lundi 3 mars 2025

Mon copain David

 J'en reviens toujours pas. Mon vieux copain du lycée et de la fac est venu me voir au Japon. Mon vieux pote David, dit Dup pour les intimes. Quelle émotion, quel plaisir, quel bonheur !


Pour contextualiser, revenons une bonne trentaine d'années en arrière, presque une quarantaine, en fait. David et moi, on s'est connus au lycée Corneille de Rouen, on devait avoir dans les 16 ans, de purs ados boutonneux. On est rapidement devenus très proches, et on a continué à l'être quand on s'est inscrit à la Sorbonne. On vivait alors à Paris, on étudiait le cinéma et on réalisait des films avant-gardistes en super-8, on découvrait la techno, la vie la nuit et les films de Kenneth Anger, on devenait adulte. 
David est parti poursuivre ses études en République Tchèque, et les occasions de se voir se sont faites plus rares, mais nos retrouvailles n'en étaient que plus chaleureuses. Notre bande de copains des années lycée est restée soudée alors même que nous entrions dans la vie professionnelle. Cette amitié très forte a survécu encore quelques années, avant que les mariages, les bébés et les aléas de la vie nous éloignent un peu, mais jamais complètement. Puis David a quitté l'Europe pour aller vivre au Pérou, et alors que nous aurions pu totalement perdre le contact, le lien ne s'est jamais rompu. Ensuite, ce fut à mon tour de m'expatrier, à l'autre bout de la planète. Plus éloignés l'un de l'autre, ça n'existe pas, à part Rox et Rouky. Et pourtant, comme le renard et le chien, notre amitié était intacte. Par mail ou par messagerie, nous ne nous quittions pas.

Et puis, il y a quelques mois, David m'a dit qu'il voulait venir voir le Japon, accompagné de son père et d'un de ses fils (oui, entre temps, David s'était reproduit à plusieurs reprises !). Craignant d'être totalement perdu en arrivant, il m'a demandé si je pouvais les héberger, le temps de se repérer un peu et de partir découvrir le pays. Malgré la taille relativement réduite de mon appartement, il n'était pas question que je refuse. Bien sûr mon David, je t'attends, je vous attends. On a échangé pas mal de messages pour l'aider à préparer son voyage, et on a fait quelques visios. Quatorze heures de décalage entre le Pérou et le Japon, c'était épique !

Enfin, je suis allé les accueillir à l'aéroport de Narita. Difficile de calculer depuis combien de temps on ne s'était pas vus IRL, mais je dirais que ça faisait une bonne douzaine d'années. Vous imaginez comme on s'est tombés dans les bras et étreints vigoureusement. Je connaissais bien Robert aussi, le papa de David, puisqu'à l'époque du lycée, j'allais souvent rejoindre David chez eux avant qu'on parte en virée, et il m'est même arrivé de dormir là-bas quand on rentrait trop tard. Avec Robert, on a compté que ça faisait 23 ans qu'on ne s'était pas vus ! Là aussi, je vous laisse imaginer l'intensité de nos retrouvailles. Quant à Darius, le fils, bientôt 15 ans, je ne l'avais bien sûr jamais rencontré, et c'était naturellement un immense plaisir que de faire sa connaissance.

