mardi 26 avril 2016

Shigoto
Je ne pourrai pas vous montrer de photos aujourd’hui, puisque je vais vous parler un peu de mon travail (shigoto en japonais) et, comme je l’ai déjà dit, une école est un espace protégé qui doit le rester. C’est pourquoi je m’en tiendrai à des généralités, simplement pour vous donner une idée globale de ce qui occupe l’essentiel de mes journées.
Gyôsei est un groupe scolaire privé catholique qui regroupe plusieurs sites. L’école principale, immense, est située à Kisarazu, dans la banlieue est de Tôkyô. A Nagareyama, il y avait déjà un jardin d’enfants, et c’est juste à côté qu’a été ouverte l’école primaire où je travaille. Le père Tagawa, fondateur de Gyôsei, est très attaché à l’enseignement des langues et, francophile de longue date, il tient à ce que le français soit enseigné à part égale avec l’anglais, c’est-à-dire tous les jours. D’ailleurs, le nom complet de l’école est Ecole primaire internationale Gyôsei de Nagareyama, bien que tous les enfants soient japonais.
Le catholicisme est minoritaire au Japon, et ce qui motive les parents pour inscrire leurs enfants dans cette école n’est pas tellement lié à la religion, mais plutôt à la recherche d’un enseignement de haute qualité promis par Gyôsei. De fait, le seul détail qui rappelle que nous sommes dans un établissement catholique est la statue de la Vierge dressée dans l’entrée, que les enfants doivent saluer le matin et le soir. Les enfants ne sont pas plus sages ni plus pénibles que d’autres.
Dès mon arrivée au Japon, le 21 mars, les réunions de préparation se sont succédé de façon exponentielle, puis le 6 avril a enfin eu lieu la cérémonie d’accueil, nyûgakushiki. C’est un évènement très important dans la scolarité de tous les petits Japonais, lors duquel les nouveaux élèves sont en quelque sorte intronisés dans l’école. Pour nous, cette cérémonie a eu lieu dans une salle à proximité, l’école étant trop petite pour accueillir tout le monde. Le protocole est très précis, tous les officiels sont présents, et les discours alternent avec les chants (interprétés par la chorale de l’école de Kisarazu, venue spécialement pour l’occasion). J’ai moi-même dû prononcer une petite allocution en français, ce qui avait un côté étrange parce que je suis sûr que 99% de l’assistance n’a pas compris un mot de ce que j’ai raconté. Pour vous donner une idée de la solennité de l’évènement, plusieurs mères étaient vêtues de leur costume traditionnel, porté en général uniquement pour les grandes occasions. C’était d’ailleurs très beau, très émouvant. Moi aussi, j’avais l’impression d’être intronisé dans l’école. Quand les enfants sont entrés lentement en file indienne dans la salle sous le regard (et l’appareil photo) fier de leurs parents, j’avoue que j’en avais la gorge serrée.
