Je viens de
France, je suis au Japon, nous vivons tous sur Terre. La seule
planète habitable dans tout l'univers connu. Mais plus si habitable
que ça, très bientôt.
Si
vous ignorez à quel point l'état de notre maison commune
m'inquiète, vous pouvez lire ou relire ce billet, ce sera plus facile de comprendre de quoi je vais vous
parler aujourd'hui. Vous pouvez aussi consulter l'article
de mes huit ans au Japon, j'y fais également allusion. Je vous
préviens : cette fois encore, je vais faire long. Alors
installez-vous et prenez le temps de me lire, s'il vous plait.
Parce que voilà
: j'ai écrit au maire de Nagareyama. Suite à la dévastation du
paysage devant mes fenêtres, je ne pouvais pas rester muet. Voici la
lettre que je lui ai adressée.
Monsieur le
maire,
Je vous
félicite pour votre travail acharné dans notre municipalité depuis
tant d'années. Je sais que vous êtes particulièrement concerné
par les questions environnementales, et que vous ambitionnez de faire
de Nagareyama une cité où la nature aurait toute sa place.
J'habite à
Nagareyama depuis 7 années, et à l'époque où je me suis installé,
j'ai été très heureux de découvrir cette ville charmante, si
proche de Tôkyô et qui avait pourtant su garder un caractère rural
que j'appréciais particulièrement.
Cependant, au
cours de ces années, j'ai vu de nombreux changements apparaitre, et
cela commence à m'inquiéter sérieusement.
En effet, je
constate que les espaces verts se réduisent à une vitesse
vertigineuse, laissant la place à des maisons individuelles. Par
exemple, le petit bois situé juste en face de la poste principale a
récemment totalement disparu. Quant au bois en face de chez moi, à
Edogawadai, il est à présent remplacé par un lotissement. Je
suppose que vous autorisez la destruction de la nature au nom du
développement, mais quel développement souhaitez-vous ?
L'économie qui nous a apporté tant de confort hier est la même
économie qui nous fera tous souffrir demain. Le monde a changé, et
nous ne pouvons plus continuer dans la même direction. Il est à
présent nécessaire de prendre en compte les nouvelles réalités et
de préparer la ville aux bouleversements qui s'annoncent. Il existe
de nombreuses mesures à prendre pour adapter les zones urbaines au
changement climatique, comment pouvez-vous, en tant que maire, les
ignorer ? Par exemple, tous les experts s'accordent sur le fait
qu'il est indispensable de préserver un maximum de végétation afin
de créer des ilots de fraicheur, qui permettent d'absorber une
partie de la chaleur lors des épisodes caniculaires. Pourquoi
autorisez-vous à couper autant d'arbres dans votre municipalité ?
Autre exemple : tous les bâtiments devraient être munis de
toits blancs, afin de repousser une partie des rayons solaires.
Pourquoi autorisez-vous la construction de bâtiments au toit noir ?
Les maisons individuelles sont extrêmement énergivores, alors
quitte à bâtir des logements, pourquoi ne pas construire des
immeubles, beaucoup plus économiques ? Ou bien encore, pourquoi
ne pas rénover les maisons déjà existantes ? La demande du
public ne peut pas être invoquée : il existe des lois pour
nous protéger, et en tant qu'élu municipal, votre devoir est de
mettre en place une réglementation qui interdise à certains de
s'accaparer l'air que nous respirons tous.
La nature,
que vous avez autrefois tant chérie et respectée, s'efface de nos
paysages. Je me souviens par exemple des lapins que je voyais
traverser nos rues : il n'y en a plus un seul. La biodiversité
est en danger, vous le savez, et avec elle, c'est l'espèce humaine
elle-même qui est menacée, comme l'a à plusieurs reprises souligné
António Guterres, le secrétaire général des Nations Unies.
Je le
répète : le monde a changé. Que comptez-vous faire pour
adapter la ville à notre nouvelle époque ? Avez-vous
l'intention de persister dans une politique qui appartient au passé,
qui privilégie l'économie au vivant ?