On s'est retrouvés tous les quatre dans mon appartement. Je me suis empressé de les plonger dans la culture locale, en cuisinant une soupe miso et un dessert aux azuki (haricots rouges), qui n'ont pas fait l'unanimité !😅 Le soir, direction Akihabara pour une première sortie dans le cœur de Tōkyō. Avec la fatigue liée au voyage et au décalage horaire, j'imagine bien l'inévitable choc culturel qu'ils ont dû affronter. De retour à la maison pour dormir chez moi, c'était 
ambiance camping sauvage mais on s'est bien organisés.
Le lendemain, j'ai emmené toute cette petite troupe en vadrouille dans la Capitale. On a marché, marché, beaucoup marché, et on a eu de la chance avec la météo : temps d'hiver typique, avec un air très sec et un ciel tellement bleu qu'il en est presque indigo. Je ne vais pas vous faire la liste de tous les lieux qu'on a visités. Je voulais leur faire découvrir mon Tōkyō, pas celui des guides touristiques, mais le Tōkyō où on vit. On est allés aussi bien dans des quartiers populaires que dans des quartiers modernes, on s'est baladés dans un jardin traditionnel et dans les ruelles louches de Golden Gai. Ils en ont eu pour leur compte, comme on dit, et moi aussi, j'en avais plein les pattes.
Le jour suivant, nous avons pris le train direction Hakone. En route, nous avons rejoint ma kanojo, qui avait réservé une chambre pour nous cinq dans un ryokan. En effet, quand David m'avait demandé des conseils pour sortir des sentiers battus, quand nous préparions son voyage, j'ai tout de suite pensé au ryokan et au onsen. Dans ces auberges traditionnelles, le personnel ne parle pas toujours anglais, et ce type d'expérience est souvent difficile d'accès pour les touristes. Pourtant, le ryokan et le onsen représentent pour moi la quintessence de "l'esprit japonais", et je trouve dommage de passer à côté. Première plongée dans le bain, dont l'eau au parfum de soufre, jaillie des entrailles de la terre, vous enveloppe comme un ensorcellement. Premier repas de cette cuisine si particulière, dont je vous ai si souvent chanté le raffinement. David était extasié, comme je m'y attendais, et comme je l'avais été lors de mes premières expériences. Tant de nouveaux gouts, tant de textures différentes, tant de beautés à déguster des yeux et des papilles. Puis bain de nuit en extérieur, avec la Lune comme un décor de cinéma. David avait le sentiment que son voyage débutait réellement en ce lieu, en cet instant. Je crois qu'après le choc du premier jour, impossible à appréhender, il commençait à réaliser l'ampleur des découvertes qui s'offraient à lui. C'est ça, le Japon.

Après Hakone, mes trois compères sont partis dans la région de Kyōto et Nara, où ils ont loué une voiture pour partir à l'aventure pendant quelques jours. C'est une partie de leur voyage qui ne concerne qu'eux, aussi je ne vous en parlerai pas ici. Je vous dirai seulement que quand ils sont revenus ensuite chez moi, ils semblaient enchantés, voire complètement subjugués. David a pris de sublimes photos. De mon côté, comme j'avais repris le travail, je leur ai donné les clés de mon appartement pour qu'ils puissent occuper leur temps comme ils voulaient. Quartier libre !😄Dernières promenades, derniers restos, derniers souvenirs à acheter.
Le jour de leur départ, je n'avais que peu de cours, j'ai donc pu les accompagner à l'aéroport, et ma kanojo s'est jointe à nous. Je ne ferai pas un bilan de leur séjour à leur place, mais je pense être dans le juste si je dis qu'ils sont repartis aussi comblés que frustrés, comme je l'avais prédit. Tout ce qu'ils ont vu, tout ce qu'ils n'ont pas vu. Les au revoir étaient chargés d'une émotion indicible, nos étreintes incapables de refléter notre amour et notre bonheur ; la boule dans la gorge nouant nos mots, ce sont nos yeux brillants qui parlaient pour nous. Quand il a fallu se séparer, nous n'en finissions pas de nous faire de grands coucous à travers la vitre, en tendant nos bras au-dessus des portiques de sécurité, alors qu'on ne s'apercevait plus qu'à peine. Nous avons encore tellement, tellement de choses à partager. Tu reviendras.

Bien sûr, ce n'était pas mon voyage. Moi, j'étais simplement chez moi. Mais la visite de David et de sa famille a eu le bon gout de chambouler mon quotidien le temps de quelques jours, en rebattant mes cartes. C'est toujours comme ça avec David. C'est aussi pour ça que je l'aime.
Le premier élément de réflexion que je tire de cette visite, c'est d'avoir pu vérifier, une fois de plus, comme je me suis intégré à la vie japonaise, ou plutôt comme j'ai intégré la vie japonaise en moi. Ça peut sembler évident, et pourtant, les difficultés quotidiennes sont encore tellement nombreuses pour moi que je mesure plus nettement le chemin accompli à l'aune de l'étonnement de ceux qui foulent le sol japonais pour la première fois. Ce sont toutes ces nouveautés, qui pour moi n'en sont plus, tout ce qui fait désormais parti de ma normalité, et que j'avais, moi aussi, vécu comme de l'inédit. Juste un exemple, pour parler concrètement, et très, très prosaïquement : c'est bien la première fois de ma vie que j'explique à quelqu'un comment se servir des toilettes !

