Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous savez à quel point j'aime marcher en montagne. Et depuis qu'on a coupé les arbres devant chez moi, mon besoin de nature se faisait encore plus pressant, ces derniers temps. Je suis donc reparti faire le plein de verdure.
Depuis longtemps, j'avais repéré un endroit qui me tentait beaucoup, les gorges de Nishizawa (qu'on appelle aussi la vallée de Nishizawa). Pour une fois, ce ne sont pas les restrictions liées au coronavirus qui ont retardé le projet de m'y rendre, mais le fait que des glissements de terrain avaient rendu le sentier totalement impraticable. J'ai donc patienté, en surveillant régulièrement l'avancée des travaux de rénovation. Ensuite, il m'a encore fallu faire coïncider un jour de beau temps avec un jour où je n'avais pas de cours, ce qui, en ce début de saison des pluies devient de moins en moins évident. Dès qu'une fenêtre s'est ouverte, je me suis précipité.
Il faut vraiment être motivé pour se rendre là-bas. Debout à 4h30, presque trois heures de train jusqu'à la gare de Yamanashi-shi, puis encore une heure de bus à travers la campagne. C'est qu'il ne faut pas le rater, le bus, parce qu'il n'y en a que quatre ou cinq par jour ! Dans le bus, à part moi, seulement trois ou quatre retraités (japonais, cela va de soi, peu d'étrangers se rendent jusqu'à Nishizawa), tous équipés de bonnes chaussures de rando, comme moi.
Enfin on arrive au parking qui marque l'entrée du sentier.
Et c'est parti.
Et là, en fait, je n'ai plus grand-chose à vous dire.
On met un pied devant l'autre et on respire bien fort, c'est tout.
Quand l'air de la montagne, bien plus frais que celui de la capitale, pénètre vos poumons, on a le sentiment de se nettoyer de l'intérieur. L'humidité est vivifiante. Une promenade en forêt, au Japon, on appelle ça un "bain de forêt", et c'est une thérapie recommandée pour conserver une bonne santé. Pour moi, c'est aussi une question d'hygiène mentale.
Le sentier longe une rivière où les cascades se succèdent les unes aux autres. Le brouhaha des remous ne vous quitte pas, comme un impétueux manifeste du torrent célébrant l'indompté. Le chemin est étroit, parfois abrupt, on glisse sur les rochers, on patauge dans la gadoue. Certains passages ne peuvent se franchir qu'à l'aide d'une échelle, on progresse de tout son corps. Oui, on peut le dire : plus c'est dur plus c'est bon !
Les travaux ne sont pas encore terminés, et au bout du chemin, la dernière cascade, la plus belle parait-il, est toujours inaccessible. Je le savais avant de venir, mais je me suis suffisamment rechargé d'essentiel pour ne pas me sentir frustré.
La redescente est vraiment pépère, on voudrait même souffrir un peu plus. Quand le soleil se met à chauffer les arbres, les cigales entonnent un chant dans lequel j'entends à la fois la puissance et la fragilité de notre planète. Sa beauté, aussi.
Je me trouve une vieille gargote sombre et déserte pour me régaler d'une soupe de sobas et tempuras bien méritée, en attendant le bus du retour. Bus dans lequel je suis seul, cette fois, tout le long du trajet. Étrange atmosphère. Un singe traverse la route. Pour les Japonais, c'est aussi banal que, pour nous, de voir un lapin. Pour moi, ça reste extraordinaire.
Je rentre chez moi en poussant un gros "ah, ça fait du bien !" et je m'effondre comme une masse sur mon lit, en rêvant déjà de retourner là-bas quand les travaux seront finis, pour pouvoir marcher jusqu'au bout du chemin.
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