Je vous pose
des questions précises, et j'espère que vous saurez m'apporter des
réponses précises.
Je vous prie
d'agréer, monsieur le maire, mes salutations les plus respectueuses.
Sur le site de
la mairie, il est inscrit que le maire s'engage à répondre à
toutes les lettres qui lui seront adressées. J'attendais donc sa
réponse avec impatience. Voici ce que j'ai reçu, quelques jours
plus tard (ma traduction, avec l'aide de Google Translate).
Monsieur
Torréton,
J'ai bien lu
votre lettre.
Merci pour
votre retour au sujet de la préservation du milieu naturel en
relation avec le développement de la ville. Concernant le
développement urbain de la ville de Nagareyama, nous mettons en
œuvre les initiatives suivantes.
1 -
Concernant la planification urbaine
La
planification urbaine porte sur la création d'infrastructures telles
que les logements, les commerces, les routes et les parcs. Cette
urbanisation est planifiée selon deux zones : une zone où
l'urbanisation est prioritaire, et une zone où les activités de
développement et de construction sont strictement limitées afin de
préserver un environnement naturel riche.
2 -
Concernant les zones à urbaniser
Dans ces
zones, tout développement dépassant une certaine échelle, par
exemple lorsqu'un propriétaire foncier envisage de subdiviser son
terrain agricole ou forestier, nécessite l'autorisation de la ville
conformément à la loi sur l'urbanisme. En outre, il est stipulé
que l'autorisation de construire ne peut être accordée que si les
normes de la loi sur l'urbanisme sont respectées et que les
procédures sont terminées.
3 -
Concernant le développement urbain de la ville de Nagareyama
Nagareyama
vise à être une ville à "haute valeur ajoutée pour la
qualité de vie" en maintenant et en améliorant un cadre de vie
avec une végétation luxuriante et un environnement urbain
confortable et agréable. Notre ville respecte des normes plus
élevées que les autres villes à l'échelle nationale et dans la
préfecture de Chiba. Non seulement nous servons de référence en
promouvant la préservation des paysages, mais nous sommes à
l'initiative de règles pour le développement urbain, comme le
système de certification de la chaine verte, qui est une des rares
règlementation du pays à établir une préservation de la nature en
parallèle du développement urbain.
Voici les
normes que nous appliquons :
-
certification de la chaine verte (depuis 2006)
- ordonnance
sur le paysage (depuis 2007)
- ordonnance
concernant les normes d'autorisation pour les projets de
développement (depuis 2010)
- ordonnance
sur le développement de la ville (depuis 2012)
-
introduction de restriction de hauteur absolue dans les zones
d'altitude (depuis 2016)(je ne suis pas
sûr du tout de cette traduction)
- ordonnance
sur la publicité (depuis 2018)
4 -
Concernant le système de certification de la chaine verte dans la
ville de Nagareyama
En tant que
"ville forestière la plus proche d'une mégapole",
Nagareyama s'efforce de restaurer la verdure perdue en raison du
développement, et de maintenir une haute valeur environnementale
grâce au système de la chaine verte, qui nous permet d'évaluer si
les constructions répondent aux normes, et de limiter le
réchauffement climatique.
Ce système
évalue le degré de préservation de l'environnement des nouvelles
constructions grâce à sept indicateurs (contrôle de l'élévation
de la température liée au revêtement routier, garantie de la
ventilation entre les bâtiments, isolation des surfaces intérieures
et extérieures, suppression de la chaleur rayonnante, évacuation de
la chaleur, isolation des portes et ventilation), ce qui nous
garantit des logements performants et fait de Nagareyama une ville
verte.
Ce système a
été mis en place en 2006, et au 31 mars 2020, un total de 9 237
bâtiments ont été certifiés, parmi lesquels des maisons
individuelles, des complexes d'appartements et des zones
résidentielles où la nature a toute sa place, répartis dans
différents quartiers de la ville.
