dimanche 7 février 2021

Déménagement

Voilà bientôt cinq années que j'habite au Japon. Lorsque je me suis exilé, je ne pouvais évidemment pas savoir comment se déroulerait ma vie d'expatrié, si je m'épanouirais dans mon nouvel environnement, et s'il serait envisageable de prolonger l'expérience sur le long terme. Allez, pour être tout à fait honnête, même si je n'avais aucune réponse à ces questions, j'avais bien quelques intuitions. Intuitions qui se sont révélées exactes, car on dirait bien que je suis heureux et que c'est parti pour durer.
Ne sachant pas pour combien de temps je quittais ma terre natale, je n'avais emporté avec moi que le minimum, et avais entreposé dans le garage de ma sœur et chez quelques amis les affaires dont je n'avais pas immédiatement besoin. Au passage, que tous soient ici remerciés pour avoir ainsi veillé sur mes cartons, malles au trésor de mon passé. Lors de mon installation sur ma terre d'accueil, toujours dans la même perspective, en attendant de voir de quoi l'avenir serait fait, j'avais opté pour un logement minimaliste, petit mais fonctionnel, d'une sobriété quasi-monastique. Cet appartement a parfaitement convenu à mon nouveau mode de vie, le temps que celui-ci se mette en place, mais je commençais à m'y sentir à l'étroit. Mon quotidien ne pouvait plus se satisfaire de l'âpreté de mon logement, j'avais envie de plus d'espace et de confort.
Considérant que mon exil se projetait dans le futur, j'ai décidé de faire venir de France toutes les affaires que j'y avais laissées, la totalité de mes biens matériels provisoirement abandonnés dans un coin, coin qui se faisait envahissant dans le garage de ma sœur. Il était temps que le provisoire cesse de durer. Je vous passerai les détails sur les péripéties ennuyeuses de la collecte de mes cartons par l'entreprise de transport en plein confinement, de l'acheminement par bateau de Marseille à Tôkyô, et des difficultés à localiser ensuite mon chargement dans un entrepôt du port tentaculaire de la capitale nippone. Toujours est-il que le 14 décembre, je me suis rendu aux douanes pour y réceptionner mon colis. Et tu parles d'un colis ! Je n'avais jamais vu une boite aussi grosse ! En découvrant le volume que représentaient mes effets, j'ai compris ce jour-là qu'un déménagement ne relevait plus du simple désir mais devenait une nécessité. Et au cas où j'aurais encore eu un doute, celui-ci se serait totalement dissipé à la livraison de mes affaires au milieu de mon minuscule appartement. Le peu d'espace où je vivais était totalement envahi par une montagne de cartons.
Ensuite, tout est allé très vite, surtout si on compare aux écueils de la recherche d'un logement en région parisienne. Le 21 décembre, soit une semaine exactement après ma visite aux douanes, je commençai à répondre à quelques annonces immobilières. Le 24, je visitai trois appartements. Les deux premiers ne m'ont pas plu du tout. Certes, si je n'avais pas eu le choix, ces appartements auraient fait l'affaire puisqu'ils étaient bien plus grands que là où j'habitais, mais je ne m'y sentais pas à l'aise. Quant au troisième, ça a été un véritable coup de foudre. A peine y avais-je mis les pieds qu'une évidence résonnait en moi : "c'est là que je veux habiter." J'ai aussitôt confirmé mon intérêt au courtier. Contrairement à ce qui se pratique en France, inutile de déposer un dossier et d'attendre qu'on vous rappelle : ici, c'est premier arrivé, premier servi. Et puisqu'il ne s'agit pas d'un logement privé (le propriétaire est l'Etat japonais, ça marche un peu comme les HLM si vous voulez), pas besoin de verser de caution, pas besoin de garant, c'est beaucoup plus simple. Deux jours plus tard, je signai le contrat de location et le 23 janvier, je récupérai les clés.
Je ne paye pas beaucoup plus cher que là où j'étais avant, surtout si on prend en compte la surface supplémentaire dont je jouis. Même mon appartement à Vitry-sur-Seine n'était pas aussi grand. A tel point que ma chère et tendre a rapidement trouvé un surnom pour mon nouveau domaine : Château-Ludo !😁 A propos de ma chérie, puisque la question m'a souvent été posée : non, nous n'avons pas emménagé ensemble. Nous tenons beaucoup trop l'un à l'autre pour risquer de mettre notre couple en danger en cherchant à faire comme tout le monde. Ce serait stupide, non ?

