mardi 26 avril 2016

Shigoto
Je ne pourrai pas vous montrer de photos aujourd’hui, puisque je vais vous parler un peu de mon travail (shigoto en japonais) et, comme je l’ai déjà dit, une école est un espace protégé qui doit le rester. C’est pourquoi je m’en tiendrai à des généralités, simplement pour vous donner une idée globale de ce qui occupe l’essentiel de mes journées.
Gyôsei est un groupe scolaire privé catholique qui regroupe plusieurs sites. L’école principale, immense, est située à Kisarazu, dans la banlieue est de Tôkyô. A Nagareyama, il y avait déjà un jardin d’enfants, et c’est juste à côté qu’a été ouverte l’école primaire où je travaille. Le père Tagawa, fondateur de Gyôsei, est très attaché à l’enseignement des langues et, francophile de longue date, il tient à ce que le français soit enseigné à part égale avec l’anglais, c’est-à-dire tous les jours. D’ailleurs, le nom complet de l’école est Ecole primaire internationale Gyôsei de Nagareyama, bien que tous les enfants soient japonais.
Le catholicisme est minoritaire au Japon, et ce qui motive les parents pour inscrire leurs enfants dans cette école n’est pas tellement lié à la religion, mais plutôt à la recherche d’un enseignement de haute qualité promis par Gyôsei. De fait, le seul détail qui rappelle que nous sommes dans un établissement catholique est la statue de la Vierge dressée dans l’entrée, que les enfants doivent saluer le matin et le soir. Les enfants ne sont pas plus sages ni plus pénibles que d’autres.
Dès mon arrivée au Japon, le 21 mars, les réunions de préparation se sont succédé de façon exponentielle, puis le 6 avril a enfin eu lieu la cérémonie d’accueil, nyûgakushiki. C’est un évènement très important dans la scolarité de tous les petits Japonais, lors duquel les nouveaux élèves sont en quelque sorte intronisés dans l’école. Pour nous, cette cérémonie a eu lieu dans une salle à proximité, l’école étant trop petite pour accueillir tout le monde. Le protocole est très précis, tous les officiels sont présents, et les discours alternent avec les chants (interprétés par la chorale de l’école de Kisarazu, venue spécialement pour l’occasion). J’ai moi-même dû prononcer une petite allocution en français, ce qui avait un côté étrange parce que je suis sûr que 99% de l’assistance n’a pas compris un mot de ce que j’ai raconté. Pour vous donner une idée de la solennité de l’évènement, plusieurs mères étaient vêtues de leur costume traditionnel, porté en général uniquement pour les grandes occasions. C’était d’ailleurs très beau, très émouvant. Moi aussi, j’avais l’impression d’être intronisé dans l’école. Quand les enfants sont entrés lentement en file indienne dans la salle sous le regard (et l’appareil photo) fier de leurs parents, j’avoue que j’en avais la gorge serrée.
Suite à la nyûgakushiki, les enfants ont eu trois matinées pour s’acclimater progressivement à l’école. Les élèves en première année (l’équivalent du CP) ont 6 ans, ceux en deuxième année (CE1) ont 7 ans, ce sont donc encore des petiots, il faut tout leur expliquer, d’autant plus qu’ici la discipline est très importante : se lever quand le professeur entre, remercier à la fin du cours, etc. L’école étant toute neuve, il n’y a pas encore de troisième année. Nous n’avons qu’une seule classe en deuxième année, et deux en première année, chacune recevant 17 à 18 élèves. A terme, je crois que l'établissement est destinée à accueillir six classes, c’est-à-dire deux par niveau. Enfin, les cours ont vraiment commencé le lundi 11 avril.
Concernant les journées de classe, tout est différent de ce qu’on connait en France. Le matin, j’arrive entre 7h et 7h30. Les enfants arrivent vers 8h, et se changent dans la salle de classe (ils sont en uniforme pour arriver et pour partir, mais dans la journée ils portent un survêtement). Ils restent dans la même salle pour tous les cours, ce sont les professeurs qui se déplacent de classe en classe (sauf pour la musique et les arts plastiques, qui ont une salle dédiée). En plus du français, j’ai été propulsé prof de sport. Pour l’instant, j’improvise un peu, je fais appel à mes souvenirs du temps où j’encadrais des colonies de vacances, mais ce n’est pas évident parce qu’il n’y a encore aucun matériel. Quand on n’a pas de cours sur le planning, pas question de se reposer, on va assister les collègues dans leur classe. Encore un exemple de détail qui montre la différence entre l’Europe et le Japon : en classe, les enfants ont une sorte de coussin, le plus souvent cousu par leur mère, sur lequel ils s’assoient ou qu’ils utilisent comme dossier, et qui contient un capuchon matelassé. Ce capuchon sert à se protéger la tête et les épaules des débris qui pourraient tomber du plafond en cas de fort tremblement de terre. Le midi, on sert le repas dans les salles de classe (les différences entre un repas japonais et un repas occidental mériteraient un article à elles toutes seules). Les professeurs mangent avec les enfants, ce qui me permet d’avoir un repas sain et complet tous les jours. Les cours se finissent vers 15h.
Dès que les enfants quittent l’école, la deuxième journée commence pour les professeurs. D’abord, on fait le ménage (il n’y a pas de femme de service). Puis on prépare les cours du lendemain, on fait des réunions, etc. Je quitte le travail entre 17h et 18h, mais les professeurs référents restent plus tard. Autant dire que ça fait des bonnes journées ! L’équipe est composée de cinq enseignants : trois professeurs référents, qui ont chacun la responsabilité d’une classe et qui enseignent l’anglais, le japonais, l’instruction civique, etc., et deux professeurs étrangers, à savoir moi-même et mon collègue suisse, qui enseigne les maths en anglais. En plus des professeurs, il y a aussi une équipe administrative : secrétaire, infirmière, directeur adjoint (notre supérieur direct), etc. L’ambiance est sympa mais très professionnelle, on se donne tous à fond pour que cette école soit une réussite. Pendant ce temps-là, les travaux continuent, et l’école devrait être totalement terminée en juillet.

