mardi 10 septembre 2024

Alors on danse

 L'année dernière, je vous ai déjà raconté en long et en large le bon-odori, et je vais essayer de ne pas me répéter. Car cet été encore, je suis allé danser dans les natsu-matsuri, ce qui m'a permis de me plonger plus profondément dans ce pan de la culture insulaire. Il faut dire que, ne prenant pas de vacances, la danse est la meilleure échappatoire qui s'offre à moi pour briser ma cadence de travail, comme un contrepoint à la redondance des jours. Un autre rythme, la nuit tombée.


A Noël, je décore mon appartement de guirlandes et de boules on ne peut plus traditionnelles, et cet été, je l'ai décoré aux couleurs des matsuri : calicots typiques des yatai (stands de nourriture), yaki-soba, takoyaki ou kakigōri, et puis pastèque, poissons rouges, veste de matsuri, cochon à encens, lampions, etc. Ainsi, même en étant chez moi, j'avais déjà le cœur en fête.
Mais j'avais beau écouter en boucle les chansons des matsuri, ça ne suffisait pas, évidemment. Tous les weekends, je me suis donc rendu dans différents quartiers, certains que je connaissais, d'autres nouveaux, multipliant les découvertes.

Parmi les expériences renouvelées, je suis par exemple retourné au matsuri d'Edogawadai, à côté de chez moi. J'y ai croisé quelques anciennes élèves de Gyōsei, c'était sympa, même si certaines se rappelaient de moi bien plus que je ne me rappelais d'elles. Edogawadai n'est pas un matsuri très traditionnel. Certes, on avait bien les yatai et la yagura (estrade), mais la sélection musicale, si elle contenait effectivement quelques classiques du bon-odori, comme Tōky
ō ondo, comportait surtout des morceaux plus modernes, comme YMCA (oui, c'est très relatif quand je dis "moderne"). L'ambiance était particulièrement jeune, on se serait un peu cru dans une discothèque à ciel ouvert.
Je suis aussi retourné à Nerima, dans le tout petit matsuri où ils nous avaient accueillis si chaleureusement, ma demoiselle et moi, au point de nous faire monter sur la yagura. Cette année encore, on y a eu droit (non, je n'ai pas les images !), et comme ils sont toujours aussi gentils, on y est allés deux jours de suite, le samedi et le dimanche.
Dans les expériences nouvelles, je suis allé à un matsuri organisé sur le toit d'un grand magasin. Je pense que c'était avant tout une grosse opération commerciale, mais le matsuri était malgré tout assez traditionnel, et en plus, il y avait des brumisateurs géants, très rafraichissants.

Je me suis également rendu dans un matsuri qui rassemblait essentiellement des habitués, et qui se déroulait sous une autoroute ! Celui-ci, on ne pouvait pas le trouver par hasard en sortant du métro ou en faisant ses courses. De plus, les danses qu'on y pratiquait étaient assez complexes, difficilement accessibles aux débutants, et par ailleurs, la plupart des danseurs étaient incroyablement doués. Avec un tel haut niveau, je n'ai pas vraiment pu m'intégrer dans la ronde, mais je n'ai pas regretté pour autant d'être venu, car malgré l'étrange austérité du site, c'était vraiment magnifique à regarder.
Bien sûr, il y a eu quelques ratés.
Je pense par exemple au matsuri de Sugamo, où au bout de dix minutes, un orage terrible a soudainement éclaté et il s'est mis à pleuvoir des hallebardes, faisant fuir tout le monde dans la panique. Du coup, l'évènement a naturellement été annulé. Mais pas de problème : comme on était samedi soir, on a pu se rattraper le dimanche soir, au sec cette fois-ci.
Le matsuri le plus frustrant de cette année, je crois que c'était celui de Jimbōchō. Le comité organisateur, sans doute un peu fauché, n'avait pas cru bon d'investir dans une sono qui tient la route. La sono n'a donc pas tenu la route. En urgence, il a fallu trouver une solution de rechange : ils ont diffusé les musiques sur un téléphone portable, et placé des micros face au haut-parleur de ce téléphone ! Ai-je besoin de vous décrire la qualité du son ? On reconnaissait à peine les morceaux, et quand les musiciens frappaient le taiko (tambour), on n'entendait plus qu'une cacophonie innommable. En plus, de tous les matsuri que j'ai connus, ces joueurs de taiko étaient les pires que j'ai jamais vus, on aurait cru leur première leçon, et rares étaient les moments où ils jouaient en rythme. En fait, c'était tellement pourri que c'en était drôle. J'ai bien ri mais quand même, je ne retournerai pas à Jimbōchō l'année prochaine.
Concernant les taiko, justement, il y a toujours un moment où les danses se suspendent pour laisser place à une démo, et c'est souvent époustouflant. Cette année, la démonstration, le concert plutôt devrais-je dire, le plus incroyable auquel j'ai assisté, c'était à Suitengūmae, au matsuri sous l'autoroute, décidément d'une très haute teneur. Vous trouverez quelques images plus bas. Dans cette petite vidéo, je n'ai pas voulu vous montrer des échantillons représentatifs comme l'année dernière (parce que justement, je l'ai déjà fait l'année dernière), mais j'ai laissé tel quel les moments que j'ai enregistrés, parce que le taiko, ça s'apprécie surtout comme ça, dans la longueur et le développement.