La seconde chose qui me vient en tête, c'est là aussi la confirmation d'une réflexion antécédente : je ne profite pas assez du Japon. J'en avais déjà parlé, je crois, sur ce blog, et ceux avec qui je m'en suis entretenu savent à quel point ça me mine. Certes, je sais bien qu'il est différent de voyager au Japon et de travailler au Japon, mais quitte à vivre dans un autre pays que le mien, j'aimerais davantage élargir mon horizon visuel et spirituel, sinon mon exil perd son sens. Je vis le Japon à travers sa culture du quotidien, le rythme des trains, les rencontres, mon expérience professionnelle qui s'accroit, la répétition des jours qui m'enracine profondément en ces terres, mais l'inédit dont je parlais plus haut, et qui m'a en premier amené au Soleil Levant, me manque. J'aimerais renouer avec l'ébahissement, avec la somptuosité nippone que j'ai entendue dans les mots de David au retour de son escapade, et que j'ai vue sur ses photos. J'ai soif de reliefs et d'air frais, et je ne parle pas seulement de paysages mais aussi des battements de mon pouls.

Cela fait quelques mois, voire quelques années, que je m'interroge sur les décisions à prendre, les façons de faire à mettre en place, pour concrétiser ce besoin d'ailleurs, ailleurs ici, ce besoin de nouveauté qui m'enchante, me nourrit et me ronge, exactement comme le fait une gorgée de sang frais pour un vampire, esclave de mon insatiabilité. Mais je m'égare.
En conclusion, je voudrais une dernière fois rendre hommage à cette visite enchanteresse de mon ami David et de sa famille, et je lance un appel : qui seront les prochains à venir attiser mon cœur fièvreux ?

mardi 4 février 2025

Mots d'hiver

 L'hiver traine sa langueur, et j'ai envie de vous faire part de quelques mots qui expliqueront en partie mon silence sur ce blog depuis début décembre. Des maux divers...

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais peu avant Noël, je me suis coincé le dos en faisant un mouvement simple, ni brusque ni inhabituel. Je ne me suis d'abord pas inquiété de cette douleur, mais celle-ci s'est rapidement amplifiée, à tel point que le jour de Noël, je ne pouvais tout simplement plus marcher, ni me tenir debout, ni me tenir assis. J'ai aussitôt reconnu les symptômes d'un mal dont j'avais déjà souffert, la sciatique. Sauf que quand je vivais en France, mes crises de sciatique passaient en quelques jours, souvent avec l'aide d'un médicament dont j'ai malheureusement oublié le nom. Mais là, non. Ça n'est pas passé. Non seulement la douleur est devenue terriblement insupportable, mais elle ne montrait aucun signe de rémission, au contraire. Entre Noël et le Jour de l'An, j'ai eu beaucoup de cours à encadrer, et je m'y suis rendu en avançant plié en deux comme un vieux bossu et en faisant des pauses tous les cinquante mètres. J'ai peut-être l'air de prendre ça à la rigolade, mais je vous jure que je n'exagère pas. En vérité, ma souffrance était telle qu'elle m'obnubilait, et que je ne pouvais penser à rien d'autre. Même réfléchir était devenu trop difficile pour moi.
Après le Jour de l'An, la plupart des services - y compris les services médicaux - et des magasins - y compris les pharmacies - sont en arrêt pendant plusieurs jours, il m'a donc fallu patienter. Et patienter quand on a une aiguille à tricoter géante qui vous rentre dans les reins et qui descend dans toute la jambe en vous crevant la hanche, la cuisse, le genou et le mollet pour aller se planter jusque dans votre cheville, je peux vous dire que ça use le moral.

