mercredi 26 avril 2023

Le Kawanoriyama

 Il faut vraiment être motivé pour aller marcher en montagne : debout à 4h30 un dimanche matin (alors que je manque de sommeil !), 3h30 de trajet, puis plus de 5 heures à crapahuter !... Des fois, je me demande si je suis pas un peu maso. Mais quand je mets un pied devant l'autre en sniffant de la chlorophylle, je me dis que je suis simplement vivant.
Je commence à bien connaitre les balades qu'on peut faire du côté de Okutama. Entre la vallée de Hatonosu, le Okutama no Mukashi Michi, ou le mont Hinode, j'ai déjà effectué pas mal de promenades dans la région. Il y a quelques mois, j'avais repéré, sur les sites consacrés à la randonnée, une cascade qui avait l'air d'être impressionnante, mais son accès était fermé pour cause de travaux. Je m'étais donc rabattu sur le mont Honnita, j'en avais sué mais j'avais pu admirer le mont Fuji, forcément sublime. La route jusqu'à la cascade est à nouveau praticable, et j'ai enfin pu m'y rendre, et tant qu'à faire, j'ai poussé jusqu'au Kawanoriyama, le sommet qui se trouve dans le prolongement du chemin.
Il faut croire que je n'étais pas le seul à attendre la réouverture de ce sentier, si on en juge par le nombre de personnes qui faisaient la queue pour prendre le bus depuis la gare de Okutama. D'ailleurs, un seul bus n'a pas suffi, et un deuxième a aussitôt été affrété. Et quand on est descendus à l'entrée du chemin d'accès, il y avait foule ! Mais qu'à cela ne tienne, je suis parti d'un bon pas pour m'écarter des groupes et essayer de respirer la verdure en m'isolant un tant soit peu.
Le début de la balade longe une rivière, le dénivelé est donc assez tranquille. J'étais en pleine forme et j'ai mis à peine plus d'une heure pour atteindre la cascade, Hyakuhiro no Taki. Effectivement, impressionnante, cette cascade ! Environ 40 mètres de haut, c'est beau. Mais ce n'était qu'un échauffement, et j'ai repris ma foulée, direction, cette fois-ci, la cime voisine. Voilà, ça c'est de la randonnée digne de ce nom, où chaque pas demande un vif effort. J'étais déjà nettement moins en forme ! Mais à l'arrivée, comme toujours, le panorama est le cadeau que la Terre offre et qui vous fait oublier vos souffrances. Silence, on admire.
Enfin, "silence", pas tout à fait, parce qu'il faut bien que la foule du départ se retrouve au sommet ! Heureusement que les Japonais sont d'une nature plutôt respectueuse, et que ceux qui parviennent jusqu'ici sont conscients de ce qu'ils ont sous les yeux, ce qui fait que l'affluence ne tourne pas à l'invasion polluante.
Puis il était temps de redescendre, et là, j'avoue que ça faisait longtemps que j'en avais pas bavé comme ça. Une toute petite forme, le Lulu, sur le chemin du retour ! J'ai profité de mon rythme particulièrement lent pour m'émerveiller sur la végétation alentour. Je n'y connais pas grand-chose, et peut-être pourrez-vous m'éclairer : je rêve ou ce sont des plantes carnivores qui bordent le chemin ?! On dirait une espèce de sarracénies.
Le sentier rejoint celui qui redescend du mont Honnita, j'étais en terrain connu, mais pas plus dynamique pour autant. Je me suis trainé jusqu'au village d'en bas, d'où j'ai pu prendre le train, rompu, exténué, et comme il se doit comblé.

Serez-vous surpris si je vous dis que le lendemain, même monter un simple escalier était un calvaire sans nom qui me donnait l'impression d'être un vieillard vermoulu ? Ah, le vert, ça se mérite !











lundi 17 avril 2023

Retour à Ikaho

 Il y a quelques années, je m'étais rendu à Ikaho onsen, et j'avais adoré. C'est vraiment le genre d'endroit où on se dit : "Il faudra que j'y retourne, un jour." Alors voilà, j'y suis retourné.

La première fois, c'était en été, et il faisait très chaud. J'avais trouvé mon séjour tellement exaltant que je vous l'avais raconté en trois épisodes, que vous pouvez relire ici, et .
Cette fois-ci, j'y suis allé au printemps et en début de semaine, histoire d'éviter la canicule et la foule. Ceci dit, Ikaho est tellement populaire que même ainsi, les rues restaient animées.
Comme le suggère l'appellation commune de la cité (Ikaho "onsen"), on va à Ikaho d'abord pour les onsen. C'est un très bon spot à environ 2h30 de bus de la capitale. Plusieurs sources jaillissent du sous-sol, et certaines ont la particularité d'être chargées en fer, ce qui colore l'eau d'une teinte marron et la rend tout à fait opaque. L'eau n'est pas excessivement chaude, ce qui en fait une destination idéale pour séjourner en famille. D'autant plus que - et c'est la deuxième raison pour laquelle on se rend à Ikaho - il y a en ville de nombreuses activités et animations pour petits et grands.
La vieille ville s'articule essentiellement autour du grand escalier en pierre (365 marches, je suppose que c'est fait exprès, même s'il ne faut pas une année pour les gravir toutes !). De part et d'autre de cet escalier, outre les restaurants et boutiques de souvenirs habituels, on trouve des stands de tir à la carabine (avec de petits bouchons en liège), ou de lancer d'étoiles de ninja, ou de fléchettes, lancer d'anneaux, tir à l'arc, ce genre de choses. Les lots sont dérisoires, on joue avant tout pour s'amuser, peu importe ce qu'on gagne. D'ailleurs, beaucoup de gagnants laissent leur petit canard en plastique jaune sur un autel (qui devait sans doute, à l'origine, être consacré à un usage plus spirituel !), comme une offrande à la chance et au plaisir !
L'hôtel (on dit plutôt ryokan) où je séjournais était très bien, avec une déco dépaysante et même un peu mystique. La chambre à la japonaise (avec les futon qu'on ne sort que le soir) était spacieuse et claire, même les toilettes étaient belles ! Les repas, comme il se doit, raffinés et copieux. Et les onsen, toujours, toujours divins. Le paysage depuis la fenêtre de la chambre était rafraichissant, avec les montagnes enneigées au loin. La bourgade étant situé en altitude, les saisons y sont légèrement décalées par rapport à la plaine, et alors que la floraison des cerisiers est complètement terminée sur Tôkyô, on trouve encore à Ikaho quelques arbres arborant de beaux pétales roses. Comme une image de rêve qui survivrait après le réveil.

