mardi 15 janvier 2019

Un point de vue japonais sur la France
Ce n'est pas la première fois que je fais face à ce dilemme : ce blog est destiné à partager avec mes lecteurs (essentiellement ma famille et mes amis) mon expérience du Japon, le Japon tel que je le vis au quotidien, mais je ne voudrais pas pour autant vous livrer un journal intime et exposer ma vie personnelle. L'équilibre est toujours difficile à trouver, alors pour l'article qui va suivre, j'ai choisi le compromis de ne pas vous montrer de photo des personnes dont je parle. En particulier, vous ne verrez pas Kumiko, ma petite amie, qui est au centre de ce récit.
Car cette année encore, je suis allé passer les fêtes en France (pour mémoire, mon précédent voyage en France est raconté ici). J'ai évidemment été très heureux de vivre ce moment avec mes proches et de renouer temporairement avec un espace qui m'était familier, mais cette fois-ci, l'objectif principal était de faire découvrir mes origines à Kumiko. En effet, Kumiko n'avait jamais voyagé en Europe, et je brulais de lui montrer le gouffre qui sépare nos deux cultures. J'espérais secrètement que son point de vue "frais", dégagé de toute expérience antécédente, m'apporterait un recul sur ma propre culture, et j'avoue que je n'ai pas été déçu.
A l'instar de ce que je vis dans le pays où je me suis exilé, pour un Japonais - une Japonaise en l'occurrence - tout en France est différent du Japon. Il y a bien sûr les différences évidentes, qui sautent au yeux, comme l'architecture, mais aussi beaucoup de détails auxquels on ne pense pas, car ils font depuis toujours partie de notre ordinaire. Je ne vais pas vous dresser une liste complète des choses qui ont étonné Kumiko (ce serait trop long !), mais voici quelques-uns des éléments qui nous semblent communs, banals, mais qui ne le sont pas quand on vient du Soleil Levant.
Je crois que la première chose qui a surpris Kumiko, c'est le feu dans la cheminée chez ma sœur. Au Japon, il n'y a pas de cheminée dans les maisons, en tout cas pas sous cette forme. Autrefois, il y avait bien un âtre qui servait à faire chauffer l'eau et préparer le repas, mais le feu ne faisant pas bon ménage avec les maisons traditionnelles en bois, la pratique a été abandonnée. Cette cheminée n'était que le début d'une longue série d'étonnements pour ma chère et tendre. A Rouen, ma ville natale, nous logions à deux pas de la cathédrale, et Kumiko a été très surprise en entendant les cloches sonner un matin. Il n'y a pas - ou peu - d'église au Japon, et c'était donc tout simplement la première fois que Kumiko entendait des cloches sonner. Certes, il y a bien des cloches dans les temples et sanctuaires, mais leur sonorité et leur usage n'ont rien à voir avec nos clochers français. Alors que ce son nous apparait banal parce qu'on y est habitué depuis toujours, aviez-vous réalisé que vous-même, en dehors des églises, vous n'entendez jamais de cloches sonner ? Voilà le genre de réflexion qu'a fait naitre en moi la visite de mon propre pays en compagnie de ma Japonaise...
Evidemment, c'était aussi la première fois que Kumiko pénétrait dans une cathédrale, alors inutile de vous dire à quel point elle a été impressionnée. Les larmes lui sont montées aux yeux, et de la voir ainsi, moi aussi j'ai été très ému. Ce fut peut-être son émotion la plus forte de tout ce voyage.
Après Rouen, nous sommes allés à Paris. J'avais au préalable briefé Kumiko sur les crottes de chien qui parsèment généreusement les trottoirs de la capitale (c'est le genre de choses qui choque généralement tous les Japonais qui arrivent en France), de façon à éviter de ramener des souvenirs encombrants chez l'amie qui nous hébergeait, et Kumiko est rapidement devenue une pro du slalom sans s'offusquer plus que ça. Malgré tout, la saleté des rues reste incompréhensible... même pour moi !
