jeudi 29 août 2019

Pourquoi j'aime l'été...

Y'a pas, ma saison préférée au Japon, c'est l'été, définitivement. Et ce pour un tas de raisons.
D'abord, en été, il y a des vacances. Ça a l'air bête dit comme ça, mais je vous jure que quand on vit - et surtout travaille - au Japon, les vacances, c'est important ! Il y a une grosse pression dans le monde professionnel, des horaires à rallonge, et une relation avec la hiérarchie pas toujours évidente... Bref, le besoin de se reposer et de se changer les idées, c'est vital, au sens littéral du terme (à ma connaissance, le karôshi, la mort par excès de travail, n'existe qu'au Pays du Soleil Levant). Par ailleurs, j'ai bien conscience d'être privilégié, puisque comme je travaille dans l'éducation, je bénéficie du repos des élèves. Même si je suis présent à l'école pendant une partie des vacances d'été, j'ai bien plus de congés qu'un employé d'une entreprise lambda.
Les vacances, c'est indispensable pour se reposer, et puis ça permet aussi de faire des choses qu'on n'a pas le temps de faire normalement pendant un weekend d'un jour et demi (parfois moins). En plus, cette année, mon neveu est venu visiter le Japon, on a donc pu faire plein d'activités ensemble. Et puis comme toujours quand j'ai de la visite, son regard neuf sur mon pays d'adoption m'a donné l'occasion de prendre du recul sur la culture que j'intègre progressivement depuis plus de trois ans.
La première chose à faire pour se détendre, c'est d'aller passer la nuit dans un ryôkan et de se prélasser dans un onsen. Après mes deux jours à Ikaho avec ma chère et tendre (voir les trois billets correspondants), j'ai emmené mon neveu à Shiobara. Je m'y étais rendu il y a un an et demi, et ça m'a fait tout drôle de reconnaitre la ville et le paysage. Grâce à la présence de mon neveu, je me suis rendu compte à quel point j'avais fini par m'habituer à la cuisine traditionnelle japonaise. C'est vrai que la première fois, le poisson et la soupe de légumes au petit-déjeuner, ça ne m'avait pas vraiment ravi, mais maintenant j'avale tout ça avec délectation. Mon neveu, lui, a eu beaucoup de mal, surtout avec le nattô (haricots de soja fermentés). Ça m'a rappelé mes débuts dans la gastronomie japonaise ! Je reconnais, le nattô, c'est pointu.
L'été, c'est aussi l'occasion de prendre son temps et d'aller voir des installations artistiques, comme cette sublime expo teamLab, ou encore ce jardin de brume et de lumière. Deux moments magiques.