5 -
Concernant la prise en compte de l'environnement
Afin de
lutter contre le réchauffement climatique, nous accordons des
subventions pour l'installation d'équipements de production
d'énergie solaire, aussi bien pour les logements privés que pour
les complexes d'appartements et les installations commerciales. Nous
subventionnons également des équipements de recharge pour véhicules
électriques. De plus, nous subventionnons d'autres installations
d'énergie renouvelable. Nous envisageons par ailleurs des
initiatives destinées à soutenir les entrepreneurs afin de
construire des logements dotés d'une isolation à haute performance,
dans le but de réduire la consommation d'énergie dans les logements
privés.
Nous savons
que la préservation de la nature et de l'environnement est
importante, c'est pourquoi, même en zone urbanisée, nous souhaitons
œuvrer à la création d'un cadre de vie à haute valeur
environnementale et paysagère.
Le 21
décembre 2023,
Yoshiharu
IZAKI, maire de Nagareyama
Sont joints à
cette lettre les documents que voici, illustrant ce système de
"chaine verte" et censés montrer que la nature détruite
pour les constructions est remplacée par de nouvelles plantations.
En
gros, M. Izaki nous dit qu'il respecte la loi, et qu'il est
super-écolo puisqu'il ne coupe pas TOUS les arbres de la ville. Je
n'ai pas besoin d'analyser en détail cette réponse, car même en
prenant en compte toutes les approximations de ma traduction, vous
pouvez voir par vous-même qu'il s'agit là d'un pur
exemple de green-washing. Je n'en
attendais pas plus de sa part, je ne suis donc pas déçu.
Vous
remarquerez juste en passant que malgré ma demande, le maire ne
répond à aucune des questions précises que je lui pose.
La réalité de
Nagareyama, elle est là :
Et ça, c'est
juste un exemple, parce que ce que vous voyez sur cette photo est en
train de se produire partout dans la ville.
Quant à
l'espace entre les maisons (ventilation) dont le maire parle, le
voici :
Il est évident
que M. Izaki est totalement à côté de la plaque, et qu'il n'a pas
compris à quel point sa politique était criminelle. Il continuera
donc à détruire méthodiquement toute trace de vie dans la ville.
Vous pourriez
alors m'objecter que ma lettre n'a servi à rien. Si, ma lettre a
servi à plusieurs choses :
- à me dire
qu'au moins, j'aurai fait ça. J'ai pris la parole pour dire que la
direction que suivait la mairie n'était pas la bonne. J'ai fait
entendre ma voix. Je peux me regarder dans le miroir sans honte. Même
s'il n'y avait rien d'autre de positif dans ma démarche, ce serait
déjà suffisant. Ça, c'est pour moi.
- Je ne suis
évidemment pas le seul, mais je suis désormais un de plus qui
n'approuve pas la politique de M. Izaki, et il ne peut pas faire
semblant de l'ignorer. Ça, c'est pour lui.
- Ce type de
lettre est la première chose à faire. Pas la dernière.
Certes, il est
inutile de revenir à la charge auprès du maire. Il a montré, par
sa réponse, qu'il ne savait pas comment faire face aux enjeux, ou
plus exactement, qu'il était persuadé d'adopter l'attitude
adéquate. Il n'y a aucun espoir de son côté. De plus, mon amie
(japonaise) m'a fait comprendre que maintenant que j'avais osé
protester de façon si directe (ce qui est assez peu courant dans la
culture japonaise), mon nom était probablement noté dans un dossier
de la mairie, et qu'il valait mieux que je ne me fasse pas remarquer
davantage.
Quelque part,
je n'en veux pas à M. Izaki, ni aux autres responsables politiques
de tous pays. Enfin si, je leur en veux à mort, mais ce que je veux
dire, c'est qu'après tout, la plupart des élus font ce pour quoi
ils ont été élus, et ils ont été élus par nous. Leur seul et
unique objectif étant d'être réélu, leur popularité est le seul
baromètre auquel ils se réfèrent. Ce qui se passe dans le monde
n'entre aucunement dans leurs considérations. C'est donc à nous,
électeurs et citoyens, de leur montrer le chemin. S'ils sentent que
leurs actions ne nous satisfont pas, ne correspondent pas à nos
attentes, ils n'auront d'autre choix que de changer de cap. Je vous
parlerai plus bas de ce que nous pouvons faire.