Suite à la nyûgakushiki, les enfants ont eu trois matinées pour s’acclimater progressivement à l’école. Les élèves en première année (l’équivalent du CP) ont 6 ans, ceux en deuxième année (CE1) ont 7 ans, ce sont donc encore des petiots, il faut tout leur expliquer, d’autant plus qu’ici la discipline est très importante : se lever quand le professeur entre, remercier à la fin du cours, etc. L’école étant toute neuve, il n’y a pas encore de troisième année. Nous n’avons qu’une seule classe en deuxième année, et deux en première année, chacune recevant 17 à 18 élèves. A terme, je crois que l'établissement est destinée à accueillir six classes, c’est-à-dire deux par niveau. Enfin, les cours ont vraiment commencé le lundi 11 avril.
Concernant les journées de classe, tout est différent de ce qu’on connait en France. Le matin, j’arrive entre 7h et 7h30. Les enfants arrivent vers 8h, et se changent dans la salle de classe (ils sont en uniforme pour arriver et pour partir, mais dans la journée ils portent un survêtement). Ils restent dans la même salle pour tous les cours, ce sont les professeurs qui se déplacent de classe en classe (sauf pour la musique et les arts plastiques, qui ont une salle dédiée). En plus du français, j’ai été propulsé prof de sport. Pour l’instant, j’improvise un peu, je fais appel à mes souvenirs du temps où j’encadrais des colonies de vacances, mais ce n’est pas évident parce qu’il n’y a encore aucun matériel. Quand on n’a pas de cours sur le planning, pas question de se reposer, on va assister les collègues dans leur classe. Encore un exemple de détail qui montre la différence entre l’Europe et le Japon : en classe, les enfants ont une sorte de coussin, le plus souvent cousu par leur mère, sur lequel ils s’assoient ou qu’ils utilisent comme dossier, et qui contient un capuchon matelassé. Ce capuchon sert à se protéger la tête et les épaules des débris qui pourraient tomber du plafond en cas de fort tremblement de terre. Le midi, on sert le repas dans les salles de classe (les différences entre un repas japonais et un repas occidental mériteraient un article à elles toutes seules). Les professeurs mangent avec les enfants, ce qui me permet d’avoir un repas sain et complet tous les jours. Les cours se finissent vers 15h.
Dès que les enfants quittent l’école, la deuxième journée commence pour les professeurs. D’abord, on fait le ménage (il n’y a pas de femme de service). Puis on prépare les cours du lendemain, on fait des réunions, etc. Je quitte le travail entre 17h et 18h, mais les professeurs référents restent plus tard. Autant dire que ça fait des bonnes journées ! L’équipe est composée de cinq enseignants : trois professeurs référents, qui ont chacun la responsabilité d’une classe et qui enseignent l’anglais, le japonais, l’instruction civique, etc., et deux professeurs étrangers, à savoir moi-même et mon collègue suisse, qui enseigne les maths en anglais. En plus des professeurs, il y a aussi une équipe administrative : secrétaire, infirmière, directeur adjoint (notre supérieur direct), etc. L’ambiance est sympa mais très professionnelle, on se donne tous à fond pour que cette école soit une réussite. Pendant ce temps-là, les travaux continuent, et l’école devrait être totalement terminée en juillet.