Il y a une autre tradition, lors des natsu-matsuri, dont je ne crois pas vous avoir déjà parlé, ce sont les mini feux d'artifice. Le japonais utilise le même mot que pour les feux d'artifice qu'on projette vers le ciel, mais ceux des matsuri se tiennent à la main. Ce sont surtout les enfants qui adorent ça, mais les adultes 
aussi s'amusent avec. On allume une tige en papier, qui se consume en produisant des étincelles. On n'en trouve pas partout, mais j'ai vu des jeunes dans un parc près de chez moi qui en faisaient bruler, c'était drôlement beau. Au matsuri de Jimbōchō, le comité en avait acheté une grande quantité qu'ils ont distribuée aux enfants (c'était donc là qu'était passé leur budget !), instants magiques que d'assister au spectacle des étincelles dans les yeux des petits. Ils ne pouvaient quand même pas se planter sur tout, dans ce matsuri !
En ce qui concerne les musiques, on retrouve bien entendu les classiques, de Tanko bushi à Kawauchi otokobushi, mon préféré du moment, et des chansons pop. Vous vous souvenez peut-être que la nouveauté de l'année dernière, c'était une vieille chanson de Boney M, Bahama Mama. On a pu l'entendre encore par-ci par-là cette année, mais les organisateurs avaient sans doute décidé de faire dans la surenchère du kitsch, et le "nouveau" morceau (qui tournait quasiment en boucle au matsuri de Shinjuku), c'était Livin' On A Prayer de Bon Jovi. Oh my god, que cette musique est laide ! Autant je m'amusais bien sur Boney M, autant là, ça m'a donné un peu d'acné. Heureusement que je n'ai pas parié mes couilles que je ne danserai jamais sur du Bon Jovi, mais ça m'a rappelé à quel point il ne faut pas se prendre au sérieux. Le bon-odori, c'est une fête populaire, pas un bal de monsieur l'ambassadeur.
Autre nouveauté : une chanson issue d'une attraction de Disneyland Tokyo, Jamboree Mickey. Sur un rythme frénétique, une chorégraphie qui ne l'est pas moins vous épuise en trente secondes. J'ai essayé de suivre, en vain. A se demander si tous les danseurs, enfants compris, n'avaient pas inhalé nasalement des substances énergisantes interdites. Je vous mets le lien (cliquez ci-dessus sur le titre de la chanson), en espérant que vous y aurez accès depuis votre zone géographique. Si vous parvenez à refaire toute la chorégraphie, envoyez-moi la vidéo, s'il vous plait, ça m'intéresse vraiment.
Enfin, on a exhumé une pépite des années 90, Matsuken Samba de Ken Matsudaira, une chanson très festive, qui s'accorde bien, selon moi, avec l'atmosphère des matsuri. En dansant, tout le monde affichait un grand sourire, on sentait le bonheur de faire les fous tous ensemble, un de mes grands souvenirs de cet été.
Et puisque c'est bien ça dont il s'agit, parlons un peu des danses.
L'année dernière, j'avais commencé à suivre des cours avec une association, la Kōchōkai, mais le niveau était vraiment trop élevé pour moi, et après m'être échiné pendant des mois à essayer d'améliorer ma grâce pas du tout naturelle, j'ai laissé tomber. Après tout, les chorégraphies qu'on apprenait là-bas étaient réservées aux initiés, dont je ne fais pas partie, et ne sont dansées qu'en de rares occasions. J'ai préféré me concentrer sur les chorégraphies les plus courantes, en apprenant sur le tas, comme les locaux. Les années précédentes, j'étais très réticent à l'idée de me lancer comme ça, mais j'ai pris confiance en moi, et je maitrise maintenant suffisamment de danses pour me permettre d'en estropier quelques-unes. Si je ruinais toutes les danses, j'aurais sans doute honte, mais comme je me débrouille pas trop mal sur plusieurs morceaux, on ne peut pas me soupçonner de me moquer des traditions japonaises. En fait, j'ai le sentiment d'avoir découvert là le véritable esprit du bon-odori. Le vrai plaisir n'est pas tant de danser sur les chansons qu'on connait, mais d'apprendre de nouvelles danses, et de les répéter jusqu'à ce que ça devienne beau. On regarde les autres faire, on copie les plus doués, et petit à petit, on intègre et on s'approprie les mouvements. Quand on est à l'aise, on peut tenter des gestes plus amples, de petites ornementations des mains, des balancements de la tête, voire même, on peut chantonner en dansant (mais pas du Bon Jovi). Quand on y arrive, c'est là qu'on s'amuse le plus.
Pour apprendre les chorégraphies qui demandent plus de travail, ou si, comme moi, on n'est pas un danseur né et qu'on a besoin de beaucoup répéter afin de ne pas donner l'impression de faire la danse de Saint-Guy, on peut trouver des tas de vidéos sur YouTube. Et puisque votre humble serviteur a trainé ses guêtres dans tout le nord de Tōkyō depuis le début de l'été, il n'est pas impossible que vous voyez ma trombine passer sur certaines de ces vidéos, comme sur celle-ci par exemple (attention, c'est très court, de 2'30 à 2'50 !) :