L'été, c'est la saison des matsuri et du bon-odori. Dans la rue, dans le métro, on croise sans cesse des gens, jeunes ou moins jeunes, garçons et filles, vêtus de yukata (kimonos légers), magnifique. La vue de la moindre tenue traditionnelle continue de m'enchanter, et je ne suis pas près de m'en lasser. Cette année, je suis à nouveau allé danser le bon-odori. Je ne suis encore que débutant, et il me reste beaucoup de chorégraphies à apprendre, mais je me sens de plus en plus plus à l'aise. En outre, il y a peu d'Occidentaux dans les petits matsuri que je fréquente, alors forcément, on me remarque, et on loue régulièrement mes (soi-disant) talents de danseur ! Même si ces compliments sont à relativiser, ça fait toujours plaisir. Allez, on me l'a réclamé l'année dernière, voici donc une vidéo de votre humble serviteur en train de danser le bon-odori.
Et encore quelques images, pour le plaisir, parce que le bon-odori, c'est très beau.
D'ailleurs, je me demandais un peu ce qu'un Occidental, pas forcément grand connaisseur de la culture nippone, pouvait penser à la vue d'un tel festival. Réponse de mon neveu : "c'est émouvant". Oui, je suis bien d'accord, la vivacité avec laquelle cette tradition se perpétue est émouvante.
L'été, c'est la saison des feux d'artifices. Celui de Nagareyama est assez réputé, mais je n'avais jamais eu l'occasion de m'y rendre. Quand on voit la foule sur place, les milliers et les milliers de personnes qui se rassemblent au bord de la rivière, en yukata pour beaucoup d'entre elles, on comprend aussitôt qu'en effet, ce rendez-vous est très couru. Il faut dire que la réalité du feu d'artifice est à la hauteur de sa renommée. Tous ces gens en tenue traditionnelle qui lèvent les yeux au ciel comme des enfants, ça aussi, je trouve ça émouvant.
J'aime l'été aussi parce que j'aime la mer, j'aime la plage, j'aime nager. Je nourrissais depuis longtemps l'envie de visiter les iles au large de Tôkyô, c'est chose faite avec Niijima, tous les détails sont ici. Découverte tellement exaltante qu'aussitôt rayée de ma liste des choses à faire au Japon, cette visite a trouvé sa place dans la liste des choses à refaire. C'est un puits sans fond !
L'été, j'aime écouter les cigales, semi ou higurashi. J'ai si souvent entendu ce chant particulier dans les dessins animés dont je faisais le doublage que ce son est pour moi emblématique du Japon. L'été, on croise également des papillons noirs gros comme des moineaux. On peut encore apercevoir des geckos, je n'en avais pas souvent vu, avant.
L'été, c'est la saison des obakeyashiki, ces sortes de maison hantée qu'on visite à pied. On vous raconte une histoire effrayante, puis on vous plonge dans un décor extrêmement soigné et délicieusement oppressant. La moindre surprise vous fait sursauter et pousser des cris d'effroi, vos jambes ont du mal à vous porter et votre cœur n'en finit pas de s'emballer. Ça faisait longtemps que je n'étais pas allé dans une obakeyashiki, la visite de mon neveu était la bonne occasion. Comme je suis très courageux, je l'ai poussé devant : "Non, vas-y toi, c'est la première fois, faut que tu en profites pleinement, moi je connais bien, déjà. T'inquiète, je couvre les arrières." Du coup, il a parcouru tout le circuit avec les mains en œillères. Pas sympa, le tonton. N'empêche, devant ou derrière, on a tous bien fait monter notre taux d'adrénaline.
La tradition de la obekeyashiki, c'est lié au fait qu'en été, les Japonais aiment se raconter des histoires qui font peur, parce qu'on dit que les frissons rafraichissent. Moi je trouve que ça marche pas trop : quand on ressort de là, on se tape une grosse suée, je vois pas en quoi les bouffées de chaleur rafraichissent. Mais peu importe, moi j'adore la chaleur.
Parce que si j'aime l'été, enfin, c'est parce qu'il fait super chaud. L'air n'est pas le même qu'en France, même quand il y a des canicules comme vous avez eu cet été. Ici, le climat est presque tropical, la chaleur humide vous écrase, vous étouffe. Si j'adore à ce point l'été au Japon, c'est peut-être parce que l'ambiance qui y règne est aux antipodes de celle de ma Normandie natale. C'est pour moi l'exotisme absolu.