Avant,
je voudrais vous rappeler ce qu'est la réalité de la situation.
Rassurez-vous, je ne vais pas répéter tout ce que je vous disais
dans l'article Macadam massacre,
mais je vais me contenter de donner quelques exemples concrets et
récents, parce qu'on pourrait croire que j'exagère en parlant
d'attitude criminelle, que je dramatise en parlant de l'élimination
de la vie. Hélas, ce qui m'inquiète n'est pas le futur mais le
présent, ce ne sont pas des spéculations mais des observations.
En
mars, dans la région de Tôkyô, nous avons connu un épisode
neigeux. Rien de plus normal à cette saison, une belle tempête de
neige. Mais ce qui est tout à fait inhabituel, c'est qu'en même
temps qu'il neigeait, il y avait de l'orage ! Un orage de neige, avec
du tonnerre et des éclairs ! C'est complètement contraire à ce
qu'on nous a appris à l'école, où on nous a enseigné les échanges
thermiques et tout ça, et que c'est pour cette raison que les orages
ne se produisaient qu'en été. Peut-être
que certains météorologues expliqueront que c'est tout à fait
normal, que c'est rare mais pas impossible, mais n'empêche, j'ai
discuté de ce phénomène avec des Japonais et des expatriés qui
vivent au Japon depuis longtemps, et personne n'avait jamais vu ça.
Le climat est en train de tourner maboul sous nos yeux. Ce n'est pas
"peut-être un jour", c'est maintenant. Chez vous, en
France, c'est le sable du Sahara qui est venu se déposer dans vos
rues. Là encore, on pourra peut-être expliquer que c'est normal,
mais honnêtement, vous aviez déjà connu ça dans votre enfance ?
Et vos parents ou vos grands-parents vous ont-ils déjà parlé du
sable du désert qui arrivait en France quand ils étaient petits ?
Vous n'avez pas le sentiment que le vent tourne, au sens propre comme
au figuré ? Dans un autre domaine (mais c'est lié), vous aviez déjà
vécu des confinements mondiaux dus à des pandémies ? Et les
chercheurs nous préviennent : plus on s'attaquera à la
biodiversité, plus on réduira l'habitat des espèces sauvages, et
plus ces pandémies se produiront (voir l'étude complète de
Marie-Monique Robin, La fabrique
des pandémies, parue chez La
Découverte). La destruction des écosystèmes, c'est notre
autodestruction.
Selon RFI,
lundi 15 avril, le thermomètre est monté jusqu'à 25° à Sapporo,
dans la préfecture de Hokkaidô, au nord du Japon. Pour cette
saison, c'est un record depuis que les statistiques existent,
c'est-à-dire depuis 1877. Dans un article daté du 4 avril, le
journal Libération rappelait que le mois de mars avait - encore -
battu tous les records de chaleur, avec 45°C au Soudan du Sud, 44°C
au Guatemala, 39,2°C en Thaïlande... Deux jours plus tard, dans ce
même journal, un autre article annonçait qu'aux Philippines, 5 000
écoles avaient fermé à cause des températures extrêmes. Vous
aviez souvent entendu ça, dans votre enfance ?
Moi, non. Le
monde a changé.
Je me demande
jusqu'à quand les climato-négationnistes continueront d'essayer de
nous rassurer. Personne n'a envie de parler de la fin d'une
civilisation, mais il faut bien mettre des mots sur les maux.
Personne n'a envie de voir la catastrophe enclenchée, mais il faut
ouvrir les yeux. Il est grand temps d'inventer le monde suivant, si
on ne veut pas que le monde suivant s'impose à nous. Arrêtons de
nous leurrer en avançant le soi-disant découplage, qui est un
concept inventé par les multinationales afin de continuer leurs
affaires, et qu'on nous ressert avec de belles couleurs hypnotiques,
comme Kaa chantant à Mowgli : "Aie confiance, crois en moi...".
