leur arrive également de s'aventurer dans les zones habitées, et de se balader tranquillement au milieu des lotissements. Un peu plus loin, ce sont canards, cormorans et même tortues qui s'ébattent dans les étangs.
Au bout de mon itinéraire, avant que l'urbanisme reprenne ses droits, j'ai trouvé un petit parc où court une rivière jaillissant d'une espèce de puits telle une source sauvage et apaisante. Le weekend, ce parc est bondé et je ne m'y pose jamais bien longtemps, mais quand j'ai la chance de trouver un créneau où les familles sont absentes, je m'installe sur l'herbe avec un livre et laisse le soleil me taper dessus. Une image du bonheur.







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