Voilà, je ne vous ai pas tout détaillé, mais j’espère que ça suffira à vous faire une bonne idée de ce à quoi ressemble l’école au Japon, et plus particulièrement celle où j’officie. J’ai oublié de vous dire le plus important : j’adore mon travail et j’adore mon école. Je suis heureux et fier d’enseigner ici. Pour finir, voici tout de même une photo prise dans l’établissement, un matin, avant l’arrivée des élèves…

6 commentaires:

  1. Apprendre est une affaire sérieuse 😉

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  2. Coucou. Oui là là ! J'avais pris du retard dans la lecture de ton blog mais ça y est, je viens de me rattraper ! Très sympa. Je vais aussi me replonger dans les bd de taniguchi. J'ai adoré ton franjaponais. Je te bise. Sophie

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  3. c'est fou les différences avec l'école française ! merci pour toutes ces explications.
    J'aime te lire, on ressent ton bonheur ! c'est génial !
    et donc, prof de sport :) gymnastique ? saut en longueur ? lancer de poids ? excellent !!!!

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    1. Et encore, je vous ai fait un résumé, il y a bien plus de différences que ça !
      En sport, pour l'instant, aucun matériel, alors on fait plutôt des jeux, l'objectif étant d'une part de les faire bouger, et d'autre part de les amener progressivement à intégrer le principe des règles, de l'équipe, du respect mutuel, etc. Aujourd'hui, on a fait saute-moutons : pas évident pour tout le monde ! Mais du coup, je pense que c'était utile...

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  4. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  5. C'est passionnant! Dire merci à la fin du cours.... La blague!!!!
    Tu as l'air tellement heureux...

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