Ikaho est l'endroit parfait pour se reposer et se changer les idées quand on sature, et certains d'entre vous savent à quel point j'en avais besoin. Alors forcément, je ne peux que me dire, encore : "Il faudra que j'y retourne, un jour."

























lundi 3 avril 2023

Fragilité de l'instant

 Outre sa beauté, ce qui crée la valeur du hanami, c'est non seulement sa courte durée, mais aussi le côté aléatoire des conditions qui se présentent : suivant les années, on a de la chance ou on n'en a pas. Cette année, je n'ai pas eu beaucoup de chance.

C'est un incontournable de ce blog et de la culture japonaise, et si vous ne savez pas ce qu'est le hanami, vous pouvez vous mettre à jour en cliquant ici ou .
Le mois de mars a été particulièrement chaud, laissant envisager une floraison précoce des cerisiers. Avec mon amie Laura, ancienne collègue de l'école primaire, nous avons eu envie d'organiser un piquenique pour admirer les fleurs, activité on ne peut plus traditionnelle, mais surtout, nous avons voulu inviter nos anciens élèves. Pas tous, évidemment, seulement ceux avec qui on est restés en contact, les gentils, ceux qu'on aime bien. Et leurs parents et leurs copains, tant qu'à faire. Et quelques collègues, aussi. La date arrêtée, nous avons donc contacté tous ceux que nous voulions voir, et beaucoup ont répondu qu'ils seraient présents. Une super après-midi s'annonçait. Mais quelques jours avant l'évènement, la météo, de quasi estivale, est passée à franchement maussade, voire absolument merdique. Presque un retour à l'hiver, avec gros nuages noirs toute la journée, pluie incessante et vent glacial, et la nécessité de remettre le chauffage. La mort dans l'âme, nous avons dû annuler notre piquenique la veille même. Mais le mari de Laura a eu une excellente idée de rattrapage : il a réservé une salle à la dernière minute, et nous avons proposé aux enfants de venir faire des jeux de société (7 familles, Uno, ce genre de choses).
Certes, pas de piquenique, pas de fleur à admirer, mais nous avons pu passer l'après-midi avec nos chers anciens élèves, nos bouts de chou, et ça, c'était vraiment merveilleux. Bon, les jeux dans la salle avec une vingtaine d'enfants, c'était bruyant, mais tellement chaleureux et plein de joie. Je n'avais pas revu la plupart d'entre eux depuis deux ans, quelle émotion ! Je ne peux évidemment pas vous montrer les photos, mais nous avions tous du bonheur plein le cœur. Ça a été une occasion sympa de discuter avec les parents aussi, chose nouvelle puisque à l'époque où je travaillais à l'école, il était interdit aux professeurs de communiquer avec les parents (vous n'avez pas mal lu, c'est bien une des aberrations de cette école).
Le hanami, je l'ai donc fait surtout en parcourant la ville, pour aller au supermarché ou sur le chemin de la gare, à chaque fois que je longeais un jardin. Trop occupé, je n'avais pas le temps de déambuler. Beau, bien sûr, mais un peu frustrant.
Une ultime chance s'est présentée dimanche dernier : la météo s'est améliorée, et j'ai pu faire un piquenique avec ma fiancée dans le petit parc près de chez moi, où nous avions piqueniqué il y a deux ans. C'était déjà la fin de la saison, beaucoup de pétales jonchaient le sol, les arbres verdissaient, nous avons raté le pique de floraison, mais nous étions contents quand même, c'était mieux que rien. Un autre groupe piqueniquait pas loin de nous, l'ambiance festive était bien là. Et quand le vent soufflait, faisant s'envoler les dernières fleurs, nous étions en plein cliché japonais, magnifique et émouvant.

Quand je dis que la météo s'est améliorée, c'est par rapport à la semaine précédente, celle de notre piquenique raté. Parce que bon sang, il faisait bien froid tout de même, et nous avons écourté la célébration, transis que nous étions ! Mais si on compare à l'année précédente, c'était finalement plutôt réussi : l'année dernière, nous avions eu encore moins de chance avec la météo, nous avions dû totalement renoncer au piquenique, et on avait mangé des chips dans ma cuisine, la loose complète. Alors réjouissons-nous de l'instant que nous avons pu vivre, si fragile.




Un "cola" au gout "sakura" : pur produit marketing de saison !