A force de fréquenter les matsuri, on finit par repérer certaines têtes. Pas précisément dans cette vidéo, mais de ci de là, j'ai repéré un couple de garçons qui dansent avec beaucoup d'élégance, il y a ce sportif qui danse comme s'il faisait un marathon, il y a cette dame que je regarde toujours parce qu'elle me sert de modèle, et puis un jour, j'ai même rencontré un des professeurs de la Kōchōkai, l'association où je prenais des cours !
Ce que je n'avais pas réalisé, c'est que, logiquement, à montrer mon museau partout, j'ai moi aussi fini par être repéré. Un jour que ma demoiselle et moi dansions à Nerima, une jeune fille seule dansait près de nous, et nous avons échangé quelques mots. Que ne fut pas ma surprise quand elle nous a dit : "Ah, vous deux, je vous avais déjà vus à l'asagao-matsuri de Uguisudani ! Je vous avais remarqués parce que vous dansez très bien !" Quelle étrange sensation que de se faire reconnaitre dans la plus grande ville du monde ! Tant pis pour l'humilité, mais je dois confesser avoir ressenti une certaine fierté, toutefois aussitôt relativisée par la ferme conviction que je ne danse pas si bien que ça. N'allez pas imaginer que je suis devenu célèbre dans les natsu-matsuri ou que je suis un danseur hors-pair. Juste, je me fais plaisir. Et ce plaisir, je souhaite vous le transmettre autant que possible, à travers mes mots et mes images.

Afin de ne pas refaire la même vidéo que l'année dernière, j'ai tenté un style différent, j'espère que ça vous plaira.
Voici la vidéo des taiko.
Et puisque j'ai pris des centaines de photos, je vous en propose une sélection dans ce diaporama.



mardi 3 septembre 2024

L'été en pente douce

 L'été n'est pas encore terminé, mais la haute saison s'éteint doucement, laissant la place à celle des typhons, qui arrivent les uns après les autres. Il fait toujours très chaud, mais ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre. J'ai choisi en toute connaissance d'habiter dans une région du globe où les mois de juillet et d'aout sont torrides, et même si c'est parfois difficile, j'assume. Laissez-moi vous raconter un peu cet été 2024. Et comme j'ai envie de vous raconter plein de choses, ça va être un peu long, alors posez-vous et prenez votre temps. C'est l'été !


Dès le mois de juin, j'ai cessé de dormir dans mon lit pour dormir sur mon lit, et assez rapidement, avec le ventilateur braqué sur moi, fenêtres grandes ouvertes. Je n'aime pas beaucoup le climatiseur, car l'idée de respirer un air artificiel m'est assez désagréable. Ceci dit, il m'est arrivé de craquer au milieu de la nuit. Le ventilateur, brassant de l'air chaud, ne suffit pas toujours à nous rafraichir, et quand on se réveille en sueur à 2 heures du matin, l'oreiller trempé, il faut parfois se résoudre à fermer les fenêtres et allumer l'air conditionné pour trouver le sommeil et être capable de travailler le lendemain.

