Des visites
Pendant toute ma première année d'exil, je n'ai eu aucune visite de France. J'étais certes toujours en contact avec ma famille et mes amis par Internet, mais ma vie quotidienne n'était accompagnée que de mes nouvelles connaissances, et c'est ainsi que je me suis construit de nouveaux repères. Puis les vacances de printemps sont arrivées, et j'ai reçu trois visites à la suite !
Ce fut d'abord mon père et sa femme, puis Wandrille, un ami d'enfance, lui aussi avec sa femme, puis une copine pas vue depuis très longtemps, avec ses trois enfants que je ne connaissais pas.
Comme je m'y attendais un peu, ce regard à la fois proche (des gens qui me connaissent depuis longtemps) et extérieur (parce que totalement étranger à ma réalité quotidienne) m'a permis de mesurer le chemin accompli en un an d'expatriation.

Ces visites ont aussi été l'occasion de partager des moments privilégiés, des moments rares et chaleureux, du fait d'être dans un contexte inédit, surtout avec mon père. J'étais très content de lui présenter mes nouveaux amis, qu'on aille au resto tous ensemble, et même au karaoké ! Emmener mon père au karaoké, j'avais vraiment pas imaginé qu'un jour je ferais ça ! Et le top du top, c'est qu'on a fait un duo ensemble, sur Le temps des cerises. Certes, cette interprétation ne restera sûrement pas gravée dans l'Histoire de la musique, mais dans nos cœurs, oui, là dessus je n'ai aucun doute.
D'autres réflexions intéressantes sont nées de ces visites, comme par exemple une grosse question que je me pose : comment puis-je me sentir aussi serein dans un pays socialement très conservateur (une écrasante majorité de la population est pour le maintien de la peine de mort, même pas en rêve on ouvre le débat sur le mariage pour tous, etc.), et dont tout le système repose sur l'ultra-capitalisme ? L'embryon de réponse qui me vient à l'esprit est que le Japon propose tellement d'autres aspects qui s'accordent parfaitement à mes valeurs (le sens du respect, le dévouement, etc.) que ça compense les divergences qui apparaissent entre mes idéaux et la société japonaise. La question est complexe et entremêle sans doute des paramètres plus personnels, et le sujet mérite d'être encore approfondi, mais il semblerait bien qu'après un an de vie au Japon, je sois devenu beaucoup plus ouvert et tolérant.