dimanche 30 octobre 2016

Yanesen
Yanesen, c'est le surnom donné au quartier situé entre les stations Yanaka (Ya...), Nezu (ne...) et Sendagi (sen).

C'est un endroit qui a été miraculeusement préservé des différents tremblements de terre, incendies et bombardements qui ont ravagé la capitale au cours de l'histoire, et du coup, les ruelles ont conservé un air d'antan unique dans Tôkyô. Pour beaucoup, à commencer par les Japonais eux-mêmes, c'est le vrai Japon d'autrefois. La balade idéale pour un dimanche après-midi...
A Yanesen plus qu'ailleurs, on trouve encore beaucoup de bâtiments en bois, petites échoppes ou beaux restaurants. Dans la principale rue piétonne, les commerçants vendent surtout des produits traditionnels, comme des kimonos ou des getas, les socques en bois. On se croirait effectivement dans un vieux film de Kurozawa.









Pour manger, on propose aussi, essentiellement, des recettes traditionnelles, comme les taiyakis, gâteaux chauds fourrés à la pâte de haricot rouge, un régal. Il y a également quelques boutiques de bonbons à l'ancienne, comme ces bonbons Kintarô.
Si les petits apprécient toujours ces confiseries, les grands s'en régalent tout autant, comme si c'était des bonbons au parfum nostalgie.


C'est également à Yanesen qu'on trouve la plus grande concentration de temples et de sanctuaires ; des petits, cachés au coin de rues étroites, et des plus grands, toujours majestueux. Je suis loin de les avoir tous visités, mais de ce que j'en ai vu, mon préféré est le sanctuaire Nezu, avec ses toriis alignés en tunnels, saisissant, émouvant.



C'est à Yanesen, encore, qu'est situé le grand cimetière où sont enterrés, par exemple, le célèbre écrivain Natsume Sôseki, ou Tokugawa Yoshinobu, le dernier shogun à avoir régné, avant la restitution de l'empereur. Il y a tellement de petits cimetières disséminés à droite à gauche, surtout en zone rurale, que celui-ci, en pleine ville, fait, à sa manière, par sa largeur et la sérénité qui s'en dégage, immanquablement penser au Père-Lachaise.


Il faut se perdre à Yanesen pour découvrir les surprenantes ruelles très animées, les maisons bringuebalantes, les minuscules boutiques... Et dire que je n'ai même pas pu visiter le musée d'art contemporain ! Ah, vraiment, je dois y retourner !