En vérité, les ultra-riches qui pillent notre planète savent très
bien ce qu'ils font, et nombreux sont ceux, comme Mark Zuckerberg, à
faire construire des bunkers où ils pourront survivre de nombreuses
années, pendant que nous brulerons, affamés et rongés de remords.
Pendant
de longs siècles, de par sa tradition animiste et son héritage
bouddhiste, le Japon a vécu dans le respect voire le culte de la
nature. Mais à la fin du 19e siècle, prenant le virage de la
"modernité", les Japonais ont tout sacrifié pour
rejoindre le pseudo modèle du monde occidental. Alors que, eu égard
à sa position insulaire, la population de l'Archipel pratique la
pêche depuis ses origines, les autorités ont récemment décidé de
verser dans la mer l'eau contaminée de Fukushima ! Ils ont tenté
d'être rassurants : ne vous inquiétez pas, tout est mesuré, tout
est contrôlé, on est dans les normes. Et parallèlement à ça, ils
ont fait passer dans l'opinion publique, à force de marteler leurs
communications stratégiques, qu'on n'avait pas le choix, qu'il n'y
avait pas d'autre solution. J'ai bien une solution à leur proposer,
moi : cette eau contaminée, qu'ils la boivent ! Si cette opération
ne pose vraiment pas de problème, que ceux qui l'ont ordonnée
assument. Mais sérieusement, quel responsable politique, quel
directeur de centrale nucléaire accepterait de préparer le biberon
de son enfant avec une eau pareille ? Ce qui va se passer, on le sait
très bien : dans quelques temps, on découvrira que des données ont
été manipulées, que des chiffres ont été falsifiés, peut-être
même que des pots-de-vin ont été versés... Les responsables
présenteront leurs excuses publiques, ils s'inclineront longuement
sous le crépitement des flashs des journalistes, pratique
typiquement japonaise. Mais ce sera trop tard. La mer aura bel et
bien été contaminée, et les enfants atteints d'un cancer devront
se battre pendant des années pour faire condamner les coupables. Et
tout le monde de s'étonner : "on nous avait pourtant assuré
qu'il n'y avait aucun risque..." Arrêtons de croire ceux
qui nous promettent que "ça va bien se passer". Non, ça
ne va pas bien se passer.
Le "business
as usual" ne peut plus durer. Depuis quelques semaines, je donne
des cours à domicile chez une famille franco-japonaise qui habite
une maison toute neuve. Ah, elle est belle, cette maison, et grande !
Mais quand je pense à la quantité d'arbres qu'il a fallu couper
pour la construire, aux tonnes de minerais qu'il a fallu extraire,
quand je pense aux années qu'il faudra pour que la Terre se
reconstitue, tout ça pour faire plaisir à quatre personnes (cinq,
si on compte le nouveau-né), ça me rend malade. Et c'est pareil
avec la maison d'à-côté, et celle d'à-côté. Les parents
s'imaginent certainement que c'est bien pour leurs enfants. Mais
quand leurs enfants mendieront dans le monde pourri que cette maison
aura contribué à créer, que restera-t-il de ce bienêtre ? A-t-on
vraiment besoin de toujours plus ?
Je
l'ai dit et je le redis : je ne jette
la pierre à personne, je ne suis pas
un exemple, et je n'ai pas de leçon à donner à qui que ce
soit. On pourrait très bien me reprocher, par exemple, mon voyage en
avion en janvier pour aller à Hokkaidô. En toute sincérité, si ça
n'avait tenu qu'à moi, j'y serais sans doute allé en train voire en
bateau, mais quand on part en couple, il faut bien composer. C'est
une explication, pas une excuse. Je fais de mon mieux, mais je suis
loin d'être parfait. J'ai fortement diminué ma consommation de
viande, j'en achète moins d'une fois par mois. Pour mes légumes, je
me fournis désormais autant que possible auprès des petits
agriculteurs du quartier. Ça ne va pas changer le monde, j'en ai
bien conscience, et je n'ai de toute façon pas pour ambition de
changer le monde. Je fais ce que je peux, à ma petite échelle, et
je ne fais qu'inviter chacun à réfléchir à ce qu'il peut et veut
faire, car si toi aussi tu changes ta vie, et toi aussi, et toi, et
toi, alors oui, notre monde va changer. Nous ne sommes que des grains
de sable, mais tous ensemble, nous formons une belle et grande plage.