Bon, évidemment, ma nouvelle adresse recèle quelques inconvénients. Je tenais à rester à Nagareyama pour ne pas trop m'éloigner de l'école où je travaille, mais je m'enfonce à présent dans le deep-Nagareyama ! En comparaison, mon ancien quartier était super animé ! Là, il n'y a vraiment rien aux alentours, plus mort que ça ce serait un cimetière. Et puis, fini d'aller au travail à pied, je dois prendre le train et j'ai même un changement, le temps de trajet s'allonge donc notablement. Par contre, la gare est à dix minutes à peine, ça c'est pratique. Par ailleurs, je viens de m'acheter un vélo, et si la météo le permet, je crois que je vais faire travailler mes mollets plutôt que de rythmer ma vie sur les horaires ferroviaires.

Dans les côtés positifs, il y a tout le reste. La superficie, la lumière, le cachet... Je me situe au deuxième étage, c'est-à-dire tout en haut du bâtiment, avec vue sur des arbres, aucun vis-à-vis avec un autre bâtiment, plein sud. La chambre et le séjour sont séparés, et j'ai même un bureau ! Il y a une vraie cuisine, où je vais reprendre le gout de me préparer à manger. Et puis surtout, le top du top, c'est que la chambre et le séjour sont recouverts de tatamis, et il y a des parois coulissantes dans la pure tradition locale, on se croirait dans un ryokan, j'adore. Nec plus ultra du confort à la japonaise, je me suis offert un kotatsu, c'est-à-dire une table basse chauffante, sous lequel je passe mes soirées pelotonné. Comme j'arrivais d'un appartement meublé, je ne possédais rien et il a fallu tout acheter : frigidaire, four, chaises, etc. D'ailleurs, ce n'est pas terminé, il y a encore beaucoup de meubles dont j'ai besoin, je m'équipe petit à petit.
J'ai eu le loisir de me promener un peu ce matin dans mon nouveau quartier, et au niveau verdure, je suis comblé. Les champs sont à moins de cinq minutes, ça fleure bon la ruralité, le bonheur.
Certes, je vis encore dans une montagne de cartons, mais il s'agit cette fois-ci de cartons qui se vident petit à petit, et c'est un véritable plaisir d'aménager ainsi progressivement mon nouveau chez moi. J'ai aussi pu déballer mes vieux cartons de France, et je retrouve mon passé, mes repères, mes racines. Je m'enracine.
Ça faisait longtemps que je n'avais pas habité dans un espace qui me ressemble ; ça faisait cinq ans, en fait.


5 commentaires:

  1. Ça fait tellement de bien de lire ça, de te sentir heureux et rayonnant de positivité dans le marasme ambiant ! Merci pour ces bonnes ondes venues du bout du monde quand les frontières se referment et que chacun se replie !

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  2. Whaou!! génial ton nouvel appart. Tu vas pouvoir poser tes valises comme on dit. L'année 2021 commence bien pour toi, c est chouette.
    Bon aménagement.bises Steph

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  3. 5 ans ? J'ai l'impression que ça fait des siècles !! Sympa de découvrir toutes les péripéties pour récupérer tes cartons et encore toutes mes félicitations pour avoir trouver ton "chez toi " où tu te sens si bien.. chateau-Ludo 😊😊 excellent ! Bisouxxx

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  4. C'est super chouette! comment t'as fait pour ramener tous tes cartons des douanes à chez toi?

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    1. J'ai fait transporter mes affaires par une entreprise spécialisée (celle qui a réceptionné mon chargement à la livraison dans le port de Tôkyô).

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