Quand j'ai enfin pu consulter un orthopédiste, celui-ci m'a fait passer une IRM et m'a prescrit un traitement, soi-disant super fort. Il y a une chose intéressante avec les médicaments japonais : la plupart des expatriés connaissent leur inefficacité, et pourtant ces médicaments s'avèrent tout à fait efficaces sur les Japonais, voilà qui est étrange. A l'inverse, les Japonais qui viennent en France, pour peu qu'ils aient
 été mis en garde par leurs compatriotes venus avant eux, emportent dans leurs bagages leurs propres médicaments, car les nôtres leur donnent mal au crâne ou au ventre. Comment expliquer que nos traitements soient trop forts pour eux, et les leurs trop faibles pour nous ? J'ai posé la question à ma sœur ainée, qui travaille dans l'industrie pharmaceutique. Il semblerait qu'il n'y ait aucune explication rationnelle. Le dosage d'un produit pharmaceutique est en lien avec la corpulence du patient, pas avec son passeport, et, à part les sumôtori, les Japonais ne sont ni plus gros ni plus chétifs que les Occidentaux. Je me suis demandé s'il n'y avait pas là un phénomène proche de l'effet nocebo chez les Japonais, c'est-à-dire que le fait de croire qu'ils ingèrent une substance active (elle l'est, certes, mais normalement pas au point de créer de tels troubles) accentue leur ressenti. A l'opposé, je ne sais pas comment on pourrait nommer l'effet qui rend inactive une molécule chez les Occidentaux, juste parce qu'on la considère comme inactive. Serions-nous dotés du système digestif des autruches ?
Tout ça pour vous dire que si le docteur m'avait prescrit des bonbons à la place des médicaments, ça aurait au moins eu le mérite de me faire plaisir. En tout cas, ça n'aurait pas été moins efficace. Par ailleurs, quand vous achetez des médicaments au Japon, on ne vous vend pas la boite mais la dose exacte correspondant à la prescription. Pas question, donc, de doubler les doses, à moins de raccourcir la durée de votre traitement. Comme il devenait pénible d'arpenter les rues à quatre pattes, j'ai fini par acheter une canne, et je suis allé voir un ostéopathe. Comme beaucoup de monde, je croyais que l'ostéopathie était une variante de la kinésithéraphie, je ne savais pas encore que ses bénéfices n'étaient pas scientifiquement démontrés, et qu'il s'agissait là d'une médecine dite alternative, c'est-à-dire une pratique de charlatan. Et en effet, l'ostéopathe m'a un peu manipulé, étiré, vaguement massé pendant 45 minutes et ça n'a rien changé à mon martyre.

Un effet secondaire et imprévisible de mon handicap a été que je ne pouvais plus me raser. Quel rapport, me direz-vous. Eh bien pour se raser, il faut se tenir environ 10 minutes devant le lavabo, et qui plus est, penché en avant. Totalement impossible pour moi. J'ai donc laissé pousser ma barbe et mes cheveux pendant plusieurs semaines. Un jour, alors que je portais un pantalon noir dont un pan se rabat devant et donne l'effet d'une robe, je suis passé devant un miroir. J'ai vraiment eu un choc. Quand je me suis vu avec ma barbe grise, ma canne et ma robe noir, j'ai immédiatement eu l'image de l'abbé Pierre ! Même l'œil pervers, tout y était ! Il ne manquerait plus qu'un MeToo me tombe dessus...
Je suis retourné voir l'orthopédiste, qui était surpris de constater que ses bonbons avaient eu autant d'effet qu'une balle de revolver dans le thorax de la créature de Frankenstein. Il a donc de lui-même doublé les doses (il a dû comprendre que j'étais une autruche), en me disant qu'avec ce traitement de cheval, si mon mal ne disparaissait pas, il faudrait songer à une opération. J'ai répondu gloups.
Enfin, j'ai commencé à aller mieux. Ça n'a pas été fulgurant et je n'ai pas sauté de joie, d'ailleurs je n'ai pas sauté du tout, je ne pouvais pas, mais c'est vrai que j'ai commencé à moins souffrir, j'ai même réussi à me raser. Très heureux de retrouver une certaine mobilité, je suis retourné au kendô. Je n'avais pas pratiqué depuis début décembre et ça me manquait. Oh, je n'étais pas naïf quant à ma condition, et je savais bien que j'étais loin d'être au maximum de ma forme, mais j'avais juste envie de bouger. Je suis allé saluer le sensei et lui expliquer les raisons de mon absence, et lui dire que j'avais l'intention d'essayer de participer en douceur à l'entrainement, juste pour voir. J'ai ensuite commencé à faire, tout seul dans mon coin, quelques suburi, c'est-à-dire des exercices de base destinés à affirmer la technique. OK, pas de problème. Je suis ensuite passé aux haya-suburi, c'est-à-dire des mouvements plus rapides sollicitant une certaine vivacité des jambes. Là, j'ai bien remarqué que je n'étais pas stable du tout. Puis, toujours tout seul et toujours pour voir, j'ai lancé un men-uchi, c'est-à-dire le principal mouvement d'attaque, assez dynamique, visant l'adversaire à la tête. Et je me suis étalé par terre comme une crêpe. Ce qui se passe, c'est que pour lancer ce mouvement, il faut propulser le corps en avant en s'appuyant sur la jambe gauche. Or, les muscles de ma jambe gauche ont totalement fondu. Je ne pouvais rien faire. Au bout de dix minutes, je suis rentré chez moi, fin de l'entrainement de kendô.
En fait, comme je souffrais attrocement depuis décembre, je me suis appuyé le moins possible sur le côté gauche et, cette jambe travaillant donc peu, mes muscles ont diminué de volume. L'orthopédiste l'avait remarqué et il a mesuré la circonférence de mes cuisses : il a noté 5 cm de différence ! J'ai donc récemment entamé un programme de remusculation de mes jambes, et n'ai pas repris le kendô. Il faut que je patiente.
Voilà où j'en suis aujourd'hui. J'essaye d'aller au spa aussi souvent que possible. Les bains à jet massent assez puissamment, je pense que c'est bon pour le drainage lymphatique. Et je me force à aller dans le bain électrique. Kesako ? On est dans l'eau jusque sous les bras, assis dans une alcôve, et on reçoit des petites décharges électriques au niveau des reins, pile-poil là où mon mal prend sa source. Moi, j'appelle ça le bain Claude François. Les muscles se contractent, ça fait comme un massage sans contact. Je reconnais que ça, associé au jacuzzi et à d'autres douceurs relaxantes, ça porte ses fruits.
J'ai encore mal quand je marche, mais je n'ai plus besoin de la canne. On peut dire que je vais un tout petit peu mieux de jour en jour, mais ce n'est pas flagant. La douleur permanente m'avait cruellement sapé le moral, et là aussi, je remonte la pente, même si j'ai encore parfois des coups de mou.

