On peut manger du mochi (prononcé "motchi") tout au long de l'année, mais c'est surtout en hiver que c'est populaire. On peut non seulement en manger, mais on peut également en fabriquer. Mais qu'est-ce que le mochi ? Je vous explique.
Le mochi, c'est de la pâte de riz. On en trouve facilement dans tous les supermarchés, le riz étant un aliment de base dans toute l'Asie. Il se présente en général sous forme de lamelles dure, qu'on ramollit en les faisant cuire. Tous les hivers, je me régale en me préparant du shiruko : c'est une sorte de bouillie d'azuki (les haricots rouges sucrés) avec du mochi dedans (deux morceaux le plus souvent). Manger un shiruko en buvant un amazake (boisson chaude à base de riz), c'est ma consolation d'hiver, quand je grelotte en pensant avec nostalgie aux touffeurs estivales. On peut aussi placer le mochi sur une sorte de brasero pour le faire griller. Mais quelle que soit la façon dont on le consomme, le mochi est mou et collant, très mou et très collant. Chaque année, le 31 décembre (une date où on en mange beaucoup), plusieurs personnes âgées trépassent, étouffées par un morceau de mochi qui fait la boule dans la gorge. Morfal comme je suis, je ferais bien de me méfier, moi aussi. Et surtout, ne donnez jamais de mochi à un chat ! Sauf si vous voulez vous en débarrasser, quoi. Pour vous donner une idée du calvaire que connaitra le pauvre animal, lisez donc Je suis un chat de Natsume Sôseki, qui contient une hilarante scène dans laquelle le chat-narrateur se débat avec un morceau de mochi collé dans sa gueule.
Le mochi de base est blanc, mais on en trouve des plus ou moins aromatisés, verts ou roses, avec des noisettes ou des graines de sésame, etc. Le mochi se retrouve dans différents plats, sous différentes formes, une des plus délicieuses étant le daifuku, un mochi sucré fourré avec des fruits ou de la pâte de fruits, comme le ichigo daifuku, un mochi avec une fraise fraiche à l'intérieur. Il existe d'autres façons d'accommoder le mochi, je ne les connais pas toutes.
Voilà pour ce qui est des présentations.
Le mochi est donc un aliment traditionnel, et sa fabrication traditionnelle n'a pas disparu. Elle se pratique encore souvent en décembre dans certains sanctuaires, et le public est invité à y participer. Quand l'occasion s'est présentée, je ne me suis pas fait prier.
On cuit d'abord le riz (je ne sais pas quelle variété de riz, je crois que c'est du riz glutineux), et on le dépose encore tout chaud dans un grand mortier en bois ou en pierre. Là, plusieurs personnes le malaxent à l'aide de grosses masses de bois jusqu'à ce que le riz commence à prendre la forme d'une pâte. Ensuite, on le bat vigoureusement. Un assistant attrape la pâte à la main pour la faire pivoter entre chaque coup, et je suis d'ailleurs étonné qu'il n'y ait pas plus d'accidents que ça. En tout cas, c'est à ce moment-là que le public peut prendre part au processus. Le pilonnage ne semble pas requérir une technique précise, il suffit de taper comme un bourrin, ça défoule et le dimanche matin, voilà qui remplace bien un entrainement de kendô. Les personnes alentour peuvent scander des encouragements, ce qui engendre une certaine synergie de groupe, c'est plus fun.
Il faut mouiller le riz de temps en temps de façon à ce que la pâte ne colle pas trop, ou bien tremper la masse dans une bassine, et petit à petit, on voit cette grosse boule de riz se transformer en mochi homogène. Je crois qu'en étant ainsi broyé, le riz libère des arômes particuliers, en tout cas ça n'a pas exactement le même gout que du simple riz. Le gros pâton de mochi est ensuite remis aux stands où on en fait des boulettes irrégulières, qu'on assaisonne. Le jour où j'y étais, il y avait différents accompagnements au choix : azuki, kinako (poudre de soja), nattô (voir article précédent), radis râpé (mais pas les petits radis de nos jardins français, hein, ici c'est du daikon, gros radis blanc), ou encore miso. Les files d'attentes sont un peu longues, mais dès que la livraison de mochi arrive, on avance rapidement.
Pour nous faire patienter, un homme joue à faire des formes avec des baguettes de bois assemblées par des cordelettes, en improvisant une sorte de chanté/parlé que le public répète en chœur. Je n'ai pas filmé cette partie, parce que j'avais juste envie de profiter de l'instant avec mes yeux, mes oreilles, je voulais être dans le présent, savourer l'instant.
Vient enfin de moment de déguster. Et le mochi qui vient juste d'être fait comme ça, c'est bien évidemment excellent, un délice, le meilleur mochi ! Tellement bon que j'ai fait la queue trois fois pour gouter un maximum d'assaisonnements (j'ai zappé le nattô, puisque j'avais déjà ingurgité ma ration au petit-déjeuner).
Outre le régal, j'ai aussi et surtout adoré l'atmosphère. Tout le monde qui mange du mochi sous les arbres aux couleurs de l'automne, sous l'azur de l'infini, dans cette ambiance traditionnelle et familiale, c'était un pur moment de bonheur qui m'a rappelé mes premières expériences du Japon, quand je suis arrivé dans ce pays, il y a quelques années.