Je n'ai rien contre les fleurs, mais sincèrement, c'est pas trop mon truc, au départ. Okay, c'est beau, tout ça tout ça, mais sans me laisser totalement indifférent, cette beauté ne me touche en général pas beaucoup. Pourtant, dans les parcs de l'Archipel, c'est spécial.
J'avais déjà eu l'occasion d'apprécier les paysages que les Japonais se plaisent à façonner avec des fleurs, et je vous avais raconté ça ici ou là. En particulier, j'avais adoré les glycines au Ashikaga Flower Park, il y a deux ans, où j'avais appris qu'on pouvait également visiter ce lieu de nuit pour profiter des illuminations. Je m'étais donc promis de revenir.
Comme d'hab', dès qu'on lui parle de faire une sortie, ma chère et tendre nous réserve un "tour", c'est-à-dire un circuit organisé en car. Je suis habitué, je l'ai laissé faire.
La première étape de ce tour, c'était à Chichibu, dans la préfecture de Saitama, à environ deux heures de route au nord-ouest de Tôkyô. Il s'agissait d'aller admirer les shiba-zakura, de charmantes petites fleurs roses ou mauves (voir les liens indiqués plus haut). Ce sont les mêmes fleurs que j'avais vues au pied du mont Fuji, mais là-bas, les parterres étaient essentiellement plats, et notre regard ne pouvait être que "rasant". Chichibu étant situé dans une zone montagneuse, le relief est plus marqué, et ici, ce sont des collines qui sont parsemées de shiba-zakura, ce qui permet d'apprécier la vue avec une perspective plus intéressante. Et bon sang, quelle vue ! On a du mal à croire qu'il ne s'agit que de fleurs, et pourtant il n'y a rien d'autre, rien d'autre que des fleurs par milliers. Je ne vais pas vous faire un long discours pour vous décrire la magnificence du site, les photos ci-dessous devraient parler d'elles-mêmes. On en prend plein les mirettes.
La seconde étape, c'était dans une sorte de relais gastronomique consacré aux friandises. C'est un peu comme une grande boutique où sont regroupées plusieurs enseignes de confiseries. On y trouve surtout des biscuits, des gâteaux, des glaces, et cette chose immonde et molle que les Japonais osent appeler du pain. Les produits sont de bonne qualité mais pas forcément luxueux, et on ne les trouve généralement pas ailleurs. Une visite dont je me serais bien passé, mais pas trop longue alors ça allait.
La troisième et dernière étape était donc la visite de nuit du Ashikaga Flower Park. Quand on est arrivés, il faisait encore jour, mais la lumière du soleil, déjà estompée par les nuages, déclinait doucement. Plus nous évoluions dans ce parc, plus l'obscurité s'imposait, faisant ressortir les illuminations et les millions de fleurs qui nous environnaient. Et plus nos yeux s'émerveillaient, à n'en plus finir. Des couleurs et des formes à donner le vertige, des parfums aussi, immergés dans ce déferlement floral on cherche à se raccrocher à ce qu'on connait, comme une ancre nous maintiendrait à la terre ferme, mais quoi qu'on trouve pour appréhender le tourbillon impalpable qui nous enveloppe, notre esprit quitte le monde matériel pour s'évader vers l'éther, inexorablement. On pense bien sûr aux contes de fées. Oui, c'est bien dans ce type de décors qu'on se figure les aventures ténébreuses des princesses amoureuses. On songe un peu au manga xxxHolic, ou au film qui en est tiré (un gros navet mais aux images somptueuses). Encore, on se croirait dans un rêve, tant ce qui s'offre à notre vision semble irréel. Cette atmosphère est réellement étrange. En fait, on s'imagine carrément au paradis. A moitié par jeu, à moitié pour dissoudre l'inquiétude née de l'inédit, on se répète, à plusieurs reprises : "on dirait que j'étais mort, et comme j'avais été très gentil, j'allais au paradis..." Impossible de rester dans notre dimension, donc. Les racines des plantes ont beau être plongées dans un substrat on ne peut plus terrestre, c'est bien l'Yggdrasil, l'Arbre Monde, que cette végétation évoque. Ce sentiment est particulièrement fort en présence des glycines. Il n'y a pas que les fleurs qui nous aspirent, mais la simple vue de ces majestueux troncs tortueux engendre inéluctablement dans notre cœur une humilité respectueuse. Les Vénérables, les Anciens, les Sages... comment peut-on couper un arbre ? Des siècles de patience pour nous offrir une image de la Beauté. On a envie d'écrire tout ça avec une majuscule. La Nature, la Verdure, le Vivant, l'Organique, l'Écorce, la Sève... Je ne voudrais pas tomber dans un mysticisme hippy naïf, mais la Nature, chers lecteurs, est l'Essentiel. L'Essence. Ciel.
Il m'est bien difficile de faire le tri parmi les photos que j'ai prises, aussi je vous en propose ci-dessous une large sélection, en espérant que vous comprendrez que si j'ai pu dire que les fleurs ne me plaisaient pas outre mesure au départ, à l'arrivée c'est une autre histoire.
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