vendredi 22 décembre 2023

Le mochi

 On peut manger du mochi (prononcé "motchi") tout au long de l'année, mais c'est surtout en hiver que c'est populaire. On peut non seulement en manger, mais on peut également en fabriquer. Mais qu'est-ce que le mochi ? Je vous explique.

Le mochi, c'est de la pâte de riz. On en trouve facilement dans tous les supermarchés, le riz étant un aliment de base dans toute l'Asie. Il se présente en général sous forme de lamelles dure, qu'on ramollit en les faisant cuire. Tous les hivers, je me régale en me préparant du shiruko : c'est une sorte de bouillie d'azuki (les haricots rouges sucrés) avec du mochi dedans (deux morceaux le plus souvent). Manger un shiruko en buvant un amazake (boisson chaude à base de riz), c'est ma consolation d'hiver, quand je grelotte en pensant avec nostalgie aux touffeurs estivales. On peut aussi placer le mochi sur une sorte de brasero pour le faire griller. Mais quelle que soit la façon dont on le consomme, le mochi est mou et collant, très mou et très collant. Chaque année, le 31 décembre (une date où on en mange beaucoup), plusieurs personnes âgées trépassent, étouffées par un morceau de mochi qui fait la boule dans la gorge. Morfal comme je suis, je ferais bien de me méfier, moi aussi. Et surtout, ne donnez jamais de mochi à un chat ! Sauf si vous voulez vous en débarrasser, quoi. Pour vous donner une idée du calvaire que connaitra le pauvre animal, lisez donc Je suis un chat de Natsume Sôseki, qui contient une hilarante scène dans laquelle le chat-narrateur se débat avec un morceau de mochi collé dans sa gueule.
Le mochi de base est blanc, mais on en trouve des plus ou moins aromatisés, verts ou roses, avec des noisettes ou des graines de sésame, etc. Le mochi se retrouve dans différents plats, sous différentes formes, une des plus délicieuses étant le daifuku, un mochi sucré fourré avec des fruits ou de la pâte de fruits, comme le ichigo daifuku, un mochi avec une fraise fraiche à l'intérieur. Il existe d'autres façons d'accommoder le mochi, je ne les connais pas toutes.
Voilà pour ce qui est des présentations.
Le mochi est donc un aliment traditionnel, et sa fabrication traditionnelle n'a pas disparu. Elle se pratique encore souvent en décembre dans certains sanctuaires, et le public est invité à y participer. Quand l'occasion s'est présentée, je ne me suis pas fait prier.
On cuit d'abord le riz (je ne sais pas quelle variété de riz, je crois que c'est du riz glutineux), et on le dépose encore tout chaud dans un grand mortier en bois ou en pierre. Là, plusieurs personnes le malaxent à l'aide de grosses masses de bois jusqu'à ce que le riz commence à prendre la forme d'une pâte. Ensuite, on le bat vigoureusement. Un assistant attrape la pâte à la main pour la faire pivoter entre chaque coup, et je suis d'ailleurs étonné qu'il n'y ait pas plus d'accidents que ça. En tout cas, c'est à ce moment-là que le public peut prendre part au processus. Le pilonnage ne semble pas requérir une technique précise, il suffit de taper comme un bourrin, ça défoule et le dimanche matin, voilà qui remplace bien un entrainement de kendô. Les personnes alentour peuvent scander des encouragements, ce qui engendre une certaine synergie de groupe, c'est plus fun.
Il faut mouiller le riz de temps en temps de façon à ce que la pâte ne colle pas trop, ou bien tremper la masse dans une bassine, et petit à petit, on voit cette grosse boule de riz se transformer en mochi homogène. Je crois qu'en étant ainsi broyé, le riz libère des arômes particuliers, en tout cas ça n'a pas exactement le même gout que du simple riz. Le gros pâton de mochi est ensuite remis aux stands où on en fait des boulettes irrégulières, qu'on assaisonne. Le jour où j'y étais, il y avait différents accompagnements au choix : azuki, kinako (poudre de soja), nattô (voir article précédent), radis râpé (mais pas les petits radis de nos jardins français, hein, ici c'est du daikon, gros radis blanc), ou encore miso. Les files d'attentes sont un peu longues, mais dès que la livraison de mochi arrive, on avance rapidement.
Pour nous faire patienter, un homme joue à faire des formes avec des baguettes de bois assemblées par des cordelettes, en improvisant une sorte de chanté/parlé que le public répète en chœur. Je n'ai pas filmé cette partie, parce que j'avais juste envie de profiter de l'instant avec mes yeux, mes oreilles, je voulais être dans le présent, savourer l'instant.
Vient enfin de moment de déguster. Et le mochi qui vient juste d'être fait comme ça, c'est bien évidemment excellent, un délice, le meilleur mochi ! Tellement bon que j'ai fait la queue trois fois pour gouter un maximum d'assaisonnements (j'ai zappé le nattô, puisque j'avais déjà ingurgité ma ration au petit-déjeuner).

