Rien de tel qu'aller crapahuter en montagne pour s'aérer la tête et les poumons. L'année dernière, j'avais gravi le mont Hinode, et au printemps, j'avais arpenté la vallée de Hatonosu. Je suis retourné dans le même coin, riche en reliefs, en ce frais automne, et je me suis lancé à l'assaut du mont Honnita (ou Honita, suivant les cartes).
Vous seriez surpris de voir à quel point les trains se dirigeant vers l'ouest de Tôkyô sont remplis de promeneurs le dimanche matin de bonne heure, alors que le jour se lève à peine. Vous seriez encore plus surpris de constater à quel point les Japonais s'appliquent à s'équiper de pied en cap quand ils pratiquent une activité. Dans le wagon, on voit défiler tout le catalogue Patagonia et The North Face, vêtements thermo-machin, sacs à dos dernier cri, bâton de marche télescopique, et bien sûr chaussures de marche semi-pro (ou vendues comme telles), etc. Avec mon vieux survêt' (le même depuis cinq ans) et mes chaussures de rando (qui ont fait le mont Fuji, quand même !), je fais pâle figure à côté, mais peu importe.
Arrivés au terminus, les marcheurs s'éparpillent vers leur destination du jour. Le mont Honnita, sur lequel j'avais jeté mon dévolu, n'est pas très populaire, et peu de gens prennent sa direction. Il faut avouer que le circuit qui part d'Okutama pour arriver au village de Hatonosu est réputé comme largement plus difficile que le même trajet effectué en sens inverse. Et dès le début de mon ascension, j'ai pu vérifier que cette réputation était loin d'être usurpée. Bon sang ce que ça grimpe sec ! En dix minutes de marche, vous êtes déjà sur les rotules. Pas le moindre tronçon miséricordieux à la pente compatissante, aucune pitié, aucun répit, c'est raide, c'est escarpé, et ça n'en finit pas. J'ai mis un peu moins de deux heures pour atteindre le sommet. Hors d'haleine, trempé de sueur mais transi par le vent glacé, on se demande un peu ce qu'on est venu chercher ici. Et là, la récompense. Devant moi, dressé dans toute sa majesté, le mont Fuji, net comme si je pouvais le toucher. Les pentes enneigées, les lignes si pures qu'on les croiraient peintes par Hokusai en personne, et le ciel d'un bleu immaculé pour couronner le tout. Si en cet instant on me disait que c'est un rêve, je le croirais sans doute.
Je respire bien fort.
Puis c'est la redescente, qui vous achève presque en douceur. Les couleurs automnales complètent l'onirisme du paysage.
Assis dans le train, il me faut regarder les photos pour vérifier que je n'ai pas rêvé. Oui, je l'ai vraiment vu, et c'était magnifique.
Donner un peu - un tout petit peu - plus de sens à sa vie, pas à pas...
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