On ne peut rien décider pour les autres, décidons pour nous-mêmes.
Faisons notre part sans attendre.
Comment faire
notre part ? La première chose, encore et toujours, est de
s'informer. Je vous mets ci-dessous quelques liens pour savoir quoi
répondre à ceux qui disent qu'il n'y a ni réchauffement climatique
ni effondrement de la biodiversité. Ensuite, il y a des centaines de
façons d'agir, chacun en fonction de sa sensibilité, de sa
personnalité, à vous de voir ce qui vous sied le mieux. Si votre
truc, c'est de grimper dans les arbres pour empêcher qu'on les
abatte, allez-y. Si vous préférez bloquer la circulation pour
attirer l'attention, allez-y. Vous pouvez rejoindre des groupes,
signer des pétitions, participer à des opérations diverses, ou les
organiser vous-même. Vous pouvez écrire à vos élus, ou les
interpeler quand ils paradent sur le marché, ça leur colle toujours
un peu la pression. Vous pouvez écrire des livres ou au pire, un
blog.
Pour ma part,
j'ai rejoint la Coalition océan, ce n'est pas compliqué, vous
pouvez le faire aussi :
Et puis pour
vous informer, voici encore quelques liens.
Regardez donc
ce beau film avec la glaciologue Heidi Sevestre :
Je n'approuve
pas tout dans le documentaire suivant, mais il a le mérite de nous
mettre clairement sous le nez ce que nous faisons vraiment quand nous
achetons un steak :
Il y a beaucoup
de personnes intéressantes qui témoignent sur la chaine
Sismique :
Et encore des
entretiens profonds avec des personnes érudites sur la chaine
Metabolism of Cities :
Et puis, pour rappel, encore
et toujours, je ne peux que vous recommander les entretiens de Paloma
Moritz sur Blast :
Et pour finir,
les entretiens de Vinz sur Limit :
Eu égard au
constat pour le moins sombre que je dresse au sujet de la société
japonaise concernant les changements enclenchés, vous pourriez
légitimement me demander pourquoi je reste dans ce pays. La réponse
est comme souvent multiple et complexe, mais pour faire simple, voici
un élément de réflexion. Quand j'ai montré la réponse du maire
de Nagareyama à la personne qui avait traduit ma lettre, elle s'est
exclamée : "Ah, il est super, ce maire !". Les Japonais
sont loin, très loin d'être conscients que le monde qu'ils ont
connu est terminé. A leur décharge, les médias n'en parlent pas.
J'ai donc encore beaucoup de choses à faire pour les aider à ouvrir les yeux. Je ne vais pas sauver le Japon, mais si je peux
permettre à quelques personnes de mon entourage de se préparer, ce sera
déjà une grande victoire.
En guise de
conclusion, je vous propose un poème de Drew Dellinger (ma
traduction).
Il est 3h23
du matin
et je suis
réveillé
parce que
mes arrières-arrières-petits-enfants
ne me
laissent pas dormir.
Mes
arrières-arrières-petits-enfants
me demandent
en rêve :
Qu'as-tu
fait pendant que la planète était saccagée ?
Qu'as-tu
fait quand la Terre s'effondrait ?
Tu as
sûrement fait quelque chose quand les saisons ont commencé à
s'emmêler ?
Quand tous
les mammifères, reptiles et oiseaux mouraient ?
Es-tu
descendu dans la rue pour protester quand la démocratie était volée
?
Qu'as-tu
fait, une fois que tu savais ?