mardi 25 octobre 2016

Le rhume
J'ai attrapé un rhume. Rien de plus banal me direz-vous, même s'il s'agit d'un bon gros rhume avec le nez qui coule comme un robinet grand ouvert, la voix de Dark Vador et la tête lourde comme une pastèque. Une rhino-pharyngite comme parlent les médecins. Sauf qu'au Japon, tout est différent, et un rhume ici ne se vit pas de la même façon qu'en France.
Vous le savez, au Japon, il est courant de porter un masque hygiénique, soit pour se protéger quand on est dans un environnement sensible (proximité de personnes malades, allergie, etc.), soit pour protéger les autres quand on est soi-même malade. Par respect pour mes collègues, et surtout pour préserver les enfants de l'école, j'ai donc naturellement adopté cette pratique, et après une nuit à cracher mes poumons comme un asthmatique et à me moucher jusqu'à faire sortir mon cerveau par les narines, je me suis pointé le matin au travail avec un masque sur la truffe. Normal, pensais-je. Mes collègues en portent également régulièrement, ainsi que les enfants ; tout le monde est habitué à ça. Mais un masque sur la face d'un Occidental, c'est autre chose. Première surprise : alors que j'accueillais les enfants qui arrivaient les uns après les autres, ils étaient tous morts de rire en me voyant, et quand je leur disais bonjour avec ma voix d'outre-tombe, ils se tenaient les côtes en se tapant sur les cuisses, s'en était limite vexant. Bon.
Quant à mes collègues, seconde surprise : je serais venu au travail avec une flèche plantée dans le ventre qu'ils ne se seraient pas moins inquiétés pour moi. J'avais beau les rassurer, leur dire que ça va, c'est juste un rhume et tout, je distinguais nettement un sentiment de panique dans leurs yeux. Tant et si bien que dans la matinée, le directeur adjoint est venu me dire que puisque je n'avais pas de cours de français à assurer dans l'après-midi, je pouvais rentrer chez moi, un autre prof me remplacerait pour les cours d'éducation physique. J'ai répondu avec un sourire, non non ça va vraiment ne vous inquiétez pas pour moi c'est gentil mais pas de problème, j'ai compris à ce moment-là qu'il ne s'agissait pas d'un conseil ou d'une faveur, mais d'un ordre : "Rentrez chez vous." Bon.
C'est là que la directrice est intervenue : "Vous devez allez à l'hôpital." Heeeiiin ?! A l'hôpital pour un rhume ?! Je sais que les Japonais n'ont pas l'habitude d'aller voir un médecin traitant, sauf pour ce qui nécessite un rendez-vous, les problèmes de fond, etc. Pour tout ce qui relève plus ou moins de l'urgence, c'est à l'hôpital. Mais quand même, à l'hôpital pour un rhume, c'est un peu trop pour moi. J'irai peut-être quand je me serai un peu plus japonisé, mais pour l'instant, je suis encore bien trop Occidental pour ça. En plus, j'avais tous les médicaments nécessaires chez moi, je savais comment me soigner, absolument pas besoin d'un médecin pour guérir d'un rhume. Il me suffisait de rentrer à la maison, d'avaler mes cachets et de dormir un bon gros coup. Le temps de trouver un hôpital, d'expliquer en japonais ce qui m'arrivait et de ne rien comprendre à ce que le médecin m'aurait répondu, d'aller dans une pharmacie où j'aurais encore rien compris, etc., je suis pas sûr que ça m'aurait aidé à aller mieux. J'ai expliqué tout ça à la directrice, qui a pourtant insisté. Sur ce coup-là, j'ai été plus fort qu'elle, et j'ai nettement refusé d'aller à l'hôpital. Elle faisait carrément la gueule, et j'ai compris que c'est justement pour que j'aille à l'hôpital qu'on m'offrait une demi-journée de congé.
Tant pis. Au moins, j'ai participé à la sauvegarde de la Sécu japonaise !
J'ai conservé ma voix de Dark Vador pendant une semaine, les enfants ont bien rigolé et j'ai découvert une vertu cachée du masque hygiénique : je peux tirer la langue à ma directrice sans qu'elle s'en aperçoive. Na.

vendredi 14 octobre 2016

Visite à Hakone
J'ai profité d'un jour de congé pour me rendre à Hakone. De Nagareyama, il m'a fallu pas moins de quatre trains pour atteindre cette petite ville au sud de Tôkyô. Des trains de tous les formats : j'ai pris le Shinkansen pour la première fois (le TGV japonais), et j'ai terminé par un petit tortillard qui rappelait les vieilles michelines qui desservaient autrefois les campagnes françaises.

A propos des voyages en trains, si un jour vous venez au Japon, regardez bien les employés des gares qui assurent la régulation des trains sur les quais. Ils ont une gestuelle tout à fait particulière, leurs mouvements sont très codifiés, on dirait une sorte de rituel dédié à la sécurité, c'est assez surprenant.
Bref, après environ 2h30 de trajet depuis chez moi, je suis enfin arrivé à Hakone, et là, grosse déception : il n'y a rien à voir ! Cette destination est pourtant très réputée, mais à vrai dire, ce n'est pas tant pour la ville en elle-même que pour la région environnante. Il y a bien quelques boutiques, mais on en a fait le tour en trois pas, la rue commerçante n'est même pas jolie... A Hakone, on vient surtout pour les onsen, les stations thermales, et comme je n'étais pas venu pour ça... Moi, il y a deux choses que je voulais absolument voir : les fumerolles qui s'échappent de la montagne, et le musée consacré au Petit Prince de Saint-Exupéry. Mais pour accéder au site des fumerolles, là encore, ça ne se fait pas en un instant. Il faut prendre un petit train qui serpente lentement à travers la montagne. C'est charmant, même si on est entassés comme dans le métro aux heures de pointe, et que le train semble grincer de souffrance pour avancer mètre par mètre. C'est charmant mais quand on a qu'une seule journée de congé, il est difficile d'apprécier, comme ça, spontanément, la lenteur du voyage, en tout cas si on ne s'y attend pas. A chaque étape, on prend un peu plus d'altitude, et on sent l'air se rafraichir. Puis on fait la queue pour prendre un funiculaire. Très lent et bondé, là encore. Puis on fait la queue pour prendre le téléphérique, et quand on arrive enfin à destination, il est beaucoup plus tard que ce qu'on avait prévu !
Bon, c'est vrai que le site en question vaut le coup, c'est impressionnant. En fait, on se retrouve directement sur les flancs du volcan Kamiyama, et les fumerolles, c'est un mélange de vapeur et de soufre qui s'échappe des entrailles de la Terre. Et c'est clair que l'air sent bel et bien le soufre, et le dépôt jaune qui colore le sol ne laisse aucun doute. Des sentiers permettent, en principe, de s'approcher au plus près du phénomène, mais le jour où j'y suis allé, l'activité sismique était trop forte, et les sentiers étaient fermés. Nouvelle déception.
Je me suis consolé en mangeant des spécialités locales, en particulier de la glace noire, genre parfum charbon sauf que c'est bon. Pour les œufs noirs, j'ai renoncé devant les 50 mètres de file d'attente. J'avais froid et j'étais scrogneugneu.
Le temps de redescendre, il était trop tard pour aller visiter le musée du Petit Prince. Je crois que quand on vient à Hakone, il vaut mieux prévoir son séjour sur deux journées, ou alors arriver tôt le matin, parce que les sites sont assez éloignés les uns des autres. J'aimerais bien voir le lac aussi, et il y a plein de musées d'art, et tant qu'à faire j'en profiterais bien pour aller dans un onsen. Tout ça pour dire que c'est à reprogrammer...
Je vous laisse avec les photos des fumerolles.






