samedi 24 août 2019

Niijima

Au sud de la capitale, il existe plusieurs petites iles qui sont administrativement rattachées à la municipalité de Tôkyô (bon, OK, Tokyô n'est pas à proprement parler une "municipalité" mais on ne va pas chipoter sur les définitions). L'une d'elle s'appelle Niijima, ce qui signifie littéralement la nouvelle ile. Je m'y suis rendu cet été en compagnie de mon neveu, en vacances au Japon, et de ma chère et tendre.
Le voyage commence de bonne heure dans le port de la capitale. On embarque dans un jetfoil, ces bateaux munis de sortes d'ailes au niveau de la coque, ce qui leur permet de planer au-dessus de l'eau quand ils atteignent une certaine vitesse. De l'extérieur, c'est impressionnant, mais de l'intérieur, on ne sent rien de spécial. Ces bateaux vont très vite et sont très stables, même par mer agitée. D'autres transports sont possibles pour effectuer le trajet : on peut prendre un petit avion par exemple, mais évidemment ça coute cher, ou encore un grand navire qui met huit heures - toute la nuit - pour relier la ville à l'ile. Economique mais pas confortable.
C'est donc à 80 km/h qu'on quitte la baie de Tôkyô. Un peu plus de 2h30 plus tard, on débarque dans le petit port de Niijima village. A 10h du matin, la chaleur est déjà accablante. Le personnel de tous les ryôkan environnant est présent sur le quai pour accueillir les arrivants, avec entre les mains une pancarte au nom de leur établissement. On repère le sien, on se présente, et on nous conduit en voiture jusqu'aux hébergements.
Une fois ses quartiers pris, on peut partir à la découverte des lieux, et pour ça, rien de mieux que le vélo. Aucune difficulté pour trouver un loueur, il y en a partout. Par contre, il ne faut pas s'attendre au luxe de Naoshima : ici, pas de vélo à moteur, seulement des vieux biclous tout rouillés, sans vitesse. Ou alors, on est tombés sur la pire boutique de l'ile ! Mais peu importe, ça roule et ça suffit largement. Même si Niijima est composée de montagnes à pic, les routes ne s'aventurent pas vers les sommets, et les côtes ne requièrent aucun dopage.
Bien que nous soyons en plein mois d'aout, la pleine saison est passée, et les touristes ne sont pas nombreux. Quel calme, partout ! Dès que la plage apparait, on abandonne son vélo sur un trottoir, sans l'attacher (où un éventuel voleur pourrait-il emmener un vélo sur une ile aussi petite ?! Et puis ici, on ne balance pas les deux-roues dans la mer, comme dans certaines villes de France), et hop, on court se jeter à l'eau ! Bien chaude, l'eau, et super propre. Pas un plastique, pas un papier... Après une bonne trempette, on reprend sa balade.
Une des caractéristiques de Niijima, c'est la pierre dont sont constitués les sols. De cette pierre, la rhyolite, les sculpteurs édifient des statues massives, les moyai ("se réunir" en dialecte local), en clin d’œil aux moaï de l'Ile de Pâques. Ces abondantes sculptures sont disséminées un peu partout dans l'ile, ce qui en fait une sorte de musée à ciel ouvert. Je ne crois pas que ces moyai soient très anciens, et comme souvent dans l'art contemporain, il y en a pour tous les gouts.
La rhyolite est également utilisée pour fabriquer du verre, raison pour laquelle Niijima est devenue un centre de verrerie international. Les plus grands souffleurs de verre de la planète se retrouvent ici tous les ans lors d'un festival de renommée mondiale. On peut d'ailleurs visiter le petit musée de la verrerie (le Niijima Glass Art Center), qui expose certaines des œuvres produites lors de ces rencontres. Même quand, comme moi, on n'y connait rien en verrerie, le résultat est souvent époustouflant. La verrerie est une des fiertés de l'ile, à tel point que les bornes qui jalonnent le bord des routes sont en verre. Je crois que certains jours, on peut participer à des ateliers de soufflage du verre dans le bâtiment à côté du musée, j'aurais bien aimé essayer.
On trouve aussi à Niijima un onsen tout à fait particulier. A ciel ouvert, mixte, gratuit, ouvert 24h/24, c'est déjà inédit, mais surtout, le décor de ce onsen représente une espèce de temple grec en ruine totalement improbable en plein océan Pacifique ! Et puis bien sûr, un moyai trône dignement au milieu de ce temple. Surréaliste.
De l'autre côté de l'ile, sur la côte est, c'est la plage de Habushiura. On aurait du mal à définir la couleur du sable. De loin, il semble blanc, mais de près, il apparait noir, volcanique. La mer, elle, est bleu piscine, comme sur les cartes postales. Toujours est-il que cette plage est un spot réputé de surf. Sachant ceci, je m'attendais à trouver des loueurs et des boutiques spécialisées tout le long du littoral, mais rien ! J'ai bien aperçu une boutique au bord de la route, juste avant d'arriver à la plage, mais elle était fermée (ou alors c'est parce que c'était l'heure du déjeuner). Il y a pourtant pas mal de magasins qui louent le matériel nécessaire dans le village, mais contrairement à ce que j'imaginais pour un spot si célèbre, le business du surf n'a pas tourné à l'hystérie commerciale. Le rivage est donc intact. Je m'en réjouis, même si du coup, je n'ai pas pu m'adonner à mon nouveau loisir.

C'est vrai qu'il y a de belles vagues sur cette plage, et même sans surf, je ne me suis pas privé de jouer dans les rouleaux comme si j'avais 15 ans. Avec si peu de monde à surveiller, le maitre-nageur-sauveteur, coiffé de son joli bonnet de bain jaune et rouge, se fait un peu chier du haut de son poste d'observation. C'est un peu par principe, histoire de s'occuper, qu'il descend dans l'eau et nous demande de ne pas trop nous éloigner de la plage. Et puis tant qu'à faire, puisqu'il y est, voilà que lui aussi se met à jouer dans les rouleaux ! Et comme nous, il se met à essayer de surfer - à la nage - les plus grosses vagues ! C'est bien la première fois de ma vie que je m'amuse aux côtés d'un maitre-nageur !
C'est une des choses qui m'a marqué à Niijima : ici, les gens sont incroyablement chaleureux et accueillants. Entre la petite vieille à qui on a acheté des glaces, qui, quand elle a appris que j'étais français, toute contente, m'a parlé d'Yves Montand et d'Alain Delon, le loueur de vélo qui ne nous a demandé aucun papier d'identité et qui nous a loué ses vélos un peu comme on les prêterait à un copain, l'employé du musée de la verrerie qui nous a abreuvé d'explications à n'en plus finir (le bonheur de ne pas comprendre le japonais - ou de pouvoir faire semblant ! La détresse dans les yeux de ma chérie !), et ce maitre-nageur qui lui aussi semblait revivre ses 15 ans, je garde un merveilleux souvenir de mon passage sur cette ile. J'en suis revenu enchanté et cramé de coups de soleil. Un parfum de paradis.

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