Shigoto
Je ne pourrai pas vous montrer de photos aujourd’hui,
puisque je vais vous parler un peu de mon travail (shigoto en japonais) et, comme je l’ai déjà dit,
une école est un espace protégé qui doit le rester. C’est pourquoi je m’en
tiendrai à des généralités, simplement pour vous donner une idée globale de ce
qui occupe l’essentiel de mes journées.
Gyôsei est un groupe scolaire privé catholique qui regroupe
plusieurs sites. L’école principale, immense, est située à Kisarazu, dans la
banlieue est de Tôkyô. A Nagareyama, il y avait déjà un jardin d’enfants, et
c’est juste à côté qu’a été ouverte l’école primaire où je travaille. Le père
Tagawa, fondateur de Gyôsei, est très attaché à l’enseignement des langues et, francophile
de longue date, il tient à ce que le français soit enseigné à part égale avec
l’anglais, c’est-à-dire tous les jours. D’ailleurs, le nom complet de l’école
est Ecole primaire internationale Gyôsei de Nagareyama, bien que tous les
enfants soient japonais.
Le catholicisme est minoritaire au Japon, et ce qui motive
les parents pour inscrire leurs enfants dans cette école n’est pas tellement
lié à la religion, mais plutôt à la recherche d’un enseignement de haute
qualité promis par Gyôsei. De fait, le seul détail qui rappelle que nous sommes
dans un établissement catholique est la statue de la Vierge dressée dans
l’entrée, que les enfants doivent saluer le matin et le soir. Les
enfants ne sont pas plus sages ni plus pénibles que d’autres.
Dès mon arrivée au Japon, le 21 mars, les réunions de
préparation se sont succédé de façon exponentielle, puis le 6 avril a enfin eu
lieu la cérémonie d’accueil, nyûgakushiki. C’est un évènement très important
dans la scolarité de tous les petits Japonais, lors duquel les nouveaux élèves
sont en quelque sorte intronisés dans l’école. Pour nous, cette cérémonie a eu
lieu dans une salle à proximité, l’école étant trop petite pour accueillir tout
le monde. Le protocole est très précis, tous les officiels sont présents, et
les discours alternent avec les chants (interprétés par la chorale de l’école
de Kisarazu, venue spécialement pour l’occasion). J’ai moi-même dû prononcer
une petite allocution en français, ce qui avait un côté étrange parce que je
suis sûr que 99% de l’assistance n’a pas compris un mot de ce que j’ai raconté.
Pour vous donner une idée de la solennité de l’évènement, plusieurs mères
étaient vêtues de leur costume traditionnel, porté en général uniquement pour
les grandes occasions. C’était d’ailleurs très beau, très émouvant. Moi aussi,
j’avais l’impression d’être intronisé dans l’école. Quand les enfants sont
entrés lentement en file indienne dans la salle sous le regard (et l’appareil
photo) fier de leurs parents, j’avoue que j’en avais la gorge serrée.
Suite à la nyûgakushiki, les enfants ont eu trois matinées
pour s’acclimater progressivement à l’école. Les élèves en première année
(l’équivalent du CP) ont 6 ans, ceux en deuxième année (CE1) ont 7 ans, ce sont
donc encore des petiots, il faut tout leur expliquer, d’autant plus qu’ici la
discipline est très importante : se lever quand le professeur entre,
remercier à la fin du cours, etc. L’école étant toute neuve, il n’y a pas
encore de troisième année. Nous n’avons qu’une seule classe en deuxième année,
et deux en première année, chacune recevant 17 à 18 élèves. A terme, je crois
que l'établissement est destinée à accueillir six classes, c’est-à-dire deux par
niveau. Enfin, les cours ont vraiment commencé le lundi 11 avril.
Concernant les journées de classe, tout est différent de ce
qu’on connait en France. Le matin, j’arrive entre 7h et 7h30. Les enfants
arrivent vers 8h, et se changent dans la salle de classe (ils sont en uniforme
pour arriver et pour partir, mais dans la journée ils portent un survêtement).
Ils restent dans la même salle pour tous les cours, ce sont les professeurs qui
se déplacent de classe en classe (sauf pour la musique et les arts plastiques,
qui ont une salle dédiée). En plus du français, j’ai été propulsé prof de
sport. Pour l’instant, j’improvise un peu, je fais appel à mes souvenirs du
temps où j’encadrais des colonies de vacances, mais ce n’est pas évident parce
qu’il n’y a encore aucun matériel. Quand on n’a pas de cours sur le planning,
pas question de se reposer, on va assister les collègues dans leur classe. Encore
un exemple de détail qui montre la différence entre l’Europe et le Japon :
en classe, les enfants ont une sorte de coussin, le plus souvent cousu par leur
mère, sur lequel ils s’assoient ou qu’ils utilisent comme dossier, et qui
contient un capuchon matelassé. Ce capuchon sert à se protéger la tête et les
épaules des débris qui pourraient tomber du plafond en cas de fort tremblement
de terre. Le midi, on sert le repas dans les salles de classe (les différences
entre un repas japonais et un repas occidental mériteraient un article à elles
toutes seules). Les professeurs mangent avec les enfants, ce qui me permet
d’avoir un repas sain et complet tous les jours. Les cours se finissent vers
15h.
Dès que les enfants quittent l’école, la deuxième journée
commence pour les professeurs. D’abord, on fait le ménage (il n’y a pas de
femme de service). Puis on prépare les cours du lendemain, on fait des
réunions, etc. Je quitte le travail entre 17h et 18h, mais les professeurs
référents restent plus tard. Autant dire que ça fait des bonnes journées !
L’équipe est composée de cinq enseignants : trois professeurs référents,
qui ont chacun la responsabilité d’une classe et qui enseignent l’anglais, le
japonais, l’instruction civique, etc., et deux professeurs étrangers, à savoir
moi-même et mon collègue suisse, qui enseigne les maths en anglais. En plus des
professeurs, il y a aussi une équipe administrative : secrétaire,
infirmière, directeur adjoint (notre supérieur direct), etc. L’ambiance est
sympa mais très professionnelle, on se donne tous à fond pour que cette école
soit une réussite. Pendant ce temps-là, les travaux continuent, et l’école
devrait être totalement terminée en juillet.
Voilà, je ne vous ai pas tout détaillé, mais j’espère que ça
suffira à vous faire une bonne idée de ce à quoi ressemble l’école au Japon, et
plus particulièrement celle où j’officie. J’ai oublié de vous dire le plus
important : j’adore mon travail et j’adore mon école. Je suis heureux et fier
d’enseigner ici. Pour finir, voici tout de même une photo prise dans l’établissement,
un matin, avant l’arrivée des élèves…