Voilà, je ne vous ai pas tout détaillé, mais j’espère que ça suffira à vous faire une bonne idée de ce à quoi ressemble l’école au Japon, et plus particulièrement celle où j’officie. J’ai oublié de vous dire le plus important : j’adore mon travail et j’adore mon école. Je suis heureux et fier d’enseigner ici. Pour finir, voici tout de même une photo prise dans l’établissement, un matin, avant l’arrivée des élèves…

jeudi 21 avril 2016

Quartier lointain
Ça fait exactement un mois que j'habite au Japon, et presque autant que j'y ai trouvé un logement fixe. Comme vous l'avez sans doute déjà remarqué, l'objectif de ce blog n'est pas de faire un quelconque reportage sur mon pays d'accueil. Mes photos en tant que touriste, vous les avez déjà vues. Mon propos est plutôt d'essayer de vous faire partager un Japon de tous les jours, un Japon qui n'a rien de sensationnel, mais qui m'intéresse, justement, pour son aspect "normal", un Japon des petits détails, en fait, mon Japon. Et là, je me sens bien frustré. Je ne suis pas un photographe professionnel, et mon talent ne suffit pas à transmettre les émotions subtiles que je ressens ici. A Tôkyô, c'est facile : où que vous posiez votre objectif, vos photos sont réussies. A Nagareyama, tout est si "normal" (j'ai toujours eu du mal avec ce mot, je ne peux pas l'utiliser sans guillemets !) que je ne sais pas comment vous montrer la beauté de la banalité.
J'adore mon quartier parce qu'il n'a rien de spécial. J'ai voulu prendre des photos de cette atmosphère où la vie semble s'écouler tranquillement, mais comme vous pouvez le voir, je n'ai pas réussi à capturer cette douce sensation presque vide, presque mélancolique. Seul la banalité transparait sur ces images.
 C'est le chemin que j'emprunte tous les matins pour aller au travail. Et tous les matins, je savoure ce calme, que certains jugeraient peut-être ennuyeux, mais que je trouve pour ma part plein de sérénité. On croise des gens qui sortent leurs poubelles, il n'y a pas beaucoup de chats mais les corbeaux sont énormes. Je croise aussi des collégiens, et leur uniforme a encore pour moi un côté exotique, veste à col Mao pour les garçons, marinière pour les filles. Ils passent parfois à vélo, pas un seul ne néglige de porter son casque blanc. Je suis un peu gêné, je n'ose pas leur demander de les prendre en photo.
 Je voudrais vous montrer le bruit du vent léger dans les bambous, je sais que quand on a du talent, on peut prendre un bruit en photo, mais moi, je ne sais pas faire ça. Je voudrais vous faire entendre ce silence des rues à peine perturbé par le son des pneus sur la chaussée, mais ici, vous ne voyez que la chaussée.
Si je pouvais, je vous ferais sentir le parfum des repas qui se préparent dans l'intimité des foyers, ce parfum de curry ou de riz bouilli qui s'échappe du cloisonnement familial par les interstices des volets coulissants et vous rencontre l'espace d'un instant, c'est comme un petit morceau de vie qui témoigne du secret des maisons.
Quand je longe les champs de légumes - il y en a quelques-uns sur mon trajet - et que le Soleil commence déjà à réchauffer l'air suspendu au-dessus de la terre retournée, je respire parfois l'odeur des poireaux frais, pas encore cueillis, qui exhalent une délicieuse amertume, glorification biologique du cycle des saisons dans toute sa simplicité.
J'aimerais aussi vous faire sentir le vent tiède, de plus en plus chaud à vrai dire, qui annonce ce que tout le monde m'a dit : au Japon, l'été est presque tropical. Les fleurs roses et chatoyantes ont quitté les branches des arbres, les bourgeons éclosent, on voit de plus en plus d'insectes. Ça fait quelques jours que je n'allume plus du tout mon chauffage, mais le temps change si vite que je garde encore le souvenir de la fraicheur printanière. Pourtant, la saison avance aussi lentement qu'inexorablement. Il arrive que le ciel se charge soudainement de noir. Avant d'être tropical, l'été sera orageux, je m'y attends. Mais tout ça, je ne sais pas le prendre en photo...
En fait, pour vous aider à saisir ce que peut être ce Japon de la simplicité quotidienne, je ne peux que vous recommander la lecture des livres de Jirô Taniguchi. Même pour ceux qui ne lisent habituellement pas de BD, et même pour ceux qui ont de fortes réticences à l'idée d'ouvrir une bande dessinée japonaise, l'oeuvre de Taniguchi pourrait modifier votre perception des choses, en vous apportant un regard neuf, loin des stéréotypes, sur la culture japonaise, et au-delà, sur la culture occidentale. Son livre le plus célèbre est sans doute Quartier lointain, mais mon préféré, celui que je vous conseille, est L'homme qui marche. Taniguchi sait décrire avec merveille la fausse vacuité d'un homme qui marche dans son quartier, à la rencontre des petits riens qui constituent l'essence même de la vie. Avec Taniguchi, la banalité devient poétique.

J'ai cherché, à travers cet article, à vous faire partager un peu de cet indicible quotidien qui rythme mes nouveaux repères, indicible car comment expliquer un tel amour pour ce qui n'a aucun relief, comment justifier que je remarque des choses qui n'ont rien de remarquable ?... Suis-je si conformiste que je me sens en harmonie avec la platitude ? Ne serais-je qu'un pitoyable naïf qui s'extasie devant le vide ? C'est possible mais, peut-être par réflexe de sauvegarde de mon amour-propre, c'est autre chose que je ressens au fond de mon cœur. Pour résumer, disons simplement que je suis heureux d'être là, et tant pis pour les platitudes.