J'ai pris l'habitude, avant de me coucher, de sortir sur mon balcon prendre l'air quelques minutes. Un soir, savourant la douceur de la brise apportant une relative fraicheur (comparé à l'intérieur de l'appartement), je me suis dit que l'idéal serait de dormir sur mon balcon. Après tout, pourquoi pas ? Eh oui, pourquoi pas ! Hop ! j'ai sorti mon futon, mon oreiller et ma couette, et j'ai dormi à la belle étoile ! Comme quand j'étais petit, dans le jardin de ma grand-mère, en admirant la Lune et les astres scintillants. Merveilleux. J'avais disposé de l'encens répulsif contre les moustiques, et pas un seul n'est venu m'embêter. Il parait d'ailleurs qu'il y avait moins de moustiques, cette année, à cause de la chaleur extrême. J'ai vu aussi beaucoup moins de mantes religieuses. C'est dommage ; c'est beau, une mante religieuse. Vous savez quoi ? J'ai super bien dormi, dehors. A tel point que j'ai renouvelé l'expérience à deux ou trois reprises. Pas trop chaud, pas trop froid, vraiment parfait. J'ai adoré.
S'il est difficile de se passer totalement de la clim', il est absolument impossible de se passer d'un ventilateur. Ce serait comme se priver de chauffage en plein hiver. Dans la rue, dans le train, beaucoup de personnes sont munies d'un mini-ventilateur portable, qu'elles tiennent face à leur visage pour essayer de ne pas fondre sur place. En ce qui me concerne, je préfère l'élégance du geste de l'éventail. J'en ai toujours un dans mon sac. On voit aussi de plus en plus des sortes de gros colliers qui vous maintiennent la nuque au frais. Ça se présente comme ces blocs qu'on met dans la glacière, mais en forme de boudin arrondi. Je n'ai jamais essayé, mais ça doit être pas mal. Dans le train par contre, sur certaines lignes, la clim' est parfois beaucoup trop forte, et même si le froid soudain qui vous saisit quand vous pénétrez dans le wagon peut sur le coup sembler le bienvenu, on se retrouve rapidement à greloter, surtout si on est déjà dégoulinant de transpiration. C'est à tel point qu'on trouve maintenant des wagons à la climatisation modérée, de façon à ne pas avoir l'impression d'entrer dans un réfrigérateur.
Pour se rafraichir, le mieux est encore d'aller à la piscine, mais je vous ai déjà raconté ça dans mon précédent article, je ne vais pas revenir sur ce sujet.

Il y a aussi les salles de cinéma, climatisées, ça va de soi. Je suis allé passer une nuit dans mon cinéma favori, à Ikebukuro, où sont diffusés des films qu'on ne voit pas ailleurs en général. Des vieux films français, des films de monstres japonais, tout ce qu'on appelle le cinéma de genre, tendance art et essai. Là, c'était trois films d'horreur, de 23h à 5h30, vraiment excellents. Je ne connaissais pas l'actrice anglaise Mia Goth, elle est époustouflante (si vous avez l'occasion, regardez donc Pearl). Par contre, pour enchainer avec une leçon en ligne une fois rentré chez moi le matin, c'était moins évident. Au cinéma, j'ai surtout vu un film japonais que je vous recommande chaudement : Mononoke (à ne pas confondre avec Princesse Mononoke de Hayao Miyazaki). Il s'agit de la déclinaison ciné d'une série télé, et on a rarement vu des images d'une telle beauté dans un dessin animé japonais. A chaque plan, on a envie de demander au projectionniste de faire un arrêt sur image pour se perdre dans les milliers de détails. Les couleurs vives sont étourdissantes, les décors, plus symboliques que réalistes, nous plongent dans un imaginaire totalement onirique, la poésie qui nait de l'ensemble est envoutante.

Chercher le frais, ça peut aussi se faire en se rapprochant de l'océan. Pour moi, l'été est synonyme de mer, et chaque année, je m'offre une journée de break sur la plage la plus près de chez moi (non : la moins loin !). C'est un peu compliqué parce qu'il n'y a pratiquement pas de bus, et depuis la gare, il faut effectuer les 10 derniers kilomètres en autostop. A
lors que le stop n'est pas du tout dans la culture locale, j'ai rarement galéré, et discuter avec des gens du coin est toujours sympa. Même des femmes seules acceptent de me prendre, et certaines vont jusqu'à faire un détour de plusieurs kilomètres pour m'emmener à destination. Je ne reste pas forcément très longtemps sur le sable. J'ai juste besoin de me poser paisiblement, de jouer un peu avec les vagues, de sentir l'iode, d'écouter le grondement des rouleaux. Cette année, j'y suis allé en semaine, il n'y avait donc presque personne, les bars provisoires étaient en cours de démontage, ça sentait la fin de saison, un petit parfum de nostalgie, triste et doux. Et avant de rentrer, j'aime aller manger des fruits de mer dans un restaurant calme et lumineux, en regardant l'horizon azur. Mes rituels. Alors que le ciel assez nuageux le matin était passé à légèrement voilé durant la journée, me permettant de profiter du soleil et de prendre quelques couleurs, en arrivant chez moi, le temps s'est soudainement obscurci et il s'est mis à tomber des trombes, prémices du typhon qui s'approchait. J'ai vraiment eu de la chance, ce jour-là.