Comme vous le voyez, pour moi, la période des fêtes, ça n'a pas été la fête. Rassurez-vous, il y a tout de même eu de bons moments. Par exemple, ma sœur m'a envoyé un colis pour Noël, et parmi les cadeaux, j'ai trouvé un vrai et beau camembert de Normandie ! Et comme le colis a mis beaucoup de temps à arriver, il était bien fait et bien coulant, le clacos ! A travers lui, on pouvait humer la terre et les vaches ! Voilà qui a fait mon bonheur pendant une semaine. Et au registre gastronomique, j'ai également pu prendre ma revanche de la galette des rois ! 
Figurez-vous que dans les boulangeries Paul (il y en a plusieurs à Tōkyō), on trouve une excellente galette, aussi bonne qu'en France. L'année dernière, je m'y étais pris trop tard pour en acheter une, et j'avais une frustration à assouvir. Et un Lulu qui rumine sa galette pendant un an, ça devient un vrai fauve ! Je n'ai pas acheté une part, j'ai acheté une galette entière pour moi tout seul ! J'ai essayé de me restreindre un peu afin que ma kanojo puisse y gouter aussi, mais à part ça, je l'ai dévorée comme un lion affamé (la galette, pas ma kanojo). Et comme je suis sauvage mais gentil quand même, j'avais caché la fève dans sa part (parce que cacher la fève dans sa propre part, ça fait pas une grosse surprise).

Voilà donc pourquoi je ne vous ai rien raconté de mon hiver : je n'avais rien à raconter. Ne pouvant lever un pied sans gémir de douleur, j'ai passé le plus clair de mon temps sous mon kotatsu (table basse chauffante) à me reposer. Et puis de toute façon, le kotatsu, c'est un de mes grands plaisirs de l'hiver au Japon, alors il ne fallait pas m'offrir un meilleur prétexte pour m'y blottir. Je reconnais que cet hiver est le moins froid que j'ai connu depuis que je suis ici, mais je ne suis pas encore décidé à sortir de mon hibernation, et c'est pourquoi je vous écris ces mots tout en laissant cette confortable et rassurante chaleur m'envelopper les jambes. Mes mots d'hiver.