dimanche 2 octobre 2016

Ordures
Je le reconnais, un article sur les poubelles ne se présente pas, à priori, comme particulièrement passionnant. Mais ce qui m'intéresse ici, c'est de vous montrer à quel point les différences entre la France et le Japon s'inscrivent dans les moindres détails de la vie de tous les jours, et qu'un sujet aussi simple et trivial que le traitement des déchets oblige l'expatrié que je suis à réorganiser son quotidien.
La politique japonaise n'est pas, c'est le moins qu'on puisse dire, particulièrement tournée vers l'écologie. On privilégie plutôt la consommation de masse et l'usage intensif des enseignes lumineuses. Pourtant, le traitement des déchets est digne de ce que produirait - sans doute - un gouvernement écolo aux rênes du pays. La différence, c'est qu'ici il ne s'agit pas tant d'une préoccupation concernant l'avenir de la planète que d'une vision économique pragmatique, comme quoi les deux ne sont pas forcément incompatibles. Au Japon, on trie ses déchets, et personne n'a le choix. Que vous vous sentiez ou non concerné par les problèmes environnementaux, il vous faut, suivant les municipalités, au moins trois ou quatre poubelles à la maison. Parce que quand on trie au Japon, on ne fait pas semblant : on sépare les déchets combustibles des déchets non combustibles, les déchets dangereux (spray, lames de rasoir...) des déchets en aluminium, on sépare évidemment le verre... On sépare le plastique des bouteilles en plastique, mais avant de jeter les bouteilles on enlève l'étiquette qui elle se jette avec le plastique... Bien sûr, chaque type de déchet a son jour de ramassage, et il ne faut pas se tromper sinon le sac n'est pas collecté. Et pas question de tricher : seuls les sacs transparents ou translucides sont acceptés. On place le tout sous un grand filet pour éviter que les chats ou les corbeaux viennent se servir, ce qui n'empêche pas quelques débordements occasionnels. Mais pas de panique : une pelle et une balayette sont à disposition et une rue salie ne le reste jamais bien longtemps.

Dans la rue au Japon, il n'y a pas de poubelle, je veux dire, de poubelle où on jette ses petits déchets en passant. Vos déchets, vous les emportez chez vous pour les trier. Et vous savez quoi ? Les rues sont super propres, vous trouverez difficilement un papier par terre, que ce soit dans les grandes villes ou dans les petites. En plus, les comités de quartier organisent régulièrement des séances de ramassage où petits et grands, volontaires, viennent nettoyer les quelques déchets égarés. Autant vous dire le choc que beaucoup de Japonais ressentent en arrivant à Paris. Comme si ça ne suffisait pas de slalomer entre les crottes de chien, les rues sont jonchées d'ordures, alors qu'il y a des poubelles tous les 10 mètres. Paris est pourtant une ville magnifique, pourquoi les Français sont-ils si peu respectueux de leur environnement ? Que peut-il bien y avoir dans la tête de quelqu'un qui jette ses papiers par terre ? Je crois que la réponse est dans le titre de cet article.