vendredi 15 avril 2016

Le franponais
Ceux qui ont vu les photos de mon voyage au Japon en janvier connaissent déjà le franponais. Pour les autres, une séance de rattrapage est possible ici : https://goo.gl/photos/gnA5N7Kp4Qz7FL1C8 (voir les 25 dernières photos, tout en bas. Vous pouvez accéder à mes commentaires en ouvrant le volet de droite).
Les Japonais ont une image très romanesque de la France, et le romanesque, ça fait vendre, alors on met du français à toutes les sauces. Pour le nom d'un salon de coiffure, par exemple (la France, pays de la mode et du bon gout).
Et puis la France, c'est Paris, et Paris, c'est le quartier latin ! Acheter des pâtisseries à Saint-Germain, ça a un petit côté exotique (la France, pays de la gastronomie).
Boire un café français, c'est un peu comme manger des sushis en France dans un restaurant chinois : c'est surtout l'intention qui compte.
Cette lessive s'appelle Lavons le linge, ça a le mérite de dire clairement les choses. Sauf que probablement très peu de Japonais sont capables de comprendre ce qui est écrit. Mais si c'est français...
Ah ! Le pain au chocolat français !... On revient toujours à la gastronomie. Mais il faut se méfier, parce qu'ici, le chocolat est pas sympa.
Un chou en rouleau qui est bon, ça s'appelle un C'est bon Chou Roll.
Et un pain à la crème brûlée, ça s'appelle un Pain au Crème Brûlée. Sûrement calqué sur le "pain au chocolat", on pourra pas reprocher aux Japonais de manquer de logique.
On peut même prendre plus de liberté avec la langue française, de toute façon personne s'en rendra compte. Par exemple, avec ce tableau d'affichage en liège. Ici, je soupçonne Google Trad d'être dans le coup.
Vous l'aurez compris, le franponais, c'est quand les Japonais utilisent la langue française à plus ou moins bon escient, mais c'est quand c'est à moins bon escient que c'est le plus drôle. Si ça vous plait, vous pouvez consulter le site http://lefranponais.fr/ qui regorge d'exemples semblables. Je précise qu'il ne s'agit en aucun cas de se moquer des Japonais. Vous verrez, à la rubrique On fait pas mieux ici !, que ce gout pour l'exotisme naïf n'est pas l'apanage des Japonais...

samedi 9 avril 2016

Différences
Comme me le rappelait mon ami Wandrille il y a peu, quand on est déraciné, on a vite fait de comparer sa culture d'origine à sa culture d'accueil. Que ce soit bien ou pas, c'est un réflexe inconscient auquel on ne peut pas trop échapper. Exerçons-nous donc un peu à la comparaison en pleine conscience...
Au Japon, quand on arrive dans un café, un Starbucks par exemple, on peut poser son sac sur une table pour la réserver pendant qu'on va passer commande. En France, si on fait ça, on est à peu près sûr que quand on revient à sa table, non seulement celle-ci est occupée, mais le sac a disparu. Dans le même ordre d'idée, en France, on n'imagine pas trop laisser ses affaires sur la chaise pendant qu'on va aux toilettes. Au Japon, on imagine pas trop aller aux toilettes avec ses affaires.
Au Japon, on se déchausse avant d'entrer. Presque partout. Si vous n'avez pas vos chaussons sur vous (beaucoup de gens en ont), on vous en prêtera, et avec un peu de chance, ils seront estampillés du logo de l'entreprise qui vous accueille, ou du logo de l'école en ce qui me concerne. Vos chaussons, ça peut être des chaussures, mais des chaussures que vous ne portez qu'à l'intérieur. Du coup, maintenant, j'ai mes propres chaussons - mes baskets d'intérieur plus précisément - qui m'attendent tous les matins à l'entrée de l'école. Quand le directeur vient voir l'avancée des travaux, il n'échappe pas à la règle, c'est un peu comme le port du casque sur un chantier ou dans une usine pour François Hollande, sauf qu'un chef d'Etat avec un casque continue d'être ridicule, alors qu'ici, les chaussons, tout le monde trouve ça normal. Même le mec qui vient brancher le gaz quand vous emménagez se déchausse avant d'entrer chez vous. En France, on imagine mal demander à des ouvriers de se déchausser avant de saloper votre moquette.
Au Japon, on porte souvent un masque hygiénique, autant pour se protéger des microbes que pour éviter de partager les siens. Ainsi, je n'ai pratiquement jamais vu le visage de la gérante de l'hôtel où je logeais en arrivant. En France, porter un masque hygiénique, je l'ai fait deux ou trois fois dans le métro, et j'ai trouvé là le meilleur moyen d'avoir de la place autour de soi : personne ne s'approchait à moins d'un mètre. Alors que j'étais trois fois moins contagieux que ceux qui ne portaient pas de masque.
En France, vous avez déjà vu des femmes de ménage nettoyer la rampe des escalators dans le métro ? Au Japon, on pense au nombre de mains qui s'y posent à longueur de journée et on nettoie la rampe tous les matins.

Au Japon, dans l'absolu, ce n'est pas mieux ou moins bien qu'en France. C'est différent. Après, c'est juste une question de sensibilité personnelle.

