vendredi 10 novembre 2017

Le mont Mitake
Une des choses qui me plait tant dans la vie tokyoïte, c'est la facilité qu'on a de pouvoir s'en échapper ! Imaginez : vous êtes en plein Shinjuku, ses néons, sa foule, ses bars... Vous prenez le train, et une heure après, vous êtes au milieu de la montagne. A Paris, même en allant au bout des lignes de RER, on n'est jamais aussi dépaysé. On arrive simplement là où il n'y a rien, c'est glauque. Laissez-moi vous raconter une de mes excursions dans la grande banlieue de la capitale.
Par un samedi matin tout endormi, on s'est retrouvés avec les copains et on a pris le train direction l'ouest. C'est assez surprenant de voir les voyageurs de tous âges s'entasser dans les wagons, majoritairement des Japonais, certains équipés de pied en cap comme pour gravir le Fuji, d'autres simplement munis d'une paire de baskets et d'un appareil photo. Il faut un peu plus d'une heure pour rejoindre la station Mitake, mais au bout de 45 minutes, le paysage qui défile à la fenêtre n'a déjà plus rien à voir avec celui qu'on vient de quitter. Les maisons s'éparpillent pour que le relief laisse pousser les bosses comme autant de pyramides recouvertes de pins.
Arrivé à Mitake, il faut encore prendre une navette - bondée - pour atteindre le point de départ de la balade, ou bien, gaillard et vaillant, on peut effectuer ces trois kilomètres à pied, ce qu'on a fait mais ça use les souliers. On franchit quelques toriis, ces portails marquant l'entrée sur le territoire des dieux, et c'est parti. Il existe bien un funiculaire conduisant au sommet, mais c'est pas pour ça qu'on était venus ; pour nous la rando, c'est la marche à pied. Et la seule copine qui se serait bien laissée tenter, malgré tout, par l'option mécanique s'est ravisée d'office, de peur qu'on lui jette du goudron et des plumes, ou peut-être, plus simplement, parce que le funiculaire, tout compte fait, c'est moins sympa (on n'est pas méchants, on lui aurait rien fait).
C'est vrai que ça monte raide, mais tout le chemin est couvert de bitume comme une vraie route, c'est pas compliqué. Ça manque d'ailleurs un peu, à mon gout, de vie sauvage, de parfum d'aventure. Certes, on est en pleine nature et ça fait du bien, mais on risque pas de voir un ours. Au niveau de la météo, on a eu le temps idéal : ni trop chaud ni trop froid, beau soleil en sous-bois, en tout cas au début... 
L'avantage de faire des sorties entre copains, plutôt que de s'inscrire pour s'intégrer à un groupe (comme j'avais fait pour le mont Takao), c'est qu'on connait d'avance les gens avec qui on s'embarque pour plusieurs heures, et il n'y a pas de mauvaise surprise comme par exemple un Russe qui parle tout le temps mais vraiment tout le temps et qui fait des blagues à deux balles à faire rougir Vincent Lagaffe. Non, avec les copains, c'est vraiment une bonne ambiance, chacun sa personnalité, pas besoin de se la ramener, tout le monde a sa place.
Le mont Mitake culmine à environ 930 mètres. En marchant tranquillement, on arrive au sommet en moins de deux heures. Comme souvent, la montagne est couronnée d'un sanctuaire, on n'oublie jamais que la nature est sacrée. L'automne est maintenant bien installé, et le paysage se colore d'or et d'ocre, quelques érables flamboient d'un vermillon qui répond aux teintes éclatantes du sanctuaire.
La nature environnante ne déçoit pas non plus, et même si la densité de la foule nous oblige parfois à faire la queue pour traverser certains passages étroits du sentier, on savoure à pleins poumons la fraicheur de la forêt, c'est le plus important.
Pour le retour, on a opté pour un petit sentier, et là, surprise, plus un seul promeneur, à part nous ! On a juste croisé quelques crabes d'eau douce, la vie sauvage était donc finalement bien au rendez-vous.

Mais revenus à la vallée, on a compris pourquoi on était les seuls à avoir choisi ce chemin pour redescendre. On a trouvé sans problème l'arrêt de bus d'où on était censés pouvoir rejoindre la gare, mais qui dit arrêt de bus ne dit pas forcément bus... Alors qu'on en avait plein des guibolles et qu'on avait tous hâte de rentrer se reposer, le prochain bus était prévu pour passer... plus d'une heure plus tard !
Moi, j'avais vraiment pas envie de poireauter au milieu de nulle part pendant tout ce temps, d'autant plus que j'avais programmé des choses sur Tôkyô le soir-même, et que je devais me presser de rentrer. J'ai donc dit au revoir aux copains, et je suis parti seul sur la route qui serpentait entre les montagnes. J'ai traversé quelques villages déserts, et j'ai super kiffé ce moment de solitude. Même s'il commençait doucement à faire sombre et que la pluie tombait de temps en temps. J'ai tendu mon pouce aux rares voitures qui passaient, ça m'a rappelé ma jeunesse. J'ai fini par être pris en stop par un jeune couple. On m'avait dit que l'auto-stop ne marchait pas au Japon, que c'était pas dans la culture, etc. Depuis que j'habite ici, c'est la troisième fois que je m'y essaye avec succès, et ces rencontres éphémères et aléatoires me remplissent toujours de la même joie.
La gare de Mitake était trop loin, il aurait fallu contourner toute une partie de la montagne par la route, alors mes hôtes automobilesques m'ont déposé à la première gare et c'était parfait. J'ai bien dormi dans le train, et j'ai pu rallier Tôkyô à l'heure. Comblé d'air pur et de bonheur en barre.

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