Côté kendō, le trimestre a été clôturé par une petite cérémonie où les enfants ont reçu leurs distinctions (grade ou compétition). Après, comme l'année dernière, ils ont cassé des pastèques, que nous avons ensuite mangé dans une ambiance familiale et chaleureuse. Pour autant, les entrainements de kendō ne s'arrêtent pas pendant l'été, mais pour éviter les grosses chaleurs, on pratique le asa-geiko, littéralement "entrainement du matin", c'est-à-dire de 6h à 7h. Il faut être motivé mais c'est super agréable. Et le 1er septembre, la rentrée a été marquée par un barbecue, dans une ambiance toujours aussi familiale et chaleureuse.



Avec tout ça, on pourrait penser que je me suis bien reposé cet été. En vérité, il n'en est rien, j'ai continué à travailler comme d'habitude. J'ai même travaillé le dimanche matin après mon entrainement de kendōpuisque j'avais bloqué mes samedis soirs pour aller danser (je vous raconterai ça plus tard). J'ai également encadré un stage intensif pendant trois jours, intéressant mais épuisant. Toutefois, j'avais réservé un court séjour dans le sud, histoire de souffler un coup, et je m'étais organisé pour me mettre en congé. Mais la veille du départ, ce que je pressentais et craignais est arrivé : séjour annulé pour cause de typhon. C'est un euphémisme de dire que j'étais vraiment dépité. Même si je m'y attendais, j'ai eu un choc en recevant le mail d'annulation. Trois jours de vacances, ça ne me semble pas une dinguerie, quand mes amis français prennent au moins deux semaines. Certes, je suis au Japon, mais rien ne m'oblige fondamentalement à me tatamiser ( = à devenir japonais), et le besoin de se reposer me semble humain, et pas forcément lié à ma nationalité. Du coup, j'ai passé la journée du lendemain coincé chez moi, à broyer un noir qui n'avait rien à envier à celui du ciel tourmenté, tempêtueux et détrempé. J'ai pensé à mon ami d'enfance qui s'est fait enlever un poumon, à une amie très chère qui s'est fait enlever un sein, et je me suis dit qu'on ne sait pas ce qui peut m'arriver demain. Même si j'adore mon boulot, j'ai aussi besoin de m'en éloigner pour pouvoir profiter pleinement de la vie avant de mourir. Une vie, une seule.
J'ai reporté ce séjour d'un mois, mais septembre étant également riche en typhons, rien ne garantit que je pourrai partir. Si je pars, je vous raconterai, sinon, je n'aurai rien à raconter.

Le typhon passé, le soleil est revenu cogner dur. Puisque je m'étais mis en congé, autant essayer d'en profiter, et j'ai enfourché mon vélo. J'ai refait la balade que j'avais faite il y a trois ans, jusqu'à la baie de Tōkyō. C'est toujours aussi sympa et terriblement éprouvant. Mais malgré le plaisir de pédaler, je ne pouvais me défaire d'une certaine amertume en songeant à mes vacances escamotées.
J'aurais tellement, tellement aimé m'échapper. Mais non, pas le choix. Pas toujours de la chance.
Alors on danse.
Mais ça, ce sera pour un prochain billet.

Il y a quelque chose que je n'aimais pas du tout en France, c'est que je trouvais que l'été ressemblait au printemps, et que le printemps ressemblait à l'hiver, et que l'hiver ressemblait à l'automne. Au Japon, les saisons sont si marquées que le temps qui fait nous fait sensiblement éprouver le temps qui passe. Une vie, une seule.

Vous vous souvenez de votre oncle ou du cousin de votre grand-père, qui revenait d'un voyage à Jakarta ou à Chicago, quand vous étiez petits ? On fermait les rideaux et il nous faisait une soirée diapo. Un pêle-mêle un peu foireux comme ça, c'est ce que je vous propose de découvrir ici.