Pour finir, puisque j'ai eu beaucoup de retours positifs sur les photos du hanami, voici encore quelques sakuras. En France et au Japon, il y a des cerisiers...





mercredi 6 avril 2016

Sakura
Le sakura, c'est le cerisier, ou plus précisément, la fleur du cerisier. Des cerisiers, il y en a partout au Japon, et au moment de leur floraison, c'est-à-dire en ce moment, les villes se parent de rose, c'est comme un feu d'artifice végétal, une explosion de lumière douce et réconfortante qui illumine les rues. Qu'une bise caresse les arbres, et des milliers de flocons roses s'envolent comme s'il neigeait de l'amour. Quelques jours plus tard, il ne reste plus rien. Le sakura, c'est très beau et c'est éphémère. C'est même d'autant plus beau que c'est éphémère. Pour les Japonais, cette beauté est très importante, elle symbolise ce qu'ils appellent "le monde flottant", à savoir le caractère impermanent de notre vie terrestre. Chaque année, au printemps, ils se réunissent dans des parcs pour admirer les cerisiers en fleur, ils piqueniquent sous les arbres en famille, on appelle ça le hanami (ou ohanami), ce qui signifie littéralement "regarder les fleurs". J'avais déjà eu l'occasion de faire hanami en France, mais hanami au Japon, ça a quand même une autre saveur. En arrivant sur le site, j'avoue que j'ai été très ému. Emu d'abord, évidemment, par la beauté des cerisiers en fleurs, mais ému aussi par le fait d'être ici. Ce hanami, mon premier hanami au Japon, c'était un moment fort qui a marqué le début de ma nouvelle vie. Bref, assez bavardé, voici les photos.


Il ne faisait pas très beau, mais ça n'a pas empêché les gens de se rassembler en très grand nombre. Rien que pour garer la voiture au parking, il a fallu attendre un bon moment. Aucun Japonais ne veut rater le hanami !


 Il y avait un concert, l'ambiance était très sympa. Le hanami, c'est aussi un marché où on peut acheter à manger, et quelques jouets en souvenir pour les enfants.
Ci-dessous, on vend des takoyakis, des boulettes avec un petit poulpe à l'intérieur, c'est délicieux. En vérité, je me suis gavé comme un goret, je voulais tout gouter (mais j'ai pas pu !).


 Un selfie avec Chi !
 Ci-dessous, c'est de la seiche grillée. C'est bizarre à voir mais c'est bon.
 En résumé, j'ai passé un merveilleux hanami avec Chi, encore un grand merci à elle.

dimanche 3 avril 2016

Shizen
(prononcé : "chi-zène")
Shizen, c'est la nature. Contrairement à l'image qu'on se fait souvent d'un Japon sur-urbanisé, les Japonais sont très attachés à la nature. Même dans Tôkyô, on tombe souvent sur de petits espaces verts, disséminés à travers toute la mégalopole. Alors à Nagareyama, autant vous dire que la nature a toute sa place. Il y a une quinzaine d'années, Nagareyama était encore une ville dont les maisons étaient essentiellement réparties entre les champs et les forêts. Même si sa géographie est assez étendue, l'espace n'était pas très occupé, et aujourd'hui beaucoup de quartiers sont flambant neufs. Nagare, ça veut dire couler, comme on parle d'une rivière qui coule, et yama, c'est la montagne. Ici, la montagne coule comme une rivière, c'est beau, non ? En vérité, pas de montagne à Nagareyama, mais le paysage est tout en courbes et collines. Il y a d'ailleurs un parc un peu surélevé d'où on peut voir le mont Fuji quand le temps est très clair. Moi, je ne l'ai pas encore vu. Malgré sa course à la modernité, Nagareyama n'a donc pas oublié son identité rurale, et il y a pas mal d'espaces verts. En voici un petit, juste à côté de chez moi.
En me promenant, j'ai fait un petit tour sur les rives du fleuve Edogawa, un des cours d'eau qui vient se jeter dans la baie de Tôkyô. Les abords sont très sauvages, et j'ai même pu voir un héron passer juste au-dessus de ma tête.