Nous avons visité le musée du Louvre, et là encore, grande découverte. Tout autant que devant les toiles des grands maitres, Kumiko n'en finissait pas de s'émerveiller à la vue des plafonds dont certains rappellent ceux du château de Versailles. Moi, ce qui m'a le plus surpris, c'est de voir qu'elle s'émerveillait également devant les vases : que ce soit les vases tout rafistolés de la Grèce antique ou bien les énormes vases en marbre de l'époque Napoléon III, ces objets attiraient son attention au même titre que Mona Lisa (on ne dit pas "La Joconde" au Japon) ou la Vénus de Milo.
Concernant la cuisine française, Kumiko a gouté à tout ce qu'on lui proposait : fois gras, escargots, peur de rien ! Et elle s'est régalée. Mais le top du top, ça a été le fromage français... On est pas amoureux pour rien, elle et moi... La raclette à la montagne, chez mon frère, a provoqué chez elle une sorte d'orgasme gastronomique ! La seule chose qui l'a gênée, ce sont les quantités astronomiques que les Français sont capables d'ingurgiter lors d'un repas de fête. Trop, vraiment trop pour elle.
Les manières de faire aussi révèlent le décalage entre la France et le Japon. Kumiko était préparée à "la bise", on s'était même entrainés avant notre départ, et ce qui constitue souvent une épreuve insurmontable pour de nombreux Japonais a été pour elle vécu comme une tradition pittoresque. Mais quand même, le soir du 31 décembre, à minuit pile, quand toute la famille s'est dressée d'un bond en criant "Bonne année !", se prenant dans les bras les uns après les autres, Kumiko a eu une petite seconde de panique ! Mais la surprise passée, je crois qu'elle en garde un souvenir très joyeux et chaleureux.
Dans les points négatifs, qu'est-ce qui peut choquer un Japonais qui découvre la France ?
Les toilettes ! Pourquoi les Français ont-ils besoin d'inventer des designs si compliqués pour une simple chasse d'eau ?! L'utilisation des toilettes peut nous sembler intuitive, mais en fait, elle ne l'est pas, elle est le fruit d'une éducation, d'une culture. Au Japon, il suffit d'appuyer sur un bouton clairement identifié et c'est tout. Autre point de froissement : les chaussures. Au Japon, on se déchausse systématiquement avant de pénétrer dans un logement. En France, c'est un peu comme vous voulez, ou bien si l'occupant des lieux vous le demande. Il arrive même parfois que certaines personnes gardent leurs chaussures alors que d'autres sont en chaussons dans un même espace. Totalement incompréhensible pour un Japonais. Cette absence de règle a beaucoup déstabilisé Kumiko.
Ce n'est là que quelques exemples des différences entre nos cultures, pour vous donner une petite idée de la façon dont les Japonais peuvent percevoir notre pays. Mais il ne s'agit que d'un résumé : en vérité, Kumiko a passé son temps à s'extasier devant le moindre objet ou le moindre lieu du quotidien français, je l'ai même vue prendre en photo une bouteille de lait !
Pour conclure, il est évident que, Kumiko parlant à peine français, la barrière linguistique l'a empêchée de savourer pleinement son séjour, et en particulier, elle se sent très frustrée de ne pas avoir pu communiquer avec ma famille et mes amis. Bouleversée par tant de nouveauté, elle était bien en peine pour trouver les mots et même les gestes adaptés pour leur exprimer sa reconnaissance pour leur accueil et leur gentillesse, et me demande de transmettre à tous ses remerciements les plus sincères et les plus chaleureux. Voilà qui est fait.

1 commentaire:

  1. Merci mon frère d'avoir partagé du temps avec nous et de nous avoir présenté ta fiancée. Ce qui m'a le plus amusé chez elle, ce sont ses expressions d'étonnement, de surprise, de curiosité, quand elle considérait (et tentait de comprendre) une situation.

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