Outre le régal, j'ai aussi et surtout adoré l'atmosphère. Tout le monde qui mange du mochi sous les arbres aux couleurs de l'automne, sous l'azur de l'infini, dans cette ambiance traditionnelle et familiale, c'était un pur moment de bonheur qui m'a rappelé mes premières expériences du Japon, quand je suis arrivé dans ce pays, il y a quelques années.

dimanche 3 décembre 2023

Washoku

 Par un hasard du calendrier, mon emploi du temps, ultra-chargé depuis plusieurs mois, s'est quelque peu allégé ces derniers jours. J'ignore si ça va durer, alors j'en profite.
Je trouve enfin du temps pour faire tout ce que j'ai à faire, mais surtout, pour ne rien faire. Du temps pour moi. L'autre jour, je me suis offert un cadeau d'un luxe suprême : une sieste ! Ça ne m'était pas arrivé depuis un bail (je ne compte pas les endormissements dans le train), et j'aurais bien du mal à vous décrire le bienêtre, physique et psychique, que ça m'a procuré. Mais là n'est pas mon sujet aujourd'hui.
On m'avait donné un billet gratuit pour aller voir une expo sur la gastronomie japonaise, le washoku. Je n'y serais pas allé sans cette invitation, mais puisque l'occasion se présentait, je l'ai saisie. Le thème ne m'intéressait pas particulièrement, mon objectif principal était de déambuler et par-dessus tout de sortir la tête de mon écran. Expo parcourue rapidement, pas l'expo du siècle, mais qui m'a quand même donné envie de partager quelques images avec vous.
L'expo commence par l'aliment universel : l'eau. D'où elle vient, les principales marques, etc. Parmi les plus vendues au Japon, deux marques françaises : Évian et Contrex. Sont présentés ensuite tous les ingrédients qui composent les repas traditionnels : champignons et autres légumes, algues, les différentes sortes de riz bien sûr, le soja, le saké, etc. Et puis les poissons, évidemment : le thon, le fugu (ce fameux poisson empoisonné, je vous en avais parlé ici)... Tout est passé en revue, c'est très complet. L'ensemble est souvent illustré par des reproductions en plastique hyper-réalistes, que les Japonais adorent, et qu'on retrouve en devanture de nombreux restaurants. L'expo se termine avec les apports des cuisines venues d'autres pays, Chine en tête. La plus grosse surprise vient du menu des repas de fête de l'empereur : on y trouve principalement de la cuisine... française !
Tout cela m'a donné sacrément envie de retourner dans un ryokan, non seulement pour me laisser fondre dans un onsen, mais aussi pour savourer la cuisine absolument parfaite qu'on peut déguster dans ce type d'établissement. Je vous ai souvent montré à quoi ça ressemble, ici, ou pour ne vous donner que les liens les plus récents, mais bien entendu, vous ne pouvez pas vraiment savoir tant que vous n'avez pas gouté.









Petite digression, pour revenir au washoku après : ces derniers mois, je me suis retrouvé avec le système digestif complètement déréglé. En cause, le fait que je n'aie pas, en général, le temps de me poser à table le midi pour avaler un repas équilibré, que je me nourrisse de bouffe industrielle (celle des superettes, la pire), et puis les fioles de produits dopants - légaux - que je m'envoie pour tenir le rythme des journées, et qui défoncent le corps, les excès dont je me rends coupable (produits trop sucrés par exemple), etc. Bref, mon estomac et mes intestins ont tourné maboul et ont commencé à fonctionner de façon totalement aléatoire. Quelques médicaments m'ont aidé à réguler tout ça, mais je ne voulais pas abuser du chimique. Je me suis donc mis à avaler du yaourt à boire tous les matins, des produits enrichis en bio-machin et en lacto-truc. Bien, mais insuffisant. Alors en désespoir de cause, je me suis tourné vers le produit ultime pour renforcer la flore intestinale : le nattô. Le nattô, ce sont des haricots de soja fermentés. Ses bienfaits au niveau du système digestif sont très réputés. Mais avant même d'en ingurgiter, rien qu'à l'aspect, vous avez compris que vous ne vous lancez pas dans une expérience anodine. J'en avais déjà mangé plusieurs fois, en particulier dans les ryokan, où c'est communément servi au petit déjeuner. Je ne peux pas dire que j'en raffole, mais dans le contexte, ça passe, disons que ça fait parti du folklore. Mais quand même, quand je me suis vu acheter du nattô au supermarché, ça m'a fait bizarre, j'ai compris que je franchissais un cap, un pas de plus dans l'ouverture d'esprit interculturelle. Et me voilà donc chez moi, à me préparer ma barquette de haricots gluants tous les matins, la mort dans l'âme (comment ça, je dramatise ?!). Je le reconnais : au bout de quelques jours, les effets bénéfiques se sont fait ressentir, bien au-delà de mes espérances. J'ai donc continué, exactement comme on suit un
traitement. Et vous savez quoi ? Non seulement je me suis rapidement habitué, mais j'ai fini par apprécier. Après tout, l'odeur n'est pas pire que celle de mon cher munster, et le gout n'en est pas si éloigné.
En tout cas, je n'ai maintenant plus beaucoup de limites, et je peux à présent explorer le washoku dans ses aspects les plus extrêmes. Et si vous venez chez moi un jour, vous savez ce que je vous servirai au petit déjeuner !