Les cerisiers sont en pleine floraison, il y en a partout, c'est magnifique. Je vous raconterai ça dans un prochain article. Toujours est-il qu'au bord de l'Edogawa, les jardins des maisons donnent une image de ce à quoi ressemblait sans doute Nagareyama il y a quelques années.
Il arrive parfois qu'on lie le sentiment des Japonais face à la nature à la force des éléments naturels sur l'archipel, en particulier celle des volcans, des tsunamis et des tremblements de terre. Je trouve l'idée assez réductrice, et à mon avis, l'influence de la philosophie bouddhiste joue également un rôle très important dans la relation des Japonais à la nature. Ceci dit, c'est vrai que dix jours après mon arrivée, j'avais déjà connu deux tremblements de terre, et il me semble évident que ce genre de piqûre de rappel doit avoir un impact très fort sur la conception de la place de l'Homme dans l'univers.

vendredi 1 avril 2016

Quelques impressions
Tout d'abord, un grand merci à tous pour vos messages et vos commentaires. Je ne peux pas répondre à chacun individuellement, mais je ferai le maximum, au cours des semaines et des mois qui viennent, pour prendre de vos nouvelles, un par un, en privé. Ce blog étant public, je ne veux pas donner trop de détails. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai préféré supprimer l'article précédent : tous les parents le savent, ce qui se passe en cours doit rester dans l'espace de l'école. Si vous voulez en savoir plus, contactons-nous par mail.

Beaucoup d'entre vous me demandent mes impressions sur ma nouvelle vie ici. Le mot qui me vient à l'esprit est : nouveauté ! Pour moi, tout est nouveau. Pour appréhender un pays à la culture si différente de ma culture d'origine, il est nécessaire de casser tous mes repères. C'est loin d'être une attitude naturelle, et je n'en finis pas de me féliciter d'avoir suivi le cursus du Cned, qui comprenait plusieurs cours très bien faits pour aborder les interactions interculturelles. Casser tous ses repères, c'est déstabilisant, mais c'est une étape indispensable pour pouvoir en construire de nouveaux. Après tout, une des raisons qui m'a mené à m'installer au Japon, c'est le désir de sortir de ma zone de confort. Pour ça, je suis servi ! J'ai beau connaitre un peu la culture japonaise, et même si c'est la troisième fois que je me rends dans ce pays, je suis toujours surpris. J'imagine ce que ce doit être pour les gens qui arrivent ici sans rien savoir sur le Japon. Cela explique sans doute - en partie - les incompréhensions qui persistent entre l'Europe et l'Asie, et les fantasmes, stéréotypes et amalgames qui continuent à courir, de part et d'autre. Dans le monde du travail par exemple, il est parfois ardu de comprendre le pourquoi du comment de telle ou telle injonction d'un supérieur. On pense forcément à Amélie Nothomb et son Stupeur et tremblement. Certaines demandes peuvent paraitre absurdes pour un Occidental. Mais il ne faut pas prendre les gens pour des cons sous prétexte qu'on ne les comprend pas. Le con, c'est bien celui qui ne comprend pas, et ça doit nous obliger à faire un effort d'humilité, à cultiver au maximum le sens du doute pour nuancer un point de vue par trop ethnocentré. Pour accéder à l'altérité, et finalement pour accéder au sens, on doit oublier tout ce qu'on connait et repartir à zéro. Ça peut paraitre inquiétant mais c'est surtout exaltant. Pour moi, c'est plus exaltant qu'inquiétant. Quoi qu'il en soit, apprendre à penser japonais va me prendre du temps.
Evidemment, ma plus grosse difficulté pour l'instant est la barrière linguistique. Je parle un peu japonais, suffisamment pour tenir une conversation courante, simple, avec un interlocuteur conciliant. Mais quand il s'agit de faire une démarche administrative, ou même simplement de demander une carte de fidélité à la supérette du coin, c'est autre chose ! Tout seul, je n'aurais jamais réussi à trouver un appartement, ouvrir un compte en banque, faire ma déclaration de résidence à la mairie, etc., heureusement que Chi m'a aidé. En fait, elle a fait plus que m'aider : elle a vraiment tout fait pour moi. Un grand merci à elle. Même faire les courses est difficile : quand on est incapable de lire les étiquettes, et que le conditionnement est très différent de ce qu'on a vu jusqu'ici, il faut faire bien attention si on ne veut pas se brosser les dents avec du cirage à chaussures ou si on ne veut pas se laver le corps avec du liquide vaisselle ! Quant aux réunions de travail tout en japonais, je ne vous en parle même pas. La prof d'anglais a beau traduire l'essentiel pour mon collègue suisse et moi, ça reste des moments compliqués.
Bon, je continuerai à vous raconter tout ça une autre fois.

Pour finir, voici quelques nouvelles photos de chez moi.