samedi 24 août 2019

Niijima

Au sud de la capitale, il existe plusieurs petites iles qui sont administrativement rattachées à la municipalité de Tôkyô (bon, OK, Tokyô n'est pas à proprement parler une "municipalité" mais on ne va pas chipoter sur les définitions). L'une d'elle s'appelle Niijima, ce qui signifie littéralement la nouvelle ile. Je m'y suis rendu cet été en compagnie de mon neveu, en vacances au Japon, et de ma chère et tendre.
Le voyage commence de bonne heure dans le port de la capitale. On embarque dans un jetfoil, ces bateaux munis de sortes d'ailes au niveau de la coque, ce qui leur permet de planer au-dessus de l'eau quand ils atteignent une certaine vitesse. De l'extérieur, c'est impressionnant, mais de l'intérieur, on ne sent rien de spécial. Ces bateaux vont très vite et sont très stables, même par mer agitée. D'autres transports sont possibles pour effectuer le trajet : on peut prendre un petit avion par exemple, mais évidemment ça coute cher, ou encore un grand navire qui met huit heures - toute la nuit - pour relier la ville à l'ile. Economique mais pas confortable.
C'est donc à 80 km/h qu'on quitte la baie de Tôkyô. Un peu plus de 2h30 plus tard, on débarque dans le petit port de Niijima village. A 10h du matin, la chaleur est déjà accablante. Le personnel de tous les ryôkan environnant est présent sur le quai pour accueillir les arrivants, avec entre les mains une pancarte au nom de leur établissement. On repère le sien, on se présente, et on nous conduit en voiture jusqu'aux hébergements.
Une fois ses quartiers pris, on peut partir à la découverte des lieux, et pour ça, rien de mieux que le vélo. Aucune difficulté pour trouver un loueur, il y en a partout. Par contre, il ne faut pas s'attendre au luxe de Naoshima : ici, pas de vélo à moteur, seulement des vieux biclous tout rouillés, sans vitesse. Ou alors, on est tombés sur la pire boutique de l'ile ! Mais peu importe, ça roule et ça suffit largement. Même si Niijima est composée de montagnes à pic, les routes ne s'aventurent pas vers les sommets, et les côtes ne requièrent aucun dopage.
Bien que nous soyons en plein mois d'aout, la pleine saison est passée, et les touristes ne sont pas nombreux. Quel calme, partout ! Dès que la plage apparait, on abandonne son vélo sur un trottoir, sans l'attacher (où un éventuel voleur pourrait-il emmener un vélo sur une ile aussi petite ?! Et puis ici, on ne balance pas les deux-roues dans la mer, comme dans certaines villes de France), et hop, on court se jeter à l'eau ! Bien chaude, l'eau, et super propre. Pas un plastique, pas un papier... Après une bonne trempette, on reprend sa balade.
Une des caractéristiques de Niijima, c'est la pierre dont sont constitués les sols. De cette pierre, la rhyolite, les sculpteurs édifient des statues massives, les moyai ("se réunir" en dialecte local), en clin d’œil aux moaï de l'Ile de Pâques. Ces abondantes sculptures sont disséminées un peu partout dans l'ile, ce qui en fait une sorte de musée à ciel ouvert. Je ne crois pas que ces moyai soient très anciens, et comme souvent dans l'art contemporain, il y en a pour tous les gouts.
La rhyolite est également utilisée pour fabriquer du verre, raison pour laquelle Niijima est devenue un centre de verrerie international. Les plus grands souffleurs de verre de la planète se retrouvent ici tous les ans lors d'un festival de renommée mondiale. On peut d'ailleurs visiter le petit musée de la verrerie (le Niijima Glass Art Center), qui expose certaines des œuvres produites lors de ces rencontres. Même quand, comme moi, on n'y connait rien en verrerie, le résultat est souvent époustouflant. La verrerie est une des fiertés de l'ile, à tel point que les bornes qui jalonnent le bord des routes sont en verre. Je crois que certains jours, on peut participer à des ateliers de soufflage du verre dans le bâtiment à côté du musée, j'aurais bien aimé essayer.
On trouve aussi à Niijima un onsen tout à fait particulier. A ciel ouvert, mixte, gratuit, ouvert 24h/24, c'est déjà inédit, mais surtout, le décor de ce onsen représente une espèce de temple grec en ruine totalement improbable en plein océan Pacifique ! Et puis bien sûr, un moyai trône dignement au milieu de ce temple. Surréaliste.
De l'autre côté de l'ile, sur la côte est, c'est la plage de Habushiura. On aurait du mal à définir la couleur du sable. De loin, il semble blanc, mais de près, il apparait noir, volcanique. La mer, elle, est bleu piscine, comme sur les cartes postales. Toujours est-il que cette plage est un spot réputé de surf. Sachant ceci, je m'attendais à trouver des loueurs et des boutiques spécialisées tout le long du littoral, mais rien ! J'ai bien aperçu une boutique au bord de la route, juste avant d'arriver à la plage, mais elle était fermée (ou alors c'est parce que c'était l'heure du déjeuner). Il y a pourtant pas mal de magasins qui louent le matériel nécessaire dans le village, mais contrairement à ce que j'imaginais pour un spot si célèbre, le business du surf n'a pas tourné à l'hystérie commerciale. Le rivage est donc intact. Je m'en réjouis, même si du coup, je n'ai pas pu m'adonner à mon nouveau loisir.

C'est vrai qu'il y a de belles vagues sur cette plage, et même sans surf, je ne me suis pas privé de jouer dans les rouleaux comme si j'avais 15 ans. Avec si peu de monde à surveiller, le maitre-nageur-sauveteur, coiffé de son joli bonnet de bain jaune et rouge, se fait un peu chier du haut de son poste d'observation. C'est un peu par principe, histoire de s'occuper, qu'il descend dans l'eau et nous demande de ne pas trop nous éloigner de la plage. Et puis tant qu'à faire, puisqu'il y est, voilà que lui aussi se met à jouer dans les rouleaux ! Et comme nous, il se met à essayer de surfer - à la nage - les plus grosses vagues ! C'est bien la première fois de ma vie que je m'amuse aux côtés d'un maitre-nageur !
C'est une des choses qui m'a marqué à Niijima : ici, les gens sont incroyablement chaleureux et accueillants. Entre la petite vieille à qui on a acheté des glaces, qui, quand elle a appris que j'étais français, toute contente, m'a parlé d'Yves Montand et d'Alain Delon, le loueur de vélo qui ne nous a demandé aucun papier d'identité et qui nous a loué ses vélos un peu comme on les prêterait à un copain, l'employé du musée de la verrerie qui nous a abreuvé d'explications à n'en plus finir (le bonheur de ne pas comprendre le japonais - ou de pouvoir faire semblant ! La détresse dans les yeux de ma chérie !), et ce maitre-nageur qui lui aussi semblait revivre ses 15 ans, je garde un merveilleux souvenir de mon passage sur cette ile. J'en suis revenu enchanté et cramé de coups de soleil. Un parfum de paradis.

lundi 5 août 2019

Ikaho - 3 : Hawaï !

A Ikaho, un petit musée explique le lien particulier qui unit la ville à Hawaï, cet archipel américain situé en Polynésie. Je n'ai pas tout compris, mais voici l'histoire, en gros.
Au 19ème siècle, un homme d'affaire américain de Hawaï nommé Robert Walker Irwin a débarqué au Japon et a eu un coup de foudre pour Ikaho et pour une de ses habitantes, Iki Takechi. Son mariage est connu pour être le premier mariage officiel entre une Japonaise et un non-Japonais. Robert s'est donc établi là, et a fortement contribué au développement de la région, en y ouvrant en particulier une école, et en y laissant une abondante descendance. Depuis, Ikaho reste liée à Hawaï, et organise tous les ans un festival hawaïen. Et gros coup de chance pour moi, l'édition de cette année s'est déroulée pile-poil au moment de ma visite.
Pendant trois jours, toute la ville vit donc aux couleurs de Hawaï. L'essentiel des animations se déroule sur une scène installée en bas du grand escalier, artère principale de la vieille ville. J'ai vu défiler quelques groupes de danses traditionnelles (hula) et de musique (ukulele), mais je suppose, vu l'importance de ce festival, qu'on doit pouvoir assister à d'autres formes de spectacle. On trouve aussi en ville une scène ouverte où, tandis que l'orchestre joue, le passant peut venir faire profiter l'assistance de ses talents de danseur, l'ambiance est bon enfant mais il vaut quand même mieux être sacrément sûr de soi. On peut encore s'installer à un ashi-yu (un onsen pour les pieds, sorte de pédiluve thermal) tout en écoutant un petit concert de chansons hawaïennes. Bref, pour moi qui étais venu profiter des onsen, ce festival fut comme un voyage à l'intérieur du voyage.
Hawaï est une destination très prisée des Japonais. Ils sont nombreux à y aller en vacances, ou bien carrément pour le travail. Ne connaissant pas les territoires d'outre-mer français (même si certains ont entendu parler de Tahiti), Hawaï demeure la principale image qu'ils ont de la Polynésie, c'est-à-dire du stéréotype du paradis terrestre (au Japon comme en France, on rêve de cocotiers, de sable blanc et de mer transparente...). On trouve facilement à Tôkyô des clubs de danse hula pour les femmes et même pour les petites filles. Les danses masculines en revanche ne semblent pas du tout implantées au Japon, je n'en ai en tout cas jamais entendu parler. Il y a également quelques chaines de restaurants hawaïens, même si j'ai quelques doutes concernant l'authenticité de la cuisine (les hamburgers sont-ils vraiment une spécialité hawaïenne ?!). Bref, les Japonais savent très bien tirer profit d'un patrimoine qui n'a pourtant rien à voir avec leur propre culture, alors qu'en France, le patrimoine de la Polynésie française - pourtant partie intégrante de notre diversité, dans les discours en tout cas - est loin de faire l'objet d'une telle mise en valeur.
Quand, en assistant au festival hawaïen, on songe à la richesse de la culture polynésienne, on se dit que c'est bien dommage.

dimanche 4 août 2019

Ikaho - 2 : les activités

D'ordinaire, dans les petites villes où on trouve des onsen, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que... d'aller au onsen. Mise à part Hakone, riche en musées, les autres stations thermales où j'ai pu me rendre n'offraient pas beaucoup d'activités. A Ikaho, c'est différent. Je n'ai visité que le centre-ville historique, mais force est de constater que le tourisme a su se développer en proposant diverses animations. Entre deux bains, on ne risque pas de s'ennuyer ! Voici deux exemples.
Le shateki, c'est le tir à la carabine. Une carabine en plastique, des bouchons en liège, on doit faire tomber les lots pour les gagner, un jeu typique des matsuri. Les enfants adorent, les adultes s'y adonnent avec plaisir aussi. Je n'avais jamais vu ce jeu en dehors des matsuri, mais à Ikaho, on trouve plusieurs stands de shateki le long de l'allée centrale (qui par ailleurs est constituée d'un escalier de 365 marches !). Quand je parle de stands, il ne s'agit pas de guérites temporaires comme dans les matsuri mais bien de boutiques en dur. Shateki, et même fléchettes, lancer d'anneaux, lancer de shuriken (les étoiles métalliques des ninja !), tir à l'arc (de vrais arcs)... Les lots ne payent pas de mine, des jouets bon marché en général, c'est ce qui m'a fait passer devant les stands un certain nombre de fois sans y prêter attention. Puis tout de même, piqué par la curiosité, je me suis lancé. Et j'ai très vite compris : l'intérêt de ces attractions ne réside pas dans ce qu'on y gagne, mais dans le simple plaisir d'essayer. On se prend immédiatement au jeu, on s'excite, on recommence, on a envie de gagner... Et quand on réussit, on se retrouve tout content de remporter un pistolet à fléchettes à ventouses ou de minables hélices à faire voler ! Une vraie joie régressive, de la bonne humeur pas chère, à ne pas manquer !
Dans un autre genre, un tout autre genre, ma chère et tendre et moi avons trouvé par hasard une boutique/atelier qui propose des travaux manuels : fabriquer des bougies, ocarinas à décorer, barres aromatiques... Kumiko a opté pour un herbarium et moi pour de la pyrogravure.
J'ai adoré me concentrer sur cette activité, mais le problème, c'est que je n'avais pas du tout réfléchi préalablement à un quelconque motif, et en manque d'inspiration, j'ai pondu une grosse bouse sur ma petite cuillère en bois. Il parait que j'avais bien saisi la technique, il ne me manquait plus que le talent. Mais pas grave, j'étais content quand même. Par contre, l'herbarium de Kumiko était super beau ! J'en aurais bien fait un aussi, mais il n'y avait plus de cannelle, alors là encore j'aurais été en manque d'inspiration, donc quitte à faire de la crotte, autant que ça coute moins cher.
Si on ajoute à ces activités les balades dans la nature (attention aux ours et aux sangliers !) ou les visites de temples, les fleurs, les papillons, et toutes les beautés que le Japon rural révèle à qui sait regarder, vous comprendrez que je n'ai pas vu le temps passer lors de mon séjour à Ikaho.

vendredi 2 août 2019

Ikaho - 1 : les onsen

Ceux qui connaissent bien ma vie personnelle savent à quel point j'attendais ces vacances, et à quel point j'avais besoin de me reposer et de me détendre. J'ai réservé deux nuits dans un hôtel à Ikaho, petite ville rattachée à la municipalité de Shibukawa, dans la province de Gunma, à une centaine de kilomètres de la capitale. Ce séjour m'a fait le plus grand bien, et je vais vous raconter pourquoi en trois volets. Le premier émerveillement de Ikaho, ça été les onsen de l'hôtel...
L'hôtel en question n'était pas un ryôkan, mais les chambres "à la japonaise" offraient le même type de confort. De plus, la riche verdure environnante participait déjà, rien qu'en y perdant son regard, à la relaxation : à peine arrivé, on respire à pleins poumons, on s'imprègne... Ikaho est située en zone montagneuse, et si les volcans sont aujourd'hui éteints, les sources d'eau chaude restent abondantes et particulièrement riches en fer. L'hôtel disposait de différents bains, dont je ne me suis pas privé de jouir les uns après les autres.

Le "grand bain" est un onsen classique, non-mixte, avec un bassin intérieur, de petites alcôves pour faire sa toilette, et un rotenburo (bassin extérieur) avec vue directe sur les arbres. Quel plaisir, le matin de bonne heure, quand il n'y a personne ou presque, que de commencer sa journée dans un tel cadre !
L'hôtel possède également plusieurs petits bains intérieurs privatifs, c'est-à-dire destinés aux couples ou aux familles, voire aux célibataires qui désirent s'isoler. Ce type de bains, j'en ai connu des plus confortables et mieux équipés ailleurs, cependant loin de moi l'idée de bouder mon plaisir.
Mais le plus de cet hôtel, ce sont les deux rotenburo privatifs. Il faut réserver à l'avance pour pouvoir y accéder, et j'ai eu la bonne idée de demander la plage horaire du soir, juste après le diner. Au Japon, le bain est avant tout un lieu de détente, il s'agit davantage d'hygiène mentale que d'hygiène corporelle, ou plutôt pourrait-on dire que l'une ne va pas sans l'autre. Dans le bain, on ne se lave pas de sa crasse mais de ses fardeaux. Et pour avancer dans cette voie, on peut s'appuyer sur un décor invitant au zen (au sens occidental du terme) et à la méditation, au recueillement et au lâcher-prise. Difficile de décrire les sensations qui naissent en vous lorsqu'on se trouve plongé, littéralement, dans un bain de beauté. Le bois détrempé par la pluie du matin ne faisait qu'ajouter au charme du lieu, transformant la terrasse en miroir naturel, et les roches semblaient d'or. Comme toujours, les photos ne vous donneront qu'un aperçu, c'est évidemment le type d'expérience qu'il faut vivre avec tout son corps pour l'appréhender pleinement.
Voulant gouter à tous les plaisirs, le lendemain soir, j'ai réservé le deuxième rotenburo, curieux de voir quelle surprise il me réserverait, après l'enchantement du premier. Mais pendant le diner, un violent orage a éclaté. Qu'à cela ne tienne, bien qu'en extérieur, l'espace du bain est abrité, et il m'en aurait fallu plus pour annuler. Je n'ai pas regretté : quelle merveille que cette terrasse battue par les trombes et illuminée par le ciel électrique ! Quelle profondeur que ce bruit de pluie lourde, claquant puis glissant sur le bois. Quel luxe que ce spectacle contemplé sans un mot depuis le bain chaud.
Par ailleurs, afin de parachever mon impérieuse nécessité de me ressourcer et de mettre de côté mes petits tracas, je me suis offert un soin dans le centre esthétique de l'hôtel : massage du corps et du visage, hammam, soin de la peau... L'objectif était de décrocher des tensions de la vie tokyoïte : mission réussie.
Je vous raconterai bientôt les autres